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Actualités - CHRONOLOGIE

Assad change de ton dans le « Time », évoque un retrait « dans les mois à venir », et se rend dans les 48 heures à Ryad Paris et Washington enfoncent le clou après la démission de Karamé

Il y a quelques jours, à l’aune des intenses pressions qui s’exerçaient sur elle de toutes parts – notamment de l’ensemble du monde arabe, Égypte et Arabie saoudite en tête – la Syrie, qui n’avait jamais accordé une grande importance à la volonté populaire libanaise et encore moins à l’opposition syrienne, donnait une impression d’immense solitude face au tandem arabo-international œuvrant, par des chemins différents certes, pour le même but. Depuis la démission du gouvernement Karamé, et même si elle aurait pu y contribuer d’une façon ou d’une autre, depuis que la somptueuse symbiose entre le peuple libanais arc-en-ciel et les députés de l’opposition a époustouflé la planète entière et a boosté son implication, la Syrie est indubitablement au pied du mur. Dans les très prochaines heures, Bachar el-Assad recevra à Damas Hosni Moubarak et s’entretiendra à Ryad avec Abdallah ben Abdel-Aziz, sachant qu’il y a quelques jours à peine, le roi jordanien avait bien fait comprendre au Premier ministre syrien que son pays est fortement attaché à « la souveraineté, l’unité et la sécurité » du Liban. Le président syrien a en outre ostensiblement évité, dans une interview au magazine Time publiée hier, d’exiger la paix dans la région en contrepartie d’un retrait du Liban, à l’instar de ce qu’il avait annoncé il y a deux jours dans La Repubblica ; au contraire, il a évoqué pour la première fois, certes superficiellement, les détails et autres contraintes techniques militaires. La question se pose : Bachar el-Assad peut-il se permettre désormais le luxe de se mettre à dos les dirigeants arabes, de ne compter que sur l’appui, ambigu qui plus est, d’un Iran appelé un jour – on ne sait jamais – à jouer d’une certaine manière le rôle dévolu à la Syrie en 1990 ? Surtout que, parallèlement aux efforts encore amicaux des pays de la région, les réactions de Washington, Paris et Berlin au lendemain de la chute du gouvernement Karamé – que la presse syrienne, totalement déboussolée, s’est contentée de commenter par un bien inédit « c’est une affaire interne libanaise » – atteignent une fermeté inégalée, d’autant plus que c’est désormais au peuple libanais que s’adresse directement la communauté internationale. Surtout, enfin, que les opposants syriens, de Damas même, n’hésitent plus à afficher une totale harmonie avec la conviction de George W. Bush d’avant sa réélection : que le modèle libanais, laissé à lui-même, peut entraîner une contamination ultrapositive de la région, et à bien moindres frais qu’une guerre en Irak. Surtout qu’Israël est entré dans le jeu hier, rompant clairement son assentiment silencieux à la tutelle presque trentenaire de la Syrie sur le Liban, et dont elle a su presque toujours s’accommoder. Damas n’a plus qu’un seul choix : ne pas intervenir dans la formation d’un gouvernement neutre avec qui elle discutera dans les tout prochains jours des modalités formelles de son retrait total. Le Hezbollah a également un rôle important à jouer : en rejoignant l’opposition plurielle, clairement, en prenant des distances avec Damas mais aussi Téhéran, il contribuerait d’une manière ou d’une autre à la salvatrice libanisation de son désarmement, une des principales clauses de la très contraignante 1559. Les faits, hier Dans une interview au Time, le président syrien Bachar el-Assad (qui rencontrera prochainement Terjé Roed-Larsen) a annoncé qu’un retrait des forces syriennes du Liban « devrait intervenir très prochainement, peut-être même dans les mois à venir, pas après ». Des propos qui interviennent 48 heures après une déclaration du n° 1 syrien à La Repubblica, qui avait fait comprendre qu’un retrait syrien « d’ici à la fin de l’année » aurait un prix : « Un accord de paix avec Israël ». À ce propos, une « source responsable syrienne » citée par Sana a démenti des informations de presse selon lesquelles le président syrien aurait dit s’attendre à une attaque US contre son pays. Au Time, Bachar el-Assad a souligné qu’après ce retrait, son pays « devra protéger ses frontières. Lorsqu’Israël nous a envahis en 1982, ils sont arrivés très près de Damas. Nous aurons alors besoin de fortifications pour l’armée le long de la frontière avec le Liban », a-t-il dit. « Je suis incapable de dire si nous pouvons y parvenir en l’espace de deux mois parce que je n’ai pas rencontré à ce sujet les chefs de mon armée. Ces derniers pourraient avancer une période de six mois. Il faut bien préparer les choses quand on veut rapatrier les soldats de son armée. Il faut savoir à l’avance où les positionner », a ajouté Bachar el-Assad, qui est attendu aujourd’hui ou demain à Ryad pour une visite axée notamment sur la situation au Liban. Et au même moment, c’est-à-dire au lendemain de la démission du gouvernement d’Omar Karamé, Paris et Washington ont accru