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Actualités - OPINION

Si on avait respecté Taëf…

Voyons les choses pour une fois avec les yeux d’un simple citoyen conscient des ambiguïtés de la politique et de ses demi-mots... Parlons de l’homme. Parlons plutôt de cet homme qui a quitté son pays il y a des années parce qu’il défendait une cause en laquelle il croyait (et croit toujours), sous la pression politique et militaire de certains pays influents, que le patriotisme libanais dérangeait à une époque où tout ce qu’on demandait aux Libanais, c’était le silence. Parlons de ce militaire qui avait juré service, honneur et fidélité à son pays (on en connaît qui s’en sont piètrement sortis). Qu’on avait traité de tous les noms. D’un homme qui, implacablement et inlassablement, n’a cessé de répéter des mots, comme liberté, fierté, indépendance et démocratie. Quinze ans plus tard, miracle ! Les esprits ignorants ont cherché dans le dictionnaire et – eurêka ! – trouvé une définition. Ils ont fini par se rallier à une cause quasi similaire à celle du général Aoun avant son départ précipité pour la France. Le « Je vous l’avais bien dit » semble déplacé. L’heure est à l’union de tous les partis, qui tentent de se réconcilier sous les slogans de « dialogue » et de « démocratie ». C’est toujours bon à entendre parce que à force, on finit par y croire, que ceux qui les énoncent y croient ou non... Étymologiquement, le terme « démocratie » vient du grec « demos » qui signifie « peuple », et « kratos » qui veut dire « le pouvoir ». Ce qui signifie donc « le pouvoir du peuple ». Dans ce cas, le mot « démocratie » désigne un régime dans lequel le pouvoir politique appartient au peuple, c’est-à-dire dans lequel le peuple est souverain. Dans un petit pays comme le Liban, un pays pas comme les autres, multiconfessionnel, convoité encore et toujours, qu’on le veuille ou non, politiquement, géopolitiquement et économiquement par ses influents voisins, la tâche semble ardue. Un ancien Premier ministre a été assassiné, un peuple vient tout juste de se prononcer pour un changement radical de la politique libanaise, et il s’est fait, on ne peut mieux, comprendre. Le retour en grande pompe du général Aoun a contraint certains esprits inquiets à reconsidérer leurs positions et à refaire leurs calculs. La donne change de mains, et les cartes sont redistribuées dans la plus grande confusion. C’est à se demander si la volonté de tout un peuple n’aurait pas été exploitée jusqu’au bout par certains partis à des fins qui ne correspondent pas nécessairement à ses attentes. Le général Aoun, durant ses années d’absence, aussi présent qu’il ait pu être sur la scène politique, aurait considérablement perdu de sa popularité si les accords de Taëf avaient été respectés, du moins la partie concernant le retrait des troupes syriennes. Mais ce ne fut pas le cas. À l’opposé, le temps, les années et les faits n’ont fait que lui donner raison. Il y a quinze ans, il entamait sa guerre de libération contre l’occupation syrienne. Il était on ne peut plus seul. On l’avait traité de fou. Aujourd’hui, et après le retrait des Syriens, il rentre au pays comme s’il ne l’avait jamais quitté. Avec la même fougue, la même consistance et surtout la même crédibilité. L’accueil qui lui fut réservé est à la hauteur de ses convictions. Sa vision d’un Liban libre et souverain n’a pas changé d’un pouce. La nôtre non plus. Ce qu’on a voulu faire taire il y a quinze ans, c’est la voix de la conscience. Ce que certains tentent encore de faire aujourd’hui, c’est arrêter la marche ferme et décidée de la démocratie. Le travail de taupe, patient et tenace, de certaines personnes encore au pouvoir en est la plus grande preuve. La grande question est la suivante : l’opposition dans sa majorité, bien que l’on ne sache plus très bien qui est opposé à quoi, est-elle à la hauteur des attentes du peuple libanais du 14 mars ? Partage-t-elle vraiment ses convictions ? Se bat-elle pour la même cause ? Et pour les mêmes raisons ? On ne demande qu’à le croire. Parce que si ce n’est pas le cas, les termes de « démocratie » et de « souveraineté », dont on nous bombarde quotidiennement, ne seraient nullement appropriés, et ne serviraient qu’à jeter de la poudre aux yeux. Le peuple a gagné une manche dans sa marche vers la démocratie, mais la bataille est loin d’être terminée. Il s’agit maintenant, entre autres, d’organiser des élections libres et de mettre un terme à la corruption. La démocratie est loin d’être parfaite, même dans les pays les plus démocratiques. Cela prendra le temps qu’il faut, à condition de demeurer unis autour d’une même cause et d’avoir le même but à atteindre. Ce que certains n’arrivent pas à comprendre, ou ne veulent pas comprendre, c’est qu’il ne s’agit nullement ici du culte de l’homme, aussi charismatique qu’il soit, mais d’un combat pour un certain idéal. Il ne suffit plus dorénavant de se contenter de parler de démocratie mais de commencer à l’appliquer. D’autre part, si le général Aoun est qualifié de traître pour avoir, éventuellement, sollicité l’appui de certains pays occidentaux afin d’obtenir la libération de son pays d’une occupation étrangère qui a duré plus de trente ans, c’est la majorité de la population libanaise que l’on accuse de traîtrise. Si c’était le principe du patriotisme qui était en cause, le général de Gaulle n’occuperait pas la place qu’il occupe aujourd’hui dans l’histoire. Pétain non plus. Nayla RAMY

Voyons les choses pour une fois avec les yeux d’un simple citoyen conscient des ambiguïtés de la politique et de ses demi-mots... Parlons de l’homme.
Parlons plutôt de cet homme qui a quitté son pays il y a des années parce qu’il défendait une cause en laquelle il croyait (et croit toujours), sous la pression politique et militaire de certains pays influents, que le patriotisme...