Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Eclairage - La nouvelle équipe reflète de nouvelles données politiques Un gouvernement « du possible » et une mission accélérée

Un gouvernement en 48 heures, c’est du jamais vu au Liban, où la formation des équipes ministérielles nécessite en général du temps pour les tractations diverses et les marchandages politico-clientélistes. Mais ce gouvernement Mikati, le premier peut-être d’une série, n’est pas comme les autres et il semble marquer le commencement d’une nouvelle ère au Liban. Comme l’a déclaré Mikati lui-même, avec humour : « Mon style, c’est l’art du possible... en vitesse. » Son gouvernement est en tout cas le premier de l’après-Taëf qui ne regroupe pas des figures ouvertement et éminemment prosyriennes. Certes, c’est un gouvernement sans membres partisans, d’où le fait que ni le parti Baas ni le PSNS n’y sont représentés. Mais des personnalités dont l’allégeance va directement à Damas auraient pu en faire partie. Or, ce n’est pas le cas. Car, si certaines figures de l’opposition se sont empressées de rappeler lors de la désignation de Négib Mikati, les relations de ce dernier avec le président syrien Bachar el-Assad, on ne peut pas dire pour autant que son allégeance va d’abord à la Syrie. Même si, selon des informations concordantes, sa désignation est aussi le fruit d’un accord franco-saoudien, soucieux de ne pas « heurter » la Syrie. Pour la première fois, un proche du Hezbollah ministre Seconde nouveauté de ce gouvernement, il est le premier à compter parmi ses membres un proche du Hezbollah, Trad Hamadé, originaire du Hermel. Le parti, qui, jusqu’à présent, avait refusé de participer aux gouvernements, préférant rester en dehors des « bazars », selon les termes utilisés par ses responsables, politiques internes, a accepté d’être indirectement représenté au sein de la nouvelle équipe. Et ce changement dans la politique du Hezbollah est sans doute lié au fait que l’un des points qui seront débattus dans la période à venir concernera les armes de ce parti. Non seulement Trad Hamadé constituera une voix en plus au moment des votes cruciaux, mais il pourra aussi défendre la stratégie du Hezbollah et ses appréhensions sur le positionnement régional futur du Liban. Il est d’ailleurs intéressant de relever que le ministre proche du Hezbollah a obtenu le portefeuille du Travail, qui depuis des années revenait à des personnalités prosyriennes (PSNS ou Baas), pour faciliter les conditions de travail des ouvriers syriens au Liban. Mais en obtenant un portefeuille pour un de ses proches, le Hezbollah a rogné sur la part qui revenait traditionnellement au président de la Chambre, Nabih Berry. Et celui-ci, pour la première fois depuis des années, s’est contenté d’un seul ministre, Mohammed Khalifé, doté toutefois de deux portefeuilles dits de services, la Santé et les Affaires sociales. Car le ministre des Affaires étrangères, Mahmoud Hammoud, a beau être officiellement dans la mouvance du président de la Chambre, il a montré au fil des mois qu’il était surtout dans le camp du président de la République et celui des Syriens. Émile Lahoud a donc obtenu d’importants acquis au sein de ce gouvernement. Ce qui est assez inattendu, car certaines parties le disaient en partance, dans les plus brefs délais. Mais par un de ces retournements surprenants de la situation politique, il a placé des proches aux ministères importants. Élias Murr a obtenu le portefeuille de la Défense, crucial pour l’étape à venir, puisque, selon les dispositions de l’accord de Taëf, le ministre est doté de pouvoirs considérables sur l’armée et celle-ci représente aujourd’hui une force importante sur laquelle sont braqués les yeux de la communauté internationale et notamment des Américains. Lahoud a aussi obtenu la désignation de Charles Rizk, son représentant personnel au Conseil de la francophonie, au ministère de l’Information. C’est sans doute le signe que le chef de l’État, qui a longtemps essuyé des critiques dans la presse sans réagir par respect de la liberté d’expression, souhaite que, dans une période aussi sensible, l’information officielle soit cohérente et efficace. En plus du ministre arménien, Alain Tabourian, qu’il aurait aussi choisi, Lahoud aurait encore contribué à la nomination de Damien Kattar, qui a été un de ses conseillers, avant de s’envoler pour les pays du Golfe, et de Tarek Mitri, membre du Conseil des Églises du Moyen-Orient, homme de dialogue et d’ouverture. MM. Kattar et Mitri sont aussi des proches du président du Conseil, Négib Mikati. Le leader du Nord, Sleimane Frangié, a obtenu pour un de ses conseillers, Bassam Yammine, un portefeuille de services, comme il le souhaitait et Walid Joumblatt, qui avait vivement conseillé à l’opposition de participer directement au gouvernement, a obtenu pour une des personnalités druzes qui a son aval, Adel Hamié, un portefeuille de services, en plus du ministère des Déplacés. Mais la grande nouveauté de ce gouvernement c’est aussi l’octroi de trois portefeuilles importants à des proches de la famille Hariri. Un peu pour rassurer cette dernière après la perte de l’ancien Premier ministre et aussi comme une reconnaissance de son rôle politique. D’abord, Ghassan Salamé à qui l’on a proposé le ministère de la Culture et de l’Éducation. Au ministère de la Justice, c’est Khaled Kabbani qui a été désigné. Cet homme de loi, proche des Hariri, devrait se charger de la poursuite de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, mais aussi détruire « le système Addoum » au ministère de la Justice. À l’Intérieur, ministère-clé pour la période à venir, c’est un ancien officier de la Sûreté générale, Hassan Sabeh qui a été désigné. Apparemment, il s’agirait pour lui d’en découdre avec les chefs de certains services de sécurité, notamment les FSI et la Sûreté générale, qui relèvent de son ministère et dont la famille Hariri réclame le départ. Mais il faudra un vote des deux tiers des membres du gouvernement pour obtenir leur limogeage. Le gouvernement, qui en est encore à l’élaboration de sa déclaration ministérielle, a encore beaucoup d’écueils à contourner avant de pouvoir montrer son potentiel. Mais ce qui est sûr, c’est que le déblocage qui a permis sa formation a obtenu l’aval de parties européennes et arabes. Cette double bénédiction lui permettra-t-il d’organiser les élections législatives, comme il l’a promis ? Si les cartes politiques sont réellement redistribuées, comme les premières réactions à la formation du gouvernement le laissent supposer, les différentes parties politiques pourraient considérer que ces élections serviront désormais leurs intérêts. Scarlett HADDAD
Un gouvernement en 48 heures, c’est du jamais vu au Liban, où la formation des équipes ministérielles nécessite en général du temps pour les tractations diverses et les marchandages politico-clientélistes. Mais ce gouvernement Mikati, le premier peut-être d’une série, n’est pas comme les autres et il semble marquer le commencement d’une nouvelle ère au Liban. Comme l’a...