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En Dents De Scie Désintoxications

Dix-septième semaine de 2005 (J+76). Le « 1 million et demi » a gagné. Pas la guerre, non. Pas encore. Mais les deux ou trois fondamentales premières batailles ont été remportées haut la main, et c’est grâce à ces victoires que le champ des possibles s’est considérablement élargi, que la guerre, la bonne, la nôtre cette fois, peut être gagnée. Et tous les Libanais qui appuyaient de leurs maisons, de leurs voitures, de leurs bureaux, ce 1,5 ont gagné. Il est aberrant, malgré les lacunes, malgré les vicissitudes qui demeurent, malgré l’ampleur de ce qui reste à faire, que personne ne s’en rende compte. Que plus personne n’arrive à saisir l’énormité de ce qui s’est passé. Que l’on oublie que toutes les revendications – toutes – du 1,5 et de l’opposition depuis l’attentat du 14 février ont été entendues, exécutées. Il est aberrant de réduire le départ des soldats et des SR syriens à un quasi-non-événement. Aberrant de réduire la révocation des têtes sécuritaro-judiciaires à une simple permutation administrative. Aberrant de faire comme si trois commissions onusiennes qui vont travailler en même temps sur le sol libanais – sans aucune espèce de pitié pour qui que ce soit, quel que soit le poste et aussi ostentatoire qu’ait été le retournement de veste – est une hyperbanalité. Aberrant de penser que des élections dans les délais constitutionnels, à l’aune des rebondissements des deux derniers mois, sont aussi évidentes, aussi faciles à assurer que le changement d’une ampoule. Pendant trente ans opprimé, occulté, nié même, méprisé, torturé parfois, humilié toujours, le peuple libanais en général et ses générations d’avenir en particulier crèvent de soifs – toutes les soifs. Et d’impatiences – toutes les impatiences. C’est légitime, c’est naturel, c’est évidemment nécessaire. Sauf que la résurrection d’un pays, sa reconstruction du dedans, le changement de toutes les mentalités, l’édification d’un véritable État de droit, la primauté de la loi et de la démocratie, la sacralisation des libertés, de l’égalité et, surtout, des spécificités du Liban, c’est-à-dire la réelle et efficace désyrianisation du pays, ne peuvent pas s’improviser et s’implanter en un claquement de mains, une pression sur un bouton, un « souddek souddek souddek » de l’indécollable et lassant Nabih Berry. Le Liban a besoin d’entrer en cure de désintoxication. Et pour qu’elle serve à quelque chose, cette cure devrait durer au moins quatre ans. Quatre ans pendant lesquels on aura largement le temps, si volonté il y a – et volonté il devra y avoir – de construire, étage par étage. Alors la loi électorale... Pas un jour, dans ces mêmes colonnes et dans chaque recoin de ce journal, sans une condamnation indiscutable de la loi sans doute la plus abâtardissante, la plus débilisante qui soit – la loi 2000 ; pas un jour sans un attachement réitéré à la loi la plus saine, la plus représentative, pas dans l’absolu évidemment, mais en 2005 : le caza. Kornet Chehwane et notamment le Renouveau démocratique ont amplement raison de le rappeler ; la Ligue maronite de continuer infatigablement à jouer les éveilleurs de conscience. Il le faut. Mais qu’on se le dise : même si le rêve fou d’un Marwan Farès de cloner le Liban sur le modèle syrien se réalisait – la circonscription unique, pire scénario –, l’opposition nationale plurielle pourrait être majoritaire dans la prochaine Chambre. La loi 2000, pour inique qu’elle soit, notamment au Liban-Sud ou au Nord, n’empêchera pas un raz-de-marée de l’opposition si celle-ci sait y faire. Si les haririens, les joumblattistes, les Kornet Chehwane et les autres sauront s’entendre avec les aounistes et les FL pour faire des listes communes sur l’ensemble du territoire libanais, des listes au sein desquelles chacun fera des concessions, au sein desquelles chacun trouvera une satisfaction même relative. Un Anschluss ne peut pas s’effacer en deux jours. Encore une fois, la période de transition entre un pouvoir et un autre est incontournable. Ainsi, à la tutelle et aux ingérences syriennes, s’est substitué un salutaire parrainage – parrainage : pas ingérences – franco-américano-saoudien. Qui, pour transmuter le Liban, le transporter d’une ère à une autre, a dû, avec l’accord de toutes – toutes... – les parties libanaises, aboutir à un package-deal à prendre ou à laisser : départ syrien/commissions onusiennes pour faire la lumière sur l’attentat du 14 février, vérifier le retrait syrien et accompagner les élections/gouvernement Mikati/révocation des patrons des services et de Addoum/élections à la date prévue/loi 2000. Le package-deal est loin d’être parfait, mais il est clairement indispensable si l’on veut continuer à avancer. Et que l’on cesse d’accuser avec une mauvaise foi étonnante et inquiétante l’opposition nationale plurielle d’avoir saboté la loi basée sur le caza. Collectivement, elle a certes été et risque de redevenir la plus crétine, la plus inutile des oppositions du monde, mais que l’on rende à César ce qui lui appartient : les chrétiens, et les musulmans du Rassemblement du Bristol ont été quasiment impériaux depuis l’assassinat de Rafic Hariri jusqu’à il y a quelques jours. Sauront-ils, voudront-ils continuer ? Même si bon nombre d’entre eux n’ont absolument rien contre la loi 2000, ils ont tous signé la proposition Harb en faveur du caza. Trouveront-ils le moyen avant jeudi prochain de renverser la vapeur ? Et sinon, arriveront-ils à faire front du Nord au Sud ? Les jeunes du Liban ont gagné. Ils ont gagné parce qu’ils ont été au cœur de cette conjoncture astrale, au cœur de la synergie locale et internationale qui a fait que... Cités en exemple par tous, stars des écrans de télévision du monde entier, les jeunes du Liban pourraient et devraient être – ils le seront – les acteurs principaux et indispensables de cette nécessaire cure de désintoxication par laquelle passera le Liban. À eux ensuite de montrer, en 2009 par exemple, qu’ils sauront, qu’ils voudront mieux faire que leurs aînés. Mais pour l’instant, c’est à eux de continuer à assumer leur part de responsabilités et d’aller, avec leurs parents, voter simplement en masse. Ensuite, et pendant tout un mandat parlementaire, à eux de s’organiser en club d’idées, d’imposer leurs visions à leurs élus, à savoir les sanctionner quand ils le méritent. Et que l’on arrête un peu les surenchères démagogiques à leur égard, à l’image de la clownerie de Damien Kattar (qu’il essaye plutôt de gérer au mieux son douzième provisoire) il y a quelques jours à la télévision : ces jeunes sont suffisamment intelligents pour ne pas être dupes. Ziyad MAKHOUL

Dix-septième semaine de 2005 (J+76).
Le « 1 million et demi » a gagné. Pas la guerre, non. Pas encore. Mais les deux ou trois fondamentales premières batailles ont été remportées haut la main, et c’est grâce à ces victoires que le champ des possibles s’est considérablement élargi, que la guerre, la bonne, la nôtre cette fois, peut être gagnée. Et tous les Libanais qui...