la pression sur Damas en appelant conjointement au retrait des troupes syriennes du Liban et à la tenue d’élections « libres et équitables ». « Nous soutenons le peuple libanais dans sa quête d’un État indépendant, démocratique et souverain, libre de toute interférence étrangère et de toute intimidation », ont souligné dans une déclaration commune le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, et la secrétaire d’État US, Condoleezza Rice, lors de la réunion internationale de soutien à l’Autorité palestinienne à Londres. Assurant que la résolution 1559 de l’Onu est « très claire », les deux responsables ont bien fait comprendre qu’ « il ne peut y avoir de prétexte ou d’excuse pour ne pas appliquer » cette résolution qui exige « la fin de toute interférence étrangère » au Liban. « La Syrie doit comprendre que nous sommes sérieux pour exiger progressivement et réellement la mise en œuvre de cette résolution », a ajouté Michel Barnier. Pour sa part, Condoleezza Rice a affirmé qu’il y a « des preuves que le Jihad islamique, qui a son QG à Damas, est impliqué dans la préparation des attentats de Tel-Aviv. Les Syriens ont donc à rendre des comptes sur beaucoup de choses », a-t-elle asséné. Quant au chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, il est revenu hier à la charge en affirmant, interrogé par nos confrères d’al-Chark el-Awsat, que les fils de l’assassinat de Rafic Hariri « ont été tissés à Damas ». Abizaid : Le retrait est inévitable Parallèlement, Washington continue de multiplier ses critiques à l’encontre de la Syrie pour « ses graves violations continues » des droits de l’homme. La sous-secrétaire d’État US aux Affaires mondiales, Paula Dobriansky, a indiqué hier devant la presse qu’« au Liban, nous voyons grandir un élan vers une “révolution du cèdre” qui unit les citoyens de cette nation en faveur d’une véritable démocratie et la libération de l’influence étrangère ». Pour sa part, le chef du commandement central américain (qui a autorité au Moyen-Orient), John Abizaid, a estimé hier qu’il « est inévitable que les forces syriennes » partent du Liban, ajoutant que la Syrie va arriver à la conclusion qu’il est dans son intérêt de respecter ses voisins et de devenir « une force coopérant à la stabilité ». Signalons en outre que l’émissaire US David Satterfield a quitté hier le Liban après une visite de quatre jours, et que le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, qui entamera le 10 mars prochain une tournée de huit jours aux États-Unis, sera reçu par le président américain George W. Bush le 16 mars. Au Qatar, Gerhard Schröder a demandé « l’application des résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu, en l’occurrence le retrait total de la Syrie du Liban ». Le chancelier allemand a ajouté que Berlin « est déterminé à obtenir une enquête internationale » sur l’assassinat de Rafic Hariri. il s’exprimait au cours d’une conférence de presse à l’issue de ses entretiens avec l’émir qatari, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, qui a déclaré que « les peuples arabes saluent le peuple libanais » pour avoir obligé son gouvernement à la démission, tout en rendant hommage à ce cabinet qui a accepté de se démettre dans l’intérêt général. Cependant, à Téhéran, le ministre iranien des Affaires étrangères, Kamal Kharazi, a « conseillé » aux Libanais de ne pas tomber dans le piège des Américains qui cherchent à détruire « leur unité afin d’aider Israël ». Israël justement, qui a estimé, par la voix de son ministre des AE Sylvan Shalom, que « l’occupation syrienne du Liban doit prendre fin. Il est très, très important que les Syriens se retirent du Liban. Je pense que cela permettrait aux Libanais d’être plus ouverts à un dialogue avec Israël car nous n’avons aucun conflit avec eux », a-t-il dit de Budapest, assurant que son pays n’envisage pas d’attaques contre la Syrie. Quant à la presse israélienne, elle a salué, à l’instar des médias jordaniens, la démission du gouvernement Karamé, « un développement sans précédent dans la région », et estimé que la Syrie « est en train de perdre son contrôle sur le Liban ». Et si la presse syrienne n’a par contre fait aucun commentaire, les opposants syriens, dont Yassine Hajj-Saleh et Anouar Bounni, interrogés par l’AFP, ont applaudi à la démission du cabinet Karamé. Le cinéaste Omar Amiralay a estimé que « le retrait syrien est inéluctable », que « l’histoire est en marche et nul ne peut interrompre son cours ». Saluant « le rôle du Liban en tant que pays locomotive de la démocratie », il a affirmé que cela aura « un effet contagieux sur l’hinterland syrien et sera bénéfique pour les deux peuples syrien et libanais ». Ziyad MAKHOUL
Il y a quelques jours, à l’aune des intenses pressions qui s’exerçaient sur elle de toutes parts – notamment de l’ensemble du monde arabe, Égypte et Arabie saoudite en tête – la Syrie, qui n’avait jamais accordé une grande importance à la volonté populaire libanaise et encore moins à l’opposition syrienne, donnait une impression d’immense solitude face au tandem...