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Actualités - CHRONOLOGIE

Un vote de contestation contre le fait accompli à Beyrouth II Victoire écrasante de la liste haririenne en dépit de la présence de challengers (photo)

On aura tout vu du folklore électoral libanais, sauf peut-être un jeune électeur dicter en créole à travers l’isoloir les consignes de vote à sa mère, d’origine seychelloise. Celle-ci, qui ne connaît pas un seul mot d’arabe, encore moins les candidats pour lesquels elle venait de voter, a glissé le bulletin portant les noms de Badr el-Tabch (candidat des ahbaches) et de Najah Wakim, grec-orthodoxe, soit le vote dit de contestation par excellence dans la circonscription de Beyrouth II (Bachoura, Moussaitbé, Rmeil). Contrairement à une grande majorité de sunnites de Beyrouth qui ont choisi hier de suivre fidèlement le mot d’ordre haririen, Hassan et sa mère ont décidé de voter pour des candidats dits « indépendants », ceux qui auront tenté, contres vents et marées, de défier la géante machine électorale des Hariri. Si la bataille était pratiquement inexistante dans la première et troisième circonscriptions de la ville, à Beyrouth II elle avait le parfum du défi et des tons nuancés d’une démocratie en mal de légitimité. C’est probablement la candidature en solo du nassérien Najah Wakim qui a été perçue comme un véritable challenge au candidat de la même communauté sur la liste haririenne, le député Atef Majdalani. Une compétition qui a semblé relativement sérieuse en début d’après-midi notamment lorsque les rumeurs ont fait état d’un panachage qui aurait profité au candidat du Mouvement du peuple. Ce dernier aurait bénéficié, dit-on, du vote des ahbaches (mouvement islamiste sunnite) et d’un « vote chrétien de dépit ». Cette première brèche démocratique s’est toutefois rapidement avérée « modeste » en début de soirée, les premiers résultats ayant donné 20 000 voix au député haririen contre 10 000 voix à M. Wakim. Côté chiite, la contestation du « fait accompli » a été courtoisement exprimée par Ibrahim Chamseddine – le fils de feu cheikh Mohammed Mehdi – qui s’est présenté comme le « candidat de substitution » au candidat du Hezbollah de la liste harienne, Amine Cherry. M. Chamseddine ne pouvait compter sur les voix chiites du parti de Dieu – qui ont voté en bloc pour leur candidat et pour l’ensemble de la liste haririenne – ni d’ailleurs sur celles du Mouvement Amal qui a canalisé tous ses votes en faveur de la liste haririenne. En définitive, il ne pouvait tabler que sur les rares voies chiites contestataires, connues désormais sous le nom générique de « troisième voie » – mais aussi sur les chrétiens, « des partenaires à part entière du processus politique et historique du Liban », comme il dit. « Je suis indépendant mais pas isolé », tel était le slogan majeur de ce candidat progressiste, en allusion notamment au soutien des électeurs chrétiens dont il dit « comprendre la déception et la colère ». Il devait en outre espérer un éventuel coup de pouce de la part des partisans des Hariri qu’il considère comme d’anciens « amis ». Toutefois, devant un abstentionnisme chrétien qui a parfois atteint les 88 %, et une fidélité à toute épreuve à la liste entière du Premier ministre assassiné, M. Chamseddine n’aura pas réussi, selon les premiers résultats, à recueillir plus de 3 000 voix contre 27 000 pour M. Cherry. Ce dernier qui a attiré les votes exprimés « en faveur de la protection de la Résistance », et par conséquent de ses armes, a fait un score encore plus important que Bahige Tabarrah, sunnite, Walid Eido, sunnite, Atef Majdalani, grec-orthodoxe et Nabil de Freige, minorité, de la même liste qui ont marqué des scores proches de 20 000 voix. Élu d’office, Yéghya Gergian ne pouvait en tout cas compter sur les voies des arméniens-orthodoxes – qui se sont abstenus pour une grande majorité, encore moins sur celle des partisans du Tachnag (80 % des arméniens à Beyrouth) qui ont boycotté, aux côtés des aounistes, des élections qu’ils estiment « préfabriquées ». Qu’elle se soit exprimée par un vote abstentionniste ou par un vote politique en faveur du changement, la volonté des électeurs indépendants n’a pas pu contrer le phénomène du bulldozer haririen. Outre la symbolique du vote d’allégeance accordé à Saad Hariri – fils du martyr – et par conséquent à tous ses colistiers et alliés, les électeurs traditionnels de la famille ont pu compter – comme on s’y attendait – sur une organisation et une logistique impeccables. Dans le seul quartier de Moussaitbé, plus de 70 taxis avaient été affrétés en trois heures de temps par l’un des bureaux électoraux de Saad Hariri, installé pour l’occasion au Café du Futur. Fier d’avoir contribué à « perpétuer » le souvenir et l’œuvre de celui qui fut son grand ami, le chef du bureau a du mal à retenir une larme dès qu’il parle de son « Rafic » (compagnon). Tapissé de photos datant de 1958, des « Résistants arabes » dont Rafic Hariri faisait partie, et de portraits de Gamal Abdel Nasser, le Café du Futur semblait avoir résolument tourné le dos à Najah Wakim, lui-même nassérien, en dépit de la marche de l’histoire… En face du café, un parking a été également loué, pour l’occasion, par la machine électorale haririenne, toujours pour faciliter la tâche aux électeurs et aux taxis qui les amenaient. Un point de droit que les observateurs libanais avaient du mal à qualifier de fraude électorale bien qu’un expert de L’ALDE (Lebanese Association for Democratic Elections ) ait estimé qu’il s’agit d’un achat de voix « indirect ». Malgré les rumeurs traditionnelles sur la circulation de l’argent politique, rien ne prouvait sur le terrain que le vote sunnite haririen avait d’autre motivation que celle d’un loyalisme quasi religieux à celui qui s’est érigé, à titre posthume, en maître absolu de la capitale. Une consécration politique dont le prix aura été élevé en termes de pratiques démocratiques et d’espoir en vue d’un changement à l’aune du retrait syrien. Jeanine JALKH
On aura tout vu du folklore électoral libanais, sauf peut-être un jeune électeur dicter en créole à travers l’isoloir les consignes de vote à sa mère, d’origine seychelloise. Celle-ci, qui ne connaît pas un seul mot d’arabe, encore moins les candidats pour lesquels elle venait de voter, a glissé le bulletin portant les noms de Badr el-Tabch (candidat des ahbaches) et de Najah...