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Actualités - OPINION

Hommage à Samir KASSIR

Aux courageux journalistes Fi de ceux qui ont peur, malheur à ceux qui tremblent, et tant pis pour les faibles. Il vous faut être forts, il faut vous retirer si vous craignez la mort. Si vous êtes d’argile, il faut être de pierre, si vous êtes fragiles, restez plutôt derrière. L’exemple n’est plus, mais toujours vivant, il a tout donné jusqu’à son propre sang, comme ultime hommage et en guise de courage, armez-vous de liberté, de démocratie, de vérité, noircissez des pages vomissant les pourris, dégueulant les vendus, exécrant les hideux. Écrivez l’honnêteté, le courage, la vérité, crevez l’abcès qui ronge tous nos espoirs, allez en guerre pour le cèdre qui vire au noir. Que la flamme de votre flambeau reste à jamais allumée ! Que la mémoire du très regretté Samir Kassir reste toujours vivante. Nelly DECONDE Comme Jaurès Nous trouvant en vacances à Beyrouth pendant le mois d’avril (quels souvenirs !…), nous avons assisté à un colloque au Goethe Institut où Samir Kassir intervenait. Nous avons été très impressionnés par sa clarté à expliquer le revirement des hommes politiques libanais au cours de ce mois. Impressionnés aussi par l’espoir qui l’habitait. Nous présentons nos condoléances à sa famille et à ses amis. En France, ils ont tué Jaurès. Au Liban, ils ont tué Kassir. Hervé PARMENTIER Myriam SIMARD Les Libanais ont le droit de savoir Détruire une plume, c’est détruire un rêve. Le regretté Rafic Hariri avait informé son entourage que la Syrie était prête à détruire le Liban si les grandes puissances l’obligeaient à quitter notre pays. Les attentats démontrent que Rafic Hariri n’avait pas tort. Les médias étrangers, comme la chaîne de télévision al-Arabiya, nous disent clairement qui pourrait être derrière ce lâche attentat qui a coûté la vie à Samir Kassir, mais qui ne sera jamais en mesure de faire taire le Liban libre. Je souhaite que les journaux libanais nous disent qui a tué Samir Kassir et tous les autres martyrs de l’indépendance et de la liberté depuis 1975. Michel KANDALAFT Toulouse Un monde en mal de héros Samir Kassir n’est pas un albatros. Ses ailes, de géant certes, empêchent les autres de marcher ; ce n’était pas un kamikaze ayant vocation de martyr ? Il a été tué parce que l’adversaire, en mal d’issues créatives, coincé dans sa médiocre frustration, n’a trouvé ni de meilleur exutoire ni de plus avide satisfaction. En mal de héros, les prétendants affluent. Il y a ceux qui roucoulent, le gosier gorgé de préciosités ; il y a les éternels envieux, larmoyant comme fontaines, et ceux qui travaillent surtout la saison des enterrements, ou encore ceux qui attendent encore et se contenteraient juste d’une chance. Il y a ceux qui avancent difficilement, avec dans la tête le caillot de l’absurde perte. L’image de Samir Kassir, tombé hier, nous fait violence. Elle nous renvoie à ce sinistre reflet de nous-mêmes, assoupis en des lieux dévastés de notre existence. Il est des créatures qui ont recours au procédé dit « faire le mort » pour mieux se défendre contre leur plus cruel prédateur. Samir Kassir, lui, n’a jamais renoncé. Il a choisi la vie sans cesse. Sa mort, dont il avait maintes fois entendu parler, ne l’a pas détourné de lui-même. Le courage, le mot juste, l’intégrité de la pensée et du dire, l’ironie mordante, l’affection sincère, la générosité, l’intelligence acérée, le goût des arts (…) le rendaient aussi séduisant que redoutable. Rita BADDOURA La mort des idéaux Jusqu’à quand ? Jusqu’où ? Que de haine dans ce pays ! Que de mépris de la vie ! Que d’irrespect pour les valeurs humaines ! Que de lâcheté ! Que de trahisons ! Que d’impunités ! À l’enterrement de Samir Kassir, les visages étaient fermés, amers, les regards embués, désabusés. À l’enterrement de Samir Kassir, une même détresse se lisait sur tous les visages. À l’enterrement de Samir Kassir, un même désarroi : quoi faire maintenant ? Qui sera le prochain ? Le prochain est déjà en train d’agoniser, c’est le peuple libanais, celui-là même qui riait le 14 mars et qui, aujourd’hui, n’a plus que ses yeux pour pleurer la mort de tous ses idéaux et de toutes ses idées foulées au pied. Tania Hadjithomas MEHANNA Mort, où est leur victoire ? Samir Kassir, dans l’avant-propos de son dernier livre Considérations sur le malheur arabe, affirmait : « Il ne fait pas bon être arabe de nos jours. » Phrase prémonitoire en ce qui le concerne si l’on y ajoute en la paraphrasant qu’il