Le crépuscule de la guerre

On sait les Libanais oublieux. On sait qu’ils peuvent être rusés. Mais traîtres ? Prudence, pour ne pas lancer ces qualificatifs à la figure des amis. Car les traîtres sont désormais dans les rangs d’un régime policier qui s’effondre, et auquel il faudra encore demander des comptes. Mais ils ne le sont pas dans les rangs de ceux qui ont risqué leur vie pour dire que le Liban est libre. À ceux-là, c’est un autre langage qu’il faut tenir. Walid Joumblatt n’est pas un traître, c’est un leader national. Ambitieux ? Sans doute, mais ça n’en fait pas un traître pour autant, à condition que sa dialectique ne soit pas perçue comme une versatilité qui rend toute alliance impossible. Cela dit, que tous les apprentis Ponce Pilate le sachent, c’est du sang de la liberté des Libanais qu’ils devront rendre compte, si les choses tournent mal. Est-ce donc pour rien que leurs yeux ont vu un million de Libanais voter avec leurs pieds pour la liberté et la souveraineté ? À qui donc les Libanais ont-ils donné mandat de les défendre contre les intrigues destinées à transformer leurs victoires en défaites ? Où sont les tribuns du 14 mars ? Où sont les champions de la liberté ? Non, mieux vaut croire que nous sommes au crépuscule de la guerre, et que ces cris d’amertume jaillis de jeunes gosiers sont les derniers rougoiements d’une guerre qui finit, les derniers feux de 1975, et non les premières étincelles d’un nouveau conflit. On sait les Libanais oublieux. On sait qu’ils ont le sang chaud. Mais on ne les sait pas insensés. La réconciliation, aussi, a ses risques. Il faut garder la tête froide et les prendre. Fady NOUN