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Actualités - CHRONOLOGIE

Les barrages des forces de l’ordre aux entrées nord et sud de la capitale n’ont pu empêcher l’afflux des manifestants Relevant tous les défis, des milliers d’opposants investissent dans la nuit la place des Martyrs (photos)

Dès le début de l’après-midi, hier, l’armée libanaise a commencé à se déployer sur les axes routiers des entrées nord et sud de Beyrouth, et ce quelques heures avant que le ministère de l’Intérieur ne prenne la décision d’interdire les manifestations. Mais la présence de l’armée et de la police n’a pas empêché les Libanais, jeunes et vieux, en groupes de militants ou en famille, de se rendre à la place des Martyrs. Armés uniquement de leur volonté de changer les choses, des milliers de personnes ont pris d’assaut en soirée la place des Martyrs, prêts à relever tous les défis. Dès 19 heures, plusieurs milliers de personnes ont commencé à se rassembler à la place des Canons. Des personnes venues en famille ou en groupes, mais aussi des militants qui avaient décidé dès l’après-midi de dormir sur place, comme ils le font depuis une dizaine de jours, sous les tentes dressées dans le square qui entoure la statue des Martyrs. « Nous allons distribuer des couvertures, nous restons là », a lancé par mégaphone un des manifestants. D’heure en heure, bravant les forces de l’ordre, fraternisant parfois avec les agents de sécurité, des habitants de différentes régions venaient grossir la foule dans le centre-ville. « La Syrie dehors ! », « Le Liban est notre religion », « Nous voulons la vérité ! » scandaient à l’unisson les protestataires dont plusieurs députés de l’opposition, alors que des chansons patriotiques étaient diffusées par haut-parleurs. Certains manifestants, comme Rabih du PNL, sont venus de Deir el-Qamar, portant dans un grand sac en plastique les foulards rouge et blanc de l’opposition, destinés à être distribués aux personnes rassemblées. Roni est venu avec son pékinois Yochi. Le jeune homme dort sur place depuis plusieurs jours. Soulignant qu’il appartient au mouvement « résistants jusqu’à la liberté (base Kataëb) », il indique : « La place des Martyrs est devenue ma maison, j’y passe la plupart de mon temps. C’est pour cette raison peut-être que j’amène Yochi avec moi tous les soirs. » Akram (PSP) vient de Aley. Il indique que le mouvement a déjà dressé dix tentes au centre-ville. « Tous les soirs, nous sommes une soixantaine du parti à dormir ici. Je pense que cette nuit il y aura beaucoup plus, environ 300, car l’armée pourrait bloquer le centre-ville », dit-il. Patrick, lui, est aouniste. Il indique que les jeunes de tous les mouvements se rendront au centre-ville dès 2 heures du matin. « Deux importants groupes de manifestants sont également attendus à 5 heures et 7 heures », dit-il. Hier, au centre-ville, il y avait aussi une cinquantaine de bus venus de Zghorta. Ils arboraient des grandes affiches de l’opposition plurielle, des panneaux rouges frappés de l’inscription « 05 (2005) pour l’indépendance, tous pour le Liban », ainsi que des portraits de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et de l’ancien président de la République assassiné, René Moawad. Tous sont venus soutenir Nayla Moawad, députée du Liban-Nord, et d’autres personnalités de Zghorta, notamment Jawad Boulos et Sarkis Doueihy. Une importante délégation de Zahlé et de Rachaya, tous des partisans du PSP, était également présente. Dix-neuf heures. Le meeting oratoire quotidien de l’opposition. Mais hier en début de soirée, avec l’armée qui commençait à quadriller le centre-ville et la décision du ministère de l’Intérieur d’interdire les manifestations, ce rassemblement a pris une autre dimension. Hier à la tribune, il y avait notamment Samir Frangié, Élias Atallah, Waël Abou Faour, les députés Fouad el-Saad, Farès Souhaid, Ahmed Fatfat et bien sûr Nayla Moawad, accueillie par la foule par un tonnerre d’applaudissements, des youyous, les drapeaux libanais et les portraits de son époux assassiné. À ses partisans qui clament : « On donne notre vie et notre sang à Nayla », elle répond : « Non, à la patrie, à la patrie. » Prenant la parole, Mme Moawad, qui avait préparé son discours, improvise : « Nous sommes ici et l’armée est en train de bloquer les routes, de quadriller la place des Martyrs. Nous sommes venus de Zghorta el-Zaouiyé et nous voulons savoir qui a tué Rafic Hariri, Kamal Joumblatt, Béchir Gemayel, Hassan Khaled et qui a tenté d’assassiner Marwan Hamadé. Nous voulons savoir qui a assassiné René Moawad. » À chaque nom qu’elle prononce, la foule répond : « La Syrie. » La députée du Nord poursuit : « Nous ne faisons pas confiance à la justice libanaise, un instrument entre les mains du pouvoir, de Anjar et de la Syrie. Nous sommes une partie fondamentale de ce soulèvement pour l’indépendance. Nous voulons un Liban libre. Nous sommes fiers du sang de nos martyrs. C’est ce sang qui nous mènera à l’indépendance », dit-elle. « À 5 heures du matin, l’armée bouclera la place des Martyrs. Nous reviendrons à l’aube ou nous dormirons sur place pour rester ici, car nous participons tous actuellement, hommes et femmes, à ce soulèvement pour l’indépendance du Liban, une indépendance pour nous et pour les générations à venir », ajoute Mme Moawad. « N’ayez peur de rien, car ce sont eux (les responsables au pouvoir) qui ont peur de nous », dit-elle. S’adressant encore à la foule, Nayla Moawad indique : « Que voulez-vous ? Le départ du gouvernement ? Qu’il en soit ainsi en même temps que les services de sécurité et de renseignements. » Elle achève son discours en entonnant l’hymne national. Et Nayla Moawad chante juste ! Prenant la parole, Ahmed Fatfat appelle la foule à dormir sur place. Il souligne : « Le pouvoir a interdit les rassemblements, parce que la contre-manifestation qu’il voulait organiser n’a pas mobilisé plus de 500 personnes. » « Et si tout le Liban est désormais présent, place des Martyrs, c’est pour dire non à ceux qui tentent de tuer ses rêves et c’est aussi pour recouvrer la souveraineté et l’indépendance », indique-t-il. Jawad Boulos indique de son côté : « Nous ne pouvions rien dire quand René Moawad a été assassiné. Mais aujourd’hui, après seize ans, nous sommes-là et nous tenons à connaître la vérité, nous voulons savoir qui a tué René Moawad. » Samir Frangié, la voix enrouée, appelle, de son côté, à l’indépendance et la souveraineté. Énumérant les trois députés cibles d’attentats, Marwan Hamadé, Bassel Fleyhane et Rafic Hariri, Fouad el-Saad indique de son côté : « Nous sommes désormais des sitting-duck, des cibles faciles. » Commentant l’accord de Taëf et le sixième redéploiement syrien, qui n’a pas encore été entamé, il souligne que « notre frontière ne s’arrête pas à Mdeirej mais à Masnaa. Nous tenons à la Békaa comme nous tenons à Beyrouth et à la montagne ». S’adressant indirectement à l’armée libanaise, il souligne : « Les soldats sont nos frères et pas nos ennemis, même s’ils ont reçu l’ordre de nous interdire l’accès au centre-ville. » Waël Bou Faour, ovationné par les habitants de Zghorta présents au centre-ville, s’adresse à tous les manifestants, spécialement à une délégation venue de Rachaya. « La ville qui est entrée dans l’histoire comme symbole de l’indépendance de 1943 est maintenant au centre-ville pour que le Liban acquière finalement sa véritable indépendance », dit-il. Appelant les manifestants à dormir sur place, il indique : « Nous n’aurons pas peur de la police, de l’armée et des services de renseignements. » C’est ensuite Élias Atallah qui prend la parole pour informer la foule des décisions du comité de suivi du Bristol et des dernières manœuvres de l’armée. Il souligne : « L’armée devait bloquer l’accès à la place des Martyrs à 5 heures, mais il semble que les entrées à la place des Canons seront interdites aux manifestants à partir de 22 heures ce soir. L’oppression et le terrorisme ne nous vaincront pas. Nous appelons tous les Libanais à venir dormir au centre-ville, à la place des Martyrs », dit-il. S’adressant à ceux qui seront « incapables d’être demain parmi nous, car le pays en entier sera quadrillé », il indique : « Laissez le drapeau du Liban flotter sur les toits de vos maisons. » Il est 20h, le secteur est bouclé, mais les manifestants continuent d’affluer, par dizaines. Les soldats de l’armée, stricts au début, font ensuite montre d’une bienveillance merveilleuse, autorisant les jeunes à entrer, un grand sourire aux lèvres. Les députés Ahmed Fatfat, Pierre Gemayel, Alaeddine Terro, Akram Chehayeb, Nayla Moawad et son fils, Michel, Pierre Gemayel, Ghattas Khoury, ainsi que MM. Élias Atallah, Carlos Eddé, Élie Karamé et Mme Nora Joumblatt décident de passer la nuit sur place. « Nous voulons rester là pour protéger les jeunes, s’il est vrai que l’on tentera de les déloger à l’aube », déclare M. Chehayeb à L’Orient-Le Jour. « Nous irons directement de là au Parlement », ajoute-t-il. L’immense sit-in programmé pour ce matin à 10 heures commence avec douze heures d’avance. Patricia KHODER
Dès le début de l’après-midi, hier, l’armée libanaise a commencé à se déployer sur les axes routiers des entrées nord et sud de Beyrouth, et ce quelques heures avant que le ministère de l’Intérieur ne prenne la décision d’interdire les manifestations. Mais la présence de l’armée et de la police n’a pas empêché les Libanais, jeunes et vieux, en groupes de militants ou en...