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Eclairage - Ouverture aujourd’hui, en principe, du procès de l’ancien Premier ministre Cacophonie officielle autour du règlement de l’affaire Aoun

Ses détracteurs les plus féroces l’ont longtemps assimilé à une figure « populiste » et « utopiste », digne des antihéros caricaturaux de Gabriel Garcia Marquez, dans le style de L’Automne du patriarche. D’aucuns, cyniques, ont même été jusqu’à dire que son exil forcé lui ferait « le plus grand bien », lui permettrait de « s’assagir », oubliant – volontairement ? – qu’à l’instar de Samir Geagea plus tard, il a été le seul à être exclu de cette amnistie générale, ou plutôt de cette amnésie générale, taillée à la mesure de certains seigneurs de la guerre. Quoi qu’il en soit, le début de l’année 2005 semble marquer un retour au premier plan de l’ancien Premier ministre Michel Aoun, tenu à l’écart du système politique libanais de l’après-guerre. De son exil parisien, le général Aoun joue désormais aux absents-omniprésents sur la scène politique. Mûri par le douloureux ostrascisme qui le frappe depuis la fin de la guerre (le cabinet qu’il a présidé a même été « effacé », sur le plan constitutionnel, de la mémoire libanaise), Michel Aoun paraît suffisamment conscient de la gravité de la situation du Liban pour ne pas sombrer dans un triomphalisme déplacé. Certes, les faits ont donné raison, quant au volet externe de Taëf et du dossier de la présence syrienne (même si le timing régional et international, prémices de guerre du Golfe oblige, était défectueux) à son discours prononcé le 1er novembre 1989 devant une foule de manifestants, à Baabda : « En tant que Libanais, j’accepte les réformes constitutionnelles et je me soumets à la loi de la majorité. Mais ces réformes doivent être appliquées dans le cadre d’une République libre. Or une telle république n’existe pas dans le cadre de l’accord de Taëf. Comment pourrons-nous appliquer les réformes tant que nous n’avons ni territoire ni peuple, parce que nous n’avons pas de souveraineté? Deux ans après un laps de temps indéterminé, les Syriens commenceront à se retirer en direction des hauteurs de la ligne Hammana-Mdeïrej. Après ce x + 2, et Dieu sait quand ce “x” interviendra, nous commencerons à renégocier nos relations avec eux. En attendant, nous ne savons pas quel sera l’avenir de la Békaa, du Nord, du Sud, une terre que nous refusons d’abandonner. » Qu’à cela ne tienne, Michel Aoun, posé et réaliste, réaffirme, depuis une semaine, la nécessité de coordonner avec toute l’opposition plurielle, avec laquelle il rétablit tous les jours un peu plus les ponts. Ainsi, après Gabriel Murr, Solange Gemayel, Élie Karamé ou Chakib Cortbawi, avec lesquels il n’a cessé d’avoir de bonnes relations, le général a reçu récemment le secrétaire général de la Gauche démocratique, Élias Atallah, et doit s’entretenir aujourd’hui avec le PDG d’an-Nahar, Gebrane Tuéni. Sans oublier sa rencontre, prévue pour bientôt, avec le chef du PSP, Walid Joumblatt, dans la foulée de son entrevue avec le patriarche Sfeir. Une série d’entretiens qui devrait permettre au général Aoun de reprendre contact, de plain-pied, avec les milieux politiques libanais, en attendant de jouer, à partir de Beyrouth, son rôle de chef d’un courant politique national important. Sauf que... dès que Michel Aoun a annoncé son intention, il y a quelques jours, de retourner au Liban, le pouvoir s’est retrouvé, une fois n’est pas coutume, sens dessus-dessous. Et, après avoir laissé entendre que le général était le bienvenu, le camp loyaliste (ou du moins une partie) a changé d’avis. Le pouvoir n’a probablement pas vu le film des frères Lumière, L’arroseur arrosé : la tentative de manipuler le général Aoun pour frapper l’opposition a ainsi échoué, se retournant contre un cabinet désuni sur la question. Le ministre de la Justice, Adnane Addoum, a