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Actualités - OPINION

Pour la première fois depuis 15 ans, un gouvernement « made in Lebanon »

La plupart des blocs parlementaires consistants vont participer au gouvernement. Certains pour la première fois depuis Taëf. Comme les aounistes, Kornet Chehwane et les Forces libanaises, frappés d’exclusion sous la tutelle. Mais aussi comme le Hezbollah. Dont la mise sur la touche antérieure était de nature tout à fait différente, volontairement consentie, parce que ce parti de la résistance ne souhaitait ni revêtir un caractère officialisé ni embarrasser, aux yeux de l’Occident, un pouvoir en place qui lui prodiguait son soutien. On est donc bien dans une ère historique nouvelle, après le retrait syrien et la récupération de l’autonomie politique. La mutation est en train de se compléter dans un esprit d’apaisement. En vue du sauvetage national et du redressement économique. Cette fois, il n’y aura plus de gouvernement préfabriqué à Damas, dont la composition pouvait être annoncée bien des jours à l’avance dans la presse. Aujourd’hui, s’il est entendu que le gouvernement va être d’union, on ne sait pas avec certitude quelle en sera la configuration exacte. Bien entendu, Saad Hariri a joué un rôle majeur par son initiative de la main tendue à tous, ses contacts intensifiés avec tous les bords, Aoun en tête, dans la récollection. Ainsi, l’ancien président du Conseil, constatant selon ses termes que les haririens étaient d’accord sur 95 % de son programme de réforme, a renoncé à se cantonner dans l’opposition pour tenter de faire adopter ses vues, de l’intérieur, par le nouveau pouvoir. Ce dernier va donc, sauf retournement dramatique, se composer du Courant du futur, du Courant patriotique libre, du bloc FL, de la Rencontre de Kornet Chehwane, d’Amal, du Hezbollah et de quelques pôles représentant d’autres tendances non négligeables. Un des signes du changement est que certaines formations, inamovibles sous la tutelle, ne vont probablement pas faire partie du gouvernement. Il s’agirait notamment du Baas, du PSNS, des Kataëb ainsi que de certains symboles individuels prosyriens. En principe, Fouad Siniora devra former son équipe en base des résultats des dernières législatives. Cela signifie que la majorité nouvelle ex-opposante (donc sans Amal et le Hezbollah) devrait rafler plus des deux tiers des sièges ainsi que la plupart des portefeuilles-clés, politiques ou autres, comme l’Intérieur, les Finances, etc. Pourquoi cette gourmandise ? Pour éviter l’émergence éventuelle du tiers dit de blocage. Ce qui montre le degré de confiance liant cette majorité à ses alliés électoraux comme Amal et le Hezbollah, justement… Mais cet appétit, logiquement jugé excessif par les autres joueurs, rend la fabrication plus difficile, plus délicate. Les tractations pourraient de ce fait s’en trouver prolongées au-delà du week-end. D’autant que le gouvernement de travail national, comme l’a baptisé Saad Hariri, devra sans doute aussi comprendre quelques éléments puisés dans la société civile. Et faire place, dosage sensible, à des symboles de la guerre chrétiens, jusque-là écartés, face aux symboles de guerre musulmans, toujours présents. Parce que l’on ne peut ignorer les points marqués par le camp chrétien, notamment grâce à la lutte menée par la Rencontre de Kornet Chehwane. On sait en effet que cette lutte a largement contribué au retrait syrien, à la récupération de la souveraineté et de la libre décision libanaise. Autrement dit, l’éviction du système appelé sécuritaire qui consacrait la mainmise des services de renseignements syro-libanais sur le domaine politique. Le pays retrouve de la sorte les voies de la démocratie et doit édifier un État de droit. Kornet Chehwane a également milité, avec succès, pour un dialogue entre les différentes composantes de l’entité libanaise, entre toutes les communautés pour parvenir à un langage national unifié, dans l’esprit du 14 mars dont la cristallisation a permis, entre autres, le retour du général Aoun, la libération prochaine de Geagea et la perspective imminente d’un cabinet d’union où Courant du futur et Courant patriotique libre vont joindre leurs efforts. Point de vue Mais maintenant, selon un de ses piliers parlementaires, la mission de la Rencontre de Kornet Chehwane est terminée. À son avis, sa perpétuation se justifie d’autant moins que son rôle était, en quelque sorte, de servir d’ersatz pour pallier l’absence forcée de pôles comme Aoun et Geagea. Et pour traduire en action politique les recommandations de Bkerké, qui ne peut évidemment pas agir sur le terrain. Pour cette personnalité, il faut désormais que les symboles de guerre se transforment en guides de paix servant la nation en participant au gouvernement. Afin de sceller la réconciliation et promouvoir un véritable partenariat national, les forces politiques chrétiennes tiennent à une participation effective et forte dans la gestion des affaires publiques au nom des équilibres, indispensables pour un pays composite dans le cadre d’un combat national commun contre la corruption, le gaspillage, la gabegie, la déroute financière et budgétaire. Ce qui implique, évidemment, un plan de réforme global, sérieusement appliqué. Les pôles de Kornet Chehwane et des Forces libanaises insistent sur un point capital : la représentativité chrétienne au sein du gouvernement doit être autodéterminée et non pas imposée par les chefs de file parlementaires à leur gré. Car ils auraient tendance à désigner des ministres chrétiens servant leurs propres intérêts plutôt que ceux de leur collectivité. Ces thèmes sont développés dans les propos que tient, entre autres, le député FL Georges Adouane. Ainsi, dans un cabinet de 24 par exemple, les 12 ministres chrétiens devraient être nommés, selon ces pôles, par les forces politiques représentant effectivement la majorité de la rue chrétienne. En sus d’une part qu’on laisserait au chef de l’État. D’une manière générale, et à l’instar de Aoun, ces sources recommandent que chaque communauté choisisse les plus compétents, les mieux qualifiés de ses fils pour la représenter au pouvoir en appelant à une solide cohésion ministérielle, sans éléments frondeurs. Avec, si possible, application du principe moral prohibant le cumul du portefeuille et de la députation, comme le prône Adwan, qui va présenter une proposition de loi dans ce sens. Mais cela semble irréalisable, car cela voudrait dire que l’on fasse appel à un gouvernement extraparlementaire. Et la majorité ne l’envisage évidemment pas du tout. Encore qu’elle ne semble pas avoir d’objection à ce que l’on nomme quelques ministres apolitiques pour leur compétence. Philippe ABI-AKL

La plupart des blocs parlementaires consistants vont participer au gouvernement. Certains pour la première fois depuis Taëf. Comme les aounistes, Kornet Chehwane et les Forces libanaises, frappés d’exclusion sous la tutelle. Mais aussi comme le Hezbollah. Dont la mise sur la touche antérieure était de nature tout à fait différente, volontairement consentie, parce que ce parti de la...