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Actualités - OPINION

analyse - Le scrutin du Mont-Liban, première expérience démocratique des législatives 2005

Les choses sérieuses commencent enfin, sur le plan électoral. Entre le plébiscite « post mortem » de Rafic Hariri par les habitants (en grande partie sunnites) de Beyrouth, le rouleau compresseur Amal-Hezbollah travesti en alliance bipartite « pour la défense de la résistance » au Liban-Sud et le raz-de-marée joumblattiste au Chouf (déjà amorcé par l’élection d’office, « primus inter pares », de Walid Joumblatt et Marwan Hamadé), il y aura l’épisode des trois circonscriptions du Metn-Nord, du Kesrouan-Jbeil et de Baabda-Aley. Ceux qui, d’un point de vue sociologique, se plaisent à percevoir les élections sous un angle communautaire aboutissent d’ores et déjà à un constat qui n’est pas sans gravité : les régions qui sont à la merci d’une sphère d’influence politico-communautaire importante n’ont pas eu, en fin de compte, d’élections en bonne et due forme, mais des quasi-nominations. Seuls quelques outsiders ont fait de la résistance ça et là, avec un succès plutôt limité (quelle que soit leur valeur politique ou la justesse de leur combat), à l’instar de Najah Wakim, Riad el-Assaad, Élias Abou Rizk, Anouar Yassine, Faouzi Abou Farhat, Ahmed el-Assaad… Et s’il faut tirer un constat de ces deux premiers dimanches d’élections, c’est que l’outsider principal des rouleaux compresseurs a surtout été le boycott dû à l’inégalité des chances des candidats, du fait de la loi électorale inique et du poids des alliances hégémoniques. Des quasi-révolutions Ce raisonnement aboutit de facto à une conclusion dangereuse. Chaque fraction politico-communautaire a fait, à un moment ou un autre durant les années précédentes, une quasi-révolution à l’intérieur de sa communauté. Rafic Hariri une première fois contre tous les pôles sunnites de Beyrouth lors des élections de 2000, puis contre tous les autres à travers sa mort. Le Hezbollah et Amal depuis le début du monopole sur la résistance dans les années 90. Walid Joumblatt dès la bataille de la Montagne de 1983, puis tout au long des années de tutelle syrienne, ne laissant qu’un seul siège, (pour éviter l’anéantissement de la mouvance arslaniste et la résurgence de tensions féodales), à Talal Arslane lui-même. C’est donc un ensemble très restreint de forces politiques, quasiment un monopole à l’échelle communautaire, qui met en évidence et renforce son hégémonie à travers la bataille électorale. Toutes les voix indépendantes, discordantes, sont naturellement sacrifiées. Et, dans ce cadre, la loi électorale de 2000 fait merveille puisqu’elle encourage cette hégémonie à l’échelle communautaire (dans ce cadre, il faut préciser d’entrée que le bloc parlementaire peut-être pluricommunautaire, mais en définitive, il mène une politique qui dépend de son « zaïm », et qui finit par être communautaire). Despotisme ou consensus ? Il convient d’être prudent dès lors qu’il est question d’interpréter cette absence de pluralisme politique, cette quasi-uniformité qui se retrouve aujourd’hui au sein des communautés druze (il aura fallu le retour de Michel Aoun pour éviter l’annihilation totale de Talal Arslane), sunnite (le « dernier des Mohicans », le seul à renflouer son crédit face au courant Hariri, s’appelle Nagib Mikati, et il le devra plus tard à sa présence à la tête du cabinet neutre et au fait de ne pas s’être porté candidat) et chiite. Et pour cause : ce que les élections au Metn-Nord, à Baabda-Aley et au Kesrouan-Jbeil risquent de démontrer, dimanche, c’est que c’est uniquement en milieu chrétien qu’il existe un pluralisme politique et qu’il y aura donc des élections démocratiques. Mais ce raisonnement est dangereux. Récupéré par une logique culturaliste à la Samuel Huntington, il pourrait signifier qu’islam et démocratie sont incompatibles. C’est oublier que, durant la guerre, la logique réductrice de « l’unification du fusil » a également prévalu en milieu chrétien. Et que l’affrontement démocratique en milieux chrétiens pourrait déboucher, théoriquement, sur une hégémonie d’une force politique chrétienne, même s’il n’en sera rien cette fois. En d’autres termes, la formule politique libanaise, qui se veut « consensuelle » par héritage d’une idéologie élitiste héritée de 1943, ne serait en réalité rien d’autre qu’un consensus intercommunautaire travestissant un despotisme à l’intérieur même de chaque communauté. La démocratie ne serait donc pas présente à tous les niveaux dans le modèle libanais. La complexité du modèle libanais n’a donc que faire des schèmes trop réducteurs, mais il faut avoir suffisamment de lucidité aussi pour constater que le pluralisme politique est devenu franchement vaporeux à l’échelle communautaire. Des avis partagés Quoi qu’il en soit, c’est en rangs dispersés par le fait de listes ultrarivales et non dans le cadre d’un bloc hégémonique, que les représentants chrétiens du Mont-Liban, Chouf excepté, entreront au Parlement. Si l’ensemble des forces politiques ont tous choisi l’union sacrée face à Michel Aoun au Metn, et peut-être même au Kesrouan-Jbeil, il est d’ores et déjà possible