ainsi indiqué que l’ancien Premier ministre serait arrêté dès son retour, évoquant une nouvelle fois le dossier judiciaire de Michel Aoun et manifestant soudain un intérêt obsessif pour le respect des procédures. L’époque de la justice préventive à la « Minority Report » et des interrogatoires télévisés d’août 2001 est désormais révolue. M. Addoum aurait fait peau neuve... Fabuleux dossier que celui du général Aoun : fondé à l’origine, depuis 1990, sur une accusation de spoliation de fonds publics, aucun magistrat n’a jamais vraiment voulu assumer la responsabilité de l’examiner, par crainte, peut-être, de ne rien y trouver. Depuis le témoignage de Aoun devant une commission du Congrès américain en 2003 sur le rôle syrien au Liban, un deuxième dossier comporte des chefs d’accusation aussi divers et exotiques qu’« incitation aux haines confessionnelles », « propagation à l’étranger d’informations susceptibles de porter atteinte au prestige de l’État » et « usurpation d’une fonction officielle ». Un dossier dont le caractère politique, enrobé d’une parure de procédures, n’échappe à personne. À L’Orient-Le Jour, Michel Aoun a d’ailleurs affirmé hier : « M. Addoum empêche, depuis quinze ans, la justice de suivre son cours librement et camoufle, derrière la procédure, des prises de position politiques. C’est d’ailleurs lui qui a créé de toutes pièces ce deuxième dossier, alors que je n’ai fait qu’exercer mon droit à la liberté d’expression en tant que leader politique. Tout est calomnie, diffamation et dénigrement : il n’y a ni formules sectaires ni informations portant atteinte à l’État. Cela est purement politique. » Aujourd’hui, si l’ancien Premier ministre n’a pas été notifié selon la procédure pénale, la première séance du procès par contumace devrait être renvoyée à une date ultérieure. Mais, loin des procédures, elle pourrait également donner des indices sur les intentions du pouvoir, qui a bien courtisé Aoun ces derniers jours. Le juge peut en effet décider dès demain que « l’accusé » est innocent, tout comme il peut le condamner ou renvoyer la séance, « en attendant que la tension retombe ». C’est là l’option que privilégie par exemple le ministre Youssef Salamé, selon qui « il faut trouver une solution à ce problème », et qui ne partage pas l’opinion de Addoum en faveur de l’arrestation du général. Assem Kanso, apôtre du « syrianisme », privilégie lui aussi l’option d’un règlement, estimant que Aoun doit regagner le Liban et jouer son rôle politique. M. Kanso avoue comprendre l’attachement de Addoum aux règles. Il est toutefois conscient que, dans ce cas, « l’aspect judiciaire est purement formel » et que c’est une « décision politique » qui règlera le sort du général, lequel « doit quand même se présenter devant la justice ». Face à cette cacophonie officielle, toutes les options semblent possibles. Mais une certitude demeure. En continuant à user du procès Aoun comme d’une épée de Damoclès pour frapper l’opposition, le pouvoir ne fait qu’alimenter la tension et favoriser une crise interne qui desservirait aussi bien la Syrie que ses alliés loyalistes au Liban. D’autant qu’aux yeux de l’opinion publique et des chancelleries, Damas passe, à raison, pour avoir été le principal obstacle à la réconciliation nationale. Et le retour de Michel Aoun dans le cadre de la dynamique de l’opposition plurielle, antithèse du monolithisme imposé depuis des années par la Syrie au Liban, ne peut que gêner dans ce cadre, et plus que jamais, le tuteur syrien. Michel HAJJI GEORGIOU
Ses détracteurs les plus féroces l’ont longtemps assimilé à une figure « populiste » et « utopiste », digne des antihéros caricaturaux de Gabriel Garcia Marquez, dans le style de L’Automne du patriarche. D’aucuns, cyniques, ont même été jusqu’à dire que son exil forcé lui ferait « le plus grand bien », lui permettrait de « s’assagir », oubliant – volontairement ? –...