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Actualités - OPINION

L’ingénierie électorale libanaise

Par Hyam Mallat Georges Clemenceau se plaisait à dire qu’« on ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse ». La chasse au Liban étant peu intéressante faute de gros gibier, les Libanais se sont bien rattrapés, et sur la guerre et sur les élections. Sur la guerre d’abord, les mensonges ont été poussés à l’extrême de la honte entre 1975 et 1990, et même après et jusqu’à présent, quand les seigneurs de la guerre ont voulu s’instaurer seigneurs de la paix au point de revendiquer aussi, contre le citoyen qui a tellement supporté leurs turpitudes, les principes de morale nationale, d’unité et de convivialité qu’ils avaient bafoués par le sang versé, l’argent immonde récolté et les privilèges de force dont ils s’étaient dotés. Mais le temps viendra, où les archives et les témoignages permettront de faire la lumière sur ceux pour qui la guerre aura été une industrie et la paix une manne de ressources. Quant aux élections – toujours en cours –, les Libanais comprennent bien que s’il est de bonne guerre de recourir à tous moyens dans le cadre d’un comportement d’ubiquité et de susciter des alliances politiques contre nature pour « arriver », les résultats connus d’avance et les alliances d’un jour exigent quand même quelques clarifications. Que les élections doivent se tenir au Liban dans le délai légal, aucun doute à ce sujet. Déjà que le fait que la loi électorale de 2000 ait accordé à la Chambre des députés élue en mai 2000 près d’une année supplémentaire n’était pas recommandable. Mais qui se soucie de la Constitution quand il s’agit d’intérêts ? A-t-on jamais vu dans des pays dotés de systèmes politiques solides les durées de législatures manipulées au gré des goûts et des couleurs ? Cela dit, cette loi électorale de 2000 dénoncée par les uns et les autres – et fait amusant par ceux mêmes qui l’ont voté en 2000, ce qui est tout dire de la capacité politique de ceux qui peuvent régir le pays – est unique, à notre connaissance dans le monde puisqu’elle instaure plusieurs systèmes d’élection dans le pays : les cazas dans certaines régions du Mont-Liban, le groupement de deux cazas dans d’autres régions, le groupement de deux mohafazats, le groupement d’un mohafazat avec des cazas sans liaison géographique entre eux. Et j’en oublie peut-être. Certes, pourrait-on rétorquer, puisqu’il s’agit pour chacun d’y trouver son compte, pourquoi ne pas aller au-devant des désirs des uns sans nécessairement fâcher les autres ? Oui, pourquoi pas ? Mais alors nos élites actuelles et futures feraient bien de baisser le ton en matière de morale politique et finalement d’application quotidienne de la loi qui pourrait bien se conclure par exemple par des applications différenciées et personnalisées selon chaque région, chaque hobereau, clan ou tribu ! Ces élections s’achèveront bientôts et tout le monde – à peu près – trouvera son compte même, et surtout le Conseil de sécurité des Nations unies, les chancelleries et les opinions publiques internationales. Les rapports des observateurs de l’Union européenne et de la division des élections de l’Onu pourront bien dire ce qu’ils voudront, la politique réaliste reste plus forte que toutes les paroles tant il est reconnu que hors des réalités, il n’existe pas de politique qui vaille. On comprend dès lors l’ingéniosité politique et l’ingénierie électorale de nos actuels et futurs députés qui, dépassant le contenu de la loi électorale de 2000, ont improvisé alliances et mésalliances hors principes selon les situations, les régions et les hommes. Dans quelques jours, le Liban sera doté d’une nouvelle Chambre. Le succès des uns sera chanté comme une victoire de la démocratie et de la liberté ; les échecs des autres voués aux gémonies. Et pourtant, tous ces succès et tous ces échecs suscitent autant d’espoir que d’amertume tant il est vrai qu’une classe politique fière de toutes les turpitudes est bien digne de tous les revirements. Paul Valéry ne parlait-il pas d’une peuplade utilisant deux langages l’un qui se parlait le jour et l’autre la nuit ? Voici déjà une excellente initiative à inscrire au programme de la pédagogie politique nationale de notre cher Liban de demain.

Par Hyam Mallat

Georges Clemenceau se plaisait à dire qu’« on ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse ». La chasse au Liban étant peu intéressante faute de gros gibier, les Libanais se sont bien rattrapés, et sur la guerre et sur les élections. Sur la guerre d’abord, les mensonges ont été poussés à l’extrême de la honte entre...