de dire que l’exemple passé de Beyrouth et du Sud, et à venir du Chouf, ne se répétera pas. Face à ce phénomène politique, les avis sont partagés : pour certains, Aoun aurait peut-être dû intégrer l’alliance de « l’opposition plurielle » du 14 mars pour entrer au Parlement dans le cadre d’un bloc général qui, sur l’ensemble du territoire libanais, lui aurait garanti l’accès d’une dizaine de députés à la Chambre (même si le concept d’opposition plurielle a été créé pour en finir avec l’occupation syrienne, que cette ère est révolue, et que ce rassemblement n’a plus vraiment de raison d’être). Aoun serait entré dans le cadre d’un « ticket gagnant » Hariri-Joumblatt-Amal-Hezbollah, et aurait permis à un « bloc chrétien » fort d’adhérer à la Chambre. Mais il n’en a pas été ainsi. Cela aurait signifié entrer au Parlement dans la même logique visant à créer une force communautaire, même si elle n’est pas circonscrite à un parti. « Metniser » le Kesrouan Aoun a choisi une voie, une logique différente. Il se positionne déjà, au départ, en tant que force laïque, et préfère mener une bataille politique, tout en sachant qu’il n’a aucune chance de jouer aux rouleaux compresseurs face à des adversaires coriaces. C’est donc tout naturellement sur le programme politique réformateur qu’il a choisi de miser, loin de la logique confessionnelle. Un choix que certains lui reprochent sous prétexte qu’« il divise et affaiblit les chrétiens une fois de plus» face à des blocs politico-communautaires parlementaires forts. C’est dans ce contexte que se prépare ce qui sera dimanche probablement la seule bataille vraiment démocratique (à outrance) des élections 2005. La situation est désormais claire à Baabda-Aley où l’alliance Aoun-Arslane fera face à la liste regroupant Joumblatt, les FL, le Mouvement réformiste Kataëb, le Courant du futur et le Hezbollah. Mais la bataille de Baabda-Aley ne concerne pas que Baabda-Aley. Un « rush » de cartes électorales délivrées dans les dernières 24 heures au Courant aouniste au Metn-Sud inquiète, par ricochet, les notables du Kesrouan-Jbeil, qui se sentent menacés par l’arrivée politique du général dans la circonscription. Le principal élément nouveau introduit par Michel Aoun dans la bataille est en effet au Kesrouan-Jbeil. Dans le Metn, la liste Lahoud-Gemayel croisera le fer dimanche avec la liste aouniste, qui part avec un réservoir de 13 000 voix Tachnag d’avance (une manière pour les électeurs arméniens de répondre à l’ostracisme réservé, de Beyrouth au Metn, au parti qui les représente, disent-ils). La bataille sera ultrapolitique, avec quatre leaderships cherchant qui à s’imposer électoralement (Aoun), qui à se maintenir (Nassib Lahoud, Pierre Gemayel et Michel Murr). Mais en présentant sa propre candidature dans le Kesrouan-Jbeil (qui compte sept sièges maronites et un chiite), d’ordinaire terrain de lutte entre notables traditionnels, Aoun a de facto politisé, « metnisé » la circonscription. Ce qui explique la détermination des représentants des grandes familles à s’allier entre eux pour contrer le « péril » aouniste. Les projets de listes Ainsi, les réunions allaient bon train hier dans les différents camps. Dans un premier temps, il était question d’une liste (accusée d’être financée par Saad Hariri) regroupant notamment Mansour el-Bone, Alexandre Rizk, Chawki Daccache, Camille Ziadé, Mahmoud Aouad, Farès Souhaid et Carlos Eddé, pour contrer la liste Aoun, présidée par le général lui-même et formée de Nehmetallah Abinasr, Youssef el-Khalil, le politologue Farid Élias el-Khazen, Fady Barakat ou Gilberte Zouein, Abbas Hachem, Walid Khoury (ce qui entraînerait aujourd’hui le désistement de Nazem el-Khoury) et Chamel Mouzaya, et appuyée par Georges Frem (qui n’est pas candidat). Puis, il a été question d’intégrer Farid Heykal el-Khazen et Farès Boueiz à la première liste, pour la bétonner contre Aoun. Il a donc été question un moment que ce dernier sacrifie deux de ses candidats à Jbeil pour adopter Jean-Louis Cardahi et Émile Naufal (sauf que Nazem el-Khoury refuserait de céder sa place à Naufal) et renforcer sa liste. Mais rien n’était sûr en définitive, d’autant que M. Cardahi pensait présider hier une liste regroupant notamment Joseph Abou Charaf, Badih Hobeiche, Antoine Hokayem et Mohammed Haïdar. Les négociations devraient toutefois aboutir aujourd’hui. Comme tous les Libanais, les habitants du Mont-Liban sont désormais affranchis de l’influence syrienne : ils ont désormais toute la liberté de voter comme ils l’entendent. Ce sera donc dimanche un véritable test au niveau du comportement électoral de l’électeur. Et, en toute logique, démocratie oblige, le panachage devrait l’emporter haut la main. Le Mont-Liban montrera bien, dimanche, l’exemple d’une vraie démocratie. Michel HAJJI GEORGIOU
Les choses sérieuses commencent enfin, sur le plan électoral. Entre le plébiscite « post mortem » de Rafic Hariri par les habitants (en grande partie sunnites) de Beyrouth, le rouleau compresseur Amal-Hezbollah travesti en alliance bipartite « pour la défense de la résistance » au Liban-Sud et le raz-de-marée joumblattiste au Chouf (déjà amorcé par l’élection d’office, « primus...