Cimaises Le copieur du grand maître espagnol est à son tour copié Rétrospective à Marseille d’Oscar Dominguez, faussaire «attitré» de Picasso (Photo)

Oscar Dominguez, peintre surréaliste réputé pour avoir été le faussaire « attitré » de Picasso avant d’être lui-même victime des contrefacteurs, est exposé à Marseille au musée Cantini, qui organise la première rétrospective jamais réalisée en France sur cet artiste longtemps méconnu. Jusqu’au 2 octobre, l’exposition «La part du jeu et du rêve» réunit près de 80 tableaux et une trentaine de documents, objets et décalcomanies du peintre né en 1906 à Tenerife, aux Canaries. Ces œuvres, réalisées principalement dans les années 1930 et 1940, étaient jusqu’à présent dispersées dans huit pays, explique la commissaire de l’exposition, Véronique Serrano. Les tableaux de ce fils de propriétaire terrien aisé, fortement marqué par les paysages de son île (sable noir, décors minéraux comme sortis d’un rêve d’André Breton) mais qui a passé le plus clair de sa vie en France, ont «longtemps été injustement ignorés», poursuit-elle. «On a souvent retenu de lui qu’il était l’auteur de faux Picasso accrédités par Picasso lui-même, et qu’il avait accidentellement crevé l’œil du peintre Victor Brauner en lançant un verre dans un geste de colère, une nuit de beuverie», ajoute-t-elle. L’épisode avait fortement impressionné les surréalistes pour qui le « rêve devenait réalité », Brauner ayant peint quelques années auparavant un autoportrait énucléé. Si bien que l’œuvre du peintre, qui s’est suicidé le jour du Nouvel An 1958, avait été occultée jusqu’à ce que «les universitaires et historiens espagnols commencent, voici une dizaine d’années, à s’intéresser à lui», commente Véronique Serrano. Un institut Oscar Dominguez, qui a participé pendant la Seconde Guerre mondiale aux jeux surréalistes (cadavres exquis et tarot) à la villa Bel Air à Marseille aux côtés d’André Breton, Max Ernst ou Wilfredo Lam, va prochainement voir le jour à Santa Cruz, à Tenerife, à l’occasion du centenaire de sa naissance. L’artiste « a aujourd’hui une cote très forte », le surréalisme ayant le « vent en poupe et sa peinture étant de bonne qualité », résume la commissaire. Une huile (Composition aux revolvers, 1956) est par exemple partie chez Drouot pour 209000 euros, en mars 2004. Ironie du sort, le peintre, dont l’œuvre est dominée par les couleurs sombres et traversée par des figures récurrentes telles que le dragonnier (arbre des Canaries), les pianos, papillons, revolvers et autres ouvre-boîtes, est «à son tour copié», dit-elle. «Un faussaire connu des spécialistes a même réalisé un catalogue mélangeant vrais et faux tableaux, poursuit-elle. Il faut désormais être vigilant».