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Actualités - CHRONOLOGIE

Festival Al-Bustan Kremer et Pushkarov, des trémolos du violon aux frémissements des percussions... (Photo)

Un monde sonore original et peu familier. Les trémolos du violon et les frémissements des percussions, union comblée à travers le talent de deux musiciens inspirés. Gidon Kremer avec son Guanerius 1730, niché au creux de l’épaule, et Andreij Pushkarov avec sa batterie de bâtonnets de bois en pointes rondes, son xylophone, ses caisses de résonances au ventre cuivré et sa cymbale frissonnante pour des partitions mêlant rigueur classique, audaces modernes et quelques touches de sensualité où le tango est impliqué... Deux musiciens en noir, l’un aux cheveux blancs avec front dégarni et l’autre aux cheveux couleur de jais et voletant sur ses sourcils dès qu’il souffle dans un désarmant geste de coquetterie, sur une scène nue mais où la magie émane surtout du violon, cette boîte de l’errance qui transporte avec elle larmes et sourires... Au programme, des pages de Schnittke, Kobekin, J.-S. Bach, Fiser et Piazzolla. Ouverture, en solo de violon, dans une totale gravité le Prélude à la mémoire de Dimitri Chostakovitch d’Alfred Schnittke. Sur cette concise œuvre vouée à deux violons plane l’ombre de Bach. Dans un tourbillon de notes cousues en une austère multiplicité de dissonances subtilement groupées se faufile un thème adroitement développé. En écho aux coups d’archet du violoniste répond une bande sonore qui se mêle subrepticement à la narration. Solennelle, tout en profitant de sa relative brièveté, cette œuvre évocatrice et sombre est tranchante dans son émotion. Suit une Variation sur un thème de Bach de Vladimir Kobekin, compositeur russe contemporain, où le violon joue largement à découvert dans une profusion de nuances, avec un bouquet de pizzicati remarquablement rendus. Du chant de rossignol aux torrents de larmes arrachés aux cordes du violon vient se greffer lentement le frémissement d’une cymbale en cuivre dextrement taquinée par un percussionniste aux aguets de la moindre respiration du morceau interprété. Et arrive cette émouvante chaconne de Bach où s’affirme, dans sa pureté absolue, péremptoire et éthérée, la voix du cantor. Narration fine et dentelée où s’affirment aussi toutes les notions de ferveur et d’invention d’une Renaissance foissonnante d’idées et débordante de vitalité. Magnifique dans son dénuement instrumental, à la fois volutes lumineuses et cris ardents, cette œuvre de Bach atteste d’une inspiration intemporelle qui n’a pas fini de nous éblouir... Plongeon dans un univers plus tourmenté et des sonorités plus angoissées avec le Crux de Lubos Fiser, compositeur tchèque, qui ouvre les vannes d’un univers barbare sous couvert de civilisation raffinée. Cravachées, triturées, malmenées sont les cordes du violon tandis que, comme un bruit de fond menaçant, les trois grandes caisses résonnent en lenteur. Comme un tam-tam de guerre qui va en s’amplifiant, annonce de combats que nul n’élude. Tandis que les caisses battent en force la mesure, le violon, dans sa folle nervosité, évoque les animaux pris aux abois. Une image forte de l’ultime moment quand le piège se referme cruellement sur des débats inutiles... Entracte et retour au solo du violon pour traduire l’univers d’Astor Piazzolla. Certainement que Gidon Kremer a énormément de talent pour faire vivre sur scène ces Trois tango-étude, mais le monde sonore de Piazzolla en sort triste et presque dénudé. Pas de fièvre et encore moins de sensualité ou de soleil brûlant dans ces pages livrées aux seules cordes d’un instrument plus porté aux mélancolies extrêmes et aux joies exubérantes qu’aux tons contrastés et en demi-pénombre d’un Argentin qui fit de la nuit la source de lumière de ses rêves. Entrée sur scène de Pushkarov pour interpréter sur xylophone (appelé ici vibraphone!) des Cinq variations d’après J.-S. Bach. Instant fabuleux où la narration fuguée et contrapuntique du cantor s’envole en l’air en une joyeuse farandole de notes légères, luisantes comme un nuage de bulles de savons. Dansant sur ses pieds pour garder le rythme tout en manipulant la pédale, tapant en petits gestes précis sur les touches livrées aux regards de l’auditoire médusé, dodelinant de la tête comme un jazzman, Pushkarov a gagné haut la main la sympathie et l’estime du public qui l’a longuement ovationné. Pour finir, retour à Piazzolla avec un fervent Ave Maria cette fois-ci, où les cordes du violon et les octaves du xylophone se sont croisées pour une prière mariale tout en tendre piété. Plus proche de l’univers qu’on aime de Piazzolla est ce Milonga Loco déployant les fastes sonores de cet impénitent noctambule argentin qui a su si bien évoquer la frénésie du plaisir et l’ivresse des rives ensoleillées mais aussi le spleen des vagues-à-l’âme. Deux bis et le public ne semblait pas rassasié de cette prestation au-dessus de tout éloge malgré la tristesse nue du violon. Edgar DAVIDIAN
Un monde sonore original et peu familier. Les trémolos du violon et les frémissements des percussions, union comblée à travers le talent de deux musiciens inspirés. Gidon Kremer avec son Guanerius 1730, niché au creux de l’épaule, et Andreij Pushkarov avec sa batterie de bâtonnets de bois en pointes rondes, son xylophone, ses caisses de résonances au ventre cuivré et sa cymbale...