ne fait pas bon non plus être journaliste arabe dans un Liban politique, adepte de la langue de bois et du musellement des esprits libres. Je ne connaissais pas personnellement Samir Kassir, et mon propos n’est pas de verser dans les généralités de circonstance. Mais je tiens à saluer dans ces lignes l’auteur qui, dans ce même livre, se décrivait comme « peu désireux d’éradiquer ceux qui ne pensent pas comme lui ». Ceux qui l’ont tué, comme ceux qui ont tué Rafic Hariri, pensaient dicter leur loi en détruisant physiquement. Mais il est des soleils qui ne s’éteignent jamais. Pr Élie M. MAALOUF Président de l’Ordre des dentistes Un homme de principes Quelle vision apocalyptique que de voir le corps de Samir Kassir déchiqueté à l’intérieur de sa voiture. Cet homme n’était pas seulement journaliste et écrivain ; c’était aussi un homme de principes qui représentait à lui seul une institution. Sa qualité majeure, parmi un nombre restreint d’autres intellectuels, fut qu’il prenait toujours position sur les questions du jour, alors même que cela était difficile, compte tenu des circonstances, et que les conséquences de ses prises de position s’inscrivaient dans l’inconnu. Ses articles représentaient la flamme au bout du tunnel de notre calvaire. Grâce à lui, notre rêve de liberté paraissait une réalité et non plus une utopie, non seulement sur le plan national mais en extrapolant à toute la région. Voilà ce qu’était Samir Kassir : la voix de cette majorité silencieuse qui, je le souhaite, ne le restera plus. Dr Riad EL-ALAÏLI Membre du conseil municipal de Beyrouth C’est triste C’est triste de voir nos hommes politiques échanger des menaces, dévoiler leurs dossiers interdits, au lieu de nous dévoiler leur programme politique, leur vision d’un avenir meilleur. C’est triste de voir nos richesses aux abonnés absents. C’est triste de voir nos meilleurs éléments assassinés et leurs portraits affichés sur un panneau publicitaire. Comme c’est triste de voir deux adolescents pleurer la perte de leur père. Comme c’est triste de voir une épouse pleurer son mari. Comme c’est triste de voir Samir Kassir, mon ami d’enfance au lycée, assassiné. Et, c’est encore plus triste de voir les forces de l’ombre ne pas comprendre qu’ils ne pourront jamais assassiner notre détermination à rester unis. Walid EL-ALAÏLI Comédien Rattrapé par sa plume aTa plume t’a rattrapé, Samir. Cette plume plus dangereuse que les armes, mais plus forte que nos larmes. Des larmes qu’on a tort de laisser couler. Parce que si les hommes pouvaient choisir leur mort, tu aurais choisi celle-là. Si aujourd’hui tu n’es plus dans nos salles de cours, dans les colonnes des journaux ou au premier rang de notre combat quotidien, la place des Martyrs, tes paroles résonneront toujours comme la voix de notre conscience, cette voix qui rappellera à tous ceux qui ont trahi leur lâcheté. Je condamne tous ceux dont les choix ne sont pas aussi purs. Tu nous auras appris qu’il est des idées pour lesquelles il nous faut tout sacrifier, même ce que l’on a de plus précieux. Merci Samir, non seulement d’avoir réconcilié la jeunesse libanaise avec le destin de son pays, mais surtout d’avoir insufflé, au sein des peuples arabes opprimés, l’espoir et la volonté de changement. Gwendoline ABOUJAOUDÉ Regret et anxiété C’est avec regret et anxiété que nous avons appris la nouvelle de l’assassinat de Samir Kassir. Notre regret et notre anxiété se doublent d’étonnement et d’incrédibilité quand nous apprenons que certains politiciens arrivent déjà à désigner le coupable en la personne du président de la République libanaise. Sont-ils à ce point ignorants pour ne pas se rendre compte que la main qui manipule les assassins est une main étrangère beaucoup plus puissante que tout pays au Moyen-Orient, à part Israël ? Alors, quel serait le but de ceux qui profèrent ces accusations? N’oublions pas que ceux qui ont fait décapiter les services secrets libanais à un moment crucial et dangereux de l’histoire du Liban sont les premiers responsables de ce drame. À accuser sans preuve des innocents potentiels, on devient plus coupable que les criminels. Quant aux journalistes qui propagent de fausses nouvelles, que Dieu leur pardonne, car leur plume devient une arme de destruction massive qui détruit l’ami avant l’ennemi. Roger AKL Paris J’écris donc j’existe On a tué une grande et belle plume. Authentique dans son éthique, sa morale, ses convictions, son patriotisme. Dans l’honneur qu’elle accordait à la liberté d’expression. Crue dans ses vérités. Loyale dans ses prises de position. On a décapité les mots pour enterrer la démocratie. Et l’on se demande encore si ce pauvre phénix se relèvera de ses cendres… Écœurés. Nous sommes unanimement écœurés. De toutes nos désillusions, de toutes nos luttes. De tous ces politiciens-girouettes qui se jouent du pays et tournent au gré du vent. Qui savent lire la prose sans savoir l’écrire. Qui savent offrir des promesses sans pouvoir les tenir. Qui savent engendrer l’espoir, sans arriver à l’entretenir. On en a marre d’assister à des élections théâtrales, fantoches, fantomatiques. D’être témoins de trahisons, d’alliances, de faux-fuyants. De côtoyer des girouettes et d’être contraints de les supporter. De se sentir agressé dans son intelligence, sa culture, sa foi, ses convictions, son honneur. De se sentir éternellement ballotté, trahi, poignardé dans le dos. De continuer à douter. D’attendre encore et encore l’inattendu. De guetter le prochain attentat et parier quel est le prochain nom sur la liste. De se dire qu’aujourd’hui la plume est en danger de mort. Stop. Niet. Nous continuerons inlassablement à écrire, à accuser, à exiger. Pour nous convaincre d’exister. May SALHA Donner une âme à l’histoire Si le Liban est ce qu’il est, si les yeux de la communauté internationale sont rivés sur lui, s’il a repris depuis un temps une première place et n’est plus un fait divers dans les quotidiens du monde, c’est parce qu’il se réveille d’une narcose imposée. Cette même narcose qui nous tenait en mode de survie, à la surprise de tous, révèle ceux qui n’ont jamais voulu dormir, tels des enfants difficiles, ceux qui voulaient toujours repousser l’heure du coucher. Ces enfants terribles sont notre conscience ou notre subconscient qui a toujours veillé sur nous. Ces enfants de la guerre et de l’après-guerre ont veillé au grain, ils ont protégé notre patrimoine collectif, aussi disparate qu’unique. Ceux qui sont partis trop tôt, tels Rafic Hariri, Bassel Fleyhane ou Samir Kassir, ne nous ont jamais appartenus, ils étaient de l’étoffe de ces héros mythologiques qui transgressent le temps et l’espace. Mais le destin a voulu qu’ils soient libanais, et c’est là notre grand privilège. En tant que Libanais, aujourd’hui en 2005, dans un monde sans âme, je me sens rempli des enseignements de générosité, d’humilité, de génie, de passion pour la liberté et la démocratie de ces hommes, et je remercie « Celui qui est » de nous les avoir donnés pour un temps. Ces hommes ne nous appartiennent pas, ils nous sont prêtés pour un temps, celui qu’il faut pour enluminer notre histoire moderne et lui donner une âme, le temps qu’il faut pour faire d’une histoire une épopée. Jean-Claude DELIFER Montréal, Canada Honteux d’avoir été naïfs aIl est mort, c’est la vie, m’a-t-on dit ; mais depuis quand la mort c’est la vie ? Surtout une vie pareille, pleine de vie et de lutte pour la vie, surtout une mort pareille qui a fait voler en éclats le cœur de beaucoup de gens qui l’aimaient, des gens proches de lui, sa famille, sa femme et ses enfants, mais aussi d’autres qui l’ont connu à travers ses écrits ou tout simplement ont croisé son chemin par hasard et qui en ont gardé un souvenir inoubliable. Oui, on est choqués, révoltés, indignés, humiliés, tristes, déçus, honteux d’avoir été aussi naïfs, de croire à tous ces espoirs mensongers d’intégrité, d’indépendance, de sincérité que tous ces gens qui nous gouvernent nous faisaient miroiter et qui n’ont finalement qu’un seul but, celui de nous gouverner. Assez de discours, de batailles, d’accusations, de courses, de promesses non tenues. Assez de sang, de victimes, de mystères, de cupidités. Samir Kassir était un père, un fils, un frère, un époux, un homme aimé qui avait encore mille vies à vivre. Et maintenant de là où il est, je pense qu’il est en train de leur chanter, comme de son vivant : Vous pouvez tout prendre Mon argent, la télé La voiture, mes clés Même si c’est déjà fait Je pourrais vendre mon âme au diable Avec lui on peut négocier Puisque ici tout est négociable Mais vous n’aurez pas, non vous n’aurez pas ma liberté de pensée. Mireille BALADI

Aux courageux journalistes

Fi de ceux qui ont peur, malheur à ceux qui tremblent,
et tant pis pour les faibles. Il vous faut être forts,
il faut vous retirer si vous craignez la mort.
Si vous êtes d’argile, il faut être de pierre,
si vous êtes fragiles, restez plutôt derrière.
L’exemple n’est plus, mais toujours vivant,
il a tout donné jusqu’à son propre sang,
comme...