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Energie - La facture du combustible est à elle seule plus importante que les recettes de la compagnie Seulement 55 % de l’électricité produite par l’EDL lui est payée

Le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Maurice Sehnaoui, s’apprête à présenter au Conseil des ministres son plan pour la sauvegarde et le redressement du secteur de l’électricité, une mission prioritaire pour le gouvernement. Alors qu’elle est en situation de monopole et doit théoriquement réaliser des bénéfices, l’Électricité du Liban est en fait un gouffre gigantesque pour le Trésor. En 2004, son déficit a été de près de 400 millions de dollars. «L’Orient-Le Jour» a voulu comprendre la composition de ce déficit. Les difficultés financières de l’Électricité du Liban se résument à deux chiffres : côté recettes, seulement 55 % de l’électricité produite (et achetée) est payée ; côté dépenses, l’approvisionnement en fioul a coûté 900 milliards de livres en 2004, soit davantage que la totalité des recettes. En 2003, l’Électricité du Liban a produit 8893 giga-watts/heure d’électricité et a acheté 1 281 gW/h supplémentaires, ce qui représente un total de 10 174 gW/h destinés à la distribution. Cette quantité satisfait tout juste la demande locale grâce à un certain rationnement. Première anomalie, sur ces 10 174 gW/h, les pertes techniques sont estimées à environ 15%, et il ne reste effectivement que 8648 gW/h qui sont distribués. Ce niveau de pertes techniques est très élevé. Deuxième anomalie, l’énergie facturée ne porte que sur 6 320 gW/h et non pas sur les 8 648 gW/h distribués. La différence, ce sont ce que le jargon de l’EDL qualifie de pertes non techniques ou, en d’autres termes, le vol. Ce vol se fait de deux façons, soit par vol direct du courant par ceux qui se branchent sur le réseau et n’ont même pas de compteur, soit, pour ceux qui ont un compteur, par manipulation de l’appareil ou son « shuntage». En 2003, la facturation de 6 320 gW/h représentait un total de 889 milliards de livres. Cette année-là, 847 milliards de livres ont été effectivement encaissés, ce qui représente 95 % des sommes facturées. Ce résultat est à lire avec précaution, même s’il reflète les efforts importants réalisés par la compagnie pour améliorer le taux de collecte des factures. De fait, les 847 milliards de livres encaissés en 2003 incluent des sommes perçues au titre d’arriérés, dans le cadre d’une campagne de branchements menée par l’EDL. En pratique, 88% des factures ont été encaissées et le reste des recettes provient des arriérés ou des nouveaux branchements. Ainsi, 88% des 6320 gW/h ont été effectivement payés, soit 5 562 gW/h. Rapporté à la production totale (au sens large, c’est-à-dire 10 174 gW/h), ce résultat signifie que seulement 55% de la production de l’EDL est réellement payée. Pour 2004, selon les estimations de l’EDL, ce pourcentage est passé à 58 %, ce qui représente une petite amélioration. À moyen terme, il est toutefois possible de diviser le manque à gagner par deux si des efforts sont réalisés à deux niveaux : les pertes techniques et les pertes non techniques, sachant que le travail en cours au niveau de la collecte des factures produit déjà de bons résultats puisqu’en 2004, les factures encaissées représentent 92 % de l’énergie facturée, contre 88 % en 2003. Si on réduisait les pertes techniques à 10 % et les pertes non techniques à 10 %, tandis que le taux de collecte des factures avoisinerait les 96 %, on parviendrait à ce que 74 % de l’énergie produite soit effectivement payée, au lieu de 55 % aujourd’hui. Les pertes techniques Il est impossible de savoir avec exactitude quel est le niveau exact des pertes techniques, sachant que les frontières sont floues entre ces pertes-là et celles qui sont qualifiées de non techniques, c’est-à-dire le vol. Mais l’EDL estime les pertes techniques à environ 15 % de l’énergie produite totale. Ces pertes se font au niveau du réseau de haute tension, mais surtout au niveau des réseaux de moyenne et basse tension. Pour réduire celles liées à la haute tension, il faut achever la construction du réseau. Celui-ci n’étant pas encore « bouclé », il est difficile pour les centrales du nord du pays d’envoyer du courant dans le Sud et inversement. De plus, l’ensemble du réseau n’est pas assez stable. Seul un centre de dispatching national peut garantir la stabilité à travers l’optimisation des ressources en courant sur tout le territoire. Parachever le réseau peut se faire de façon rapide, à condition que les dernières expropriations nécessaires soient réalisées, même si certains tronçons seront plus rapides que d’autres. Avec le travail sur le réseau de distribution, une économie totale de l’ordre de 5 % à moyen terme serait possible, sachant que 1 % sur une facturation théorique de quelque 900 millions de dollars (qui correspond au chiffre d’affaires potentiel si tout est optimisé), c’est 9 millions de dollars. Les pertes techniques du réseau de moyenne et basse tension sont dues à l’énergie qui part en chaleur au lieