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ÉCLaIRAGE - Les députés dès mardi dans l’œil du cyclone populaire

Il ne chôme pas, Nagib Mikati, depuis sa nomination vendredi dernier. Parti prier – et sans doute trouver l’inspiration – à Médine, il a enchaîné, quelques heures à peine plus tard et sans se faire prier, avec deux séances de rédaction. Le sujet est de taille : la déclaration ministérielle. Et l’enjeu d’importance : c’est sur ce texte que sera triplement jugé le successeur de Omar Karamé. D’abord, par les députés, naturellement. Sauf que l’on peut désormais, en toute légitimité, se demander si ces derniers ont bien le choix. Une grosse partie d’entre eux est certes encore sous une délétère influence syrienne, mais la majorité des 125 parlementaires sait qu’à moins d’une énorme hérésie de la part du nouveau gouvernement, elle ne peut simplement pas se permettre d’entraver de quelque façon que ce soit la bonne marche du seul processus à même de ressusciter le Liban : des législatives 2005 à la date prévue. Autres juges : Paris, Washington et Ryad, qui ont particulièrement contribué à la nomination de Nagib Mikati, accueillie par un véritable ouf de soulagement de la part de Damas. D’ailleurs, les ambassadeurs Émié, Feltman et Khoja ont rarement eu aussi peu de répit, quotidiennement consacrés à rappeler au mauvais souvenir de Beyrouth et de Damas les résolutions onusiennes. Enfin, et surtout, Nagib Mikati (flanqué de sa déclaration ministérielle) sera jugé par ses compatriotes. Et les Libanais ont prouvé depuis le 14 mars dernier une maturité, une détermination, un réveil qu’eux-mêmes ne soupçonnaient pas. « Rien ni personne ne peut résister à un tel raz-de-marée », disait il y a quelques jours un homme que beaucoup auraient bien vu au Sérail. La déclaration minstérielle, ou du moins sa première mouture, quasi définitive, a été terminée hier vers 19h30. Concise, couvrant à peine quatre pages, elle sera débattue et sans doute votée ce matin en Conseil des ministres. Et elle prouve, déjà, en l’état, à moins qu’elle ne se fasse vandaliser dans les dernières minutes, deux choses. Un : Nagib Mikati a tenu deux de ses trois promesses, les plus urgentes, et, jusqu’à hier dans la nuit, la troisième était occultée. Deux : intelligemment et sans doute bien conseillé, Nagib Mikati, en remplissant une partie de son contrat, a laissé les députés désormais seuls face à leur conscience, sachant que les positions qu’ils adopteront dans l’hémicycle, dans les jours à venir, lors du débat de confiance et pendant l’examen puis le vote de la loi électorale, leur serviront effectivement, bon gré mal gré, d’impitoyable campagne électorale. Le gouvernement convoquera en principe dès ce matin le corps électoral pour avant le 31 mai. C’est-à-dire que le premier jour de scrutin se tiendra dans les délais constitutionnels, ce qui suffit à éviter toute prorogation du mandat de la Chambre. Et le gouvernement ne retirera pas le projet de loi Frangié que l’équipe précédente avait envoyé aux députés. À eux donc de jouer. À ceux qui n’ont jamais connu autre chose que les ordres donnés au téléphone ou par fax de découvrir les inestimables grâces de la libre décision, à leurs collègues souverains de les guider dans leur choix, à eux tous de ne prendre de décision qu’en fonction du bien-être civique de leurs électeurs, en se demandant quelle serait, pour l’instant, en l’état, la loi électorale la plus représentative, en s’inspirant du sage patriarche Sfeir par exemple. Et s’ils n’arrivent pas à se décider, ce sera la loi 2000, la bâtarde, l’inique et vicieuse loi 2000, dessinée à l’époque sur mesure par les lieutenants libanais de la Syrie afin de garantir le Parlement le plus à même d’obéir sans moufter aux objurgations du binôme Baabda-Anjar. Peu importe, puisque, depuis le 14 mars, « rien ni personne ne résiste à un tel raz-de-marée ». Deuxième promesse tenue : coopérer pleinement et absolument avec la commission d’enquête internationale chargée de faire toute la lumière sur l’attentat du 14 février dernier. C’est un minimum, sauf que Nagib Mikati ne semble pas avoir réussi à se faire entendre, lui qui n’a pas dû oublier que le rapport Fitzgerald stipulait clairement l’impossibilité de toute enquête à l’ombre de la perpétuation à leurs postes respectifs des Addoum, Sayyed, Mansour, Hajj, Hamdane et Toufayli. C’est bizarre, lorsque l’on sait que presque toutes les parties n’avaient plus rien contre la mise à pied, au moins, de ces hommes, au moins jusqu’à la fin de l’enquête. Nabih Berry a-t-il – ce serait un comble… – changé d’avis ? Est-ce Damas qui a pesé du peu de poids qui lui reste pour bloquer la décision ? Il n’empêche : puisqu’a été prise la décision de coopérer jusqu’au bout avec les enquêteurs onusiens. Qui ne manqueront pas, eux, de conseiller à ce club des 6 de prendre quelques semaines sabbatiques. Reste, indépendamment de cette déclaration ministérielle, le désistement de Ghassan Salamé, dont la nomination avait été quasiment plébiscitée par l’ensemble de l’opposition et la quasi-totalité des Libanais. Mais il faut remplacer cet homme qui n’a jamais manqué, par ses interventions devant les caméras aussi bien qu’en coulisses, de servir son pays, mais qui a des engagements académiques irréversibles que deux mois à l’Exécutif compromettraient dangereusement. La famille Hariri, la communauté grecque-catholique, Bkerké et la majorité de l’opposition penchent pour Daoud Sayegh qui, selon des sources bien informées, souffrirait du veto d’Émile Lahoud. Le choix devrait donc se porter sur Fouad Turk, proche du locataire prorogé de Baabda, et qui a toujours réussi à assurer le go-between, lorsque cela s’imposait, entre Issam Farès et Rafic Hariri. Reste aussi, enfin, cette exception culturelle libanaise qui veut que les déclarations ministérielles naissent pour mieux être étouffées ensuite, violentées, oubliées. Nagib Mikati saura-t-il imposer celle-ci, en prenant soin, au préalable, et pour sa propre crédibilité d’abord, de la bonifier en y incluant l’assurance de mettre à pied le club des 6 ? Ziyad MAKHOUL
Il ne chôme pas, Nagib Mikati, depuis sa nomination vendredi dernier. Parti prier – et sans doute trouver l’inspiration – à Médine, il a enchaîné, quelques heures à peine plus tard et sans se faire prier, avec deux séances de rédaction. Le sujet est de taille : la déclaration ministérielle. Et l’enjeu d’importance : c’est sur ce texte que sera triplement jugé le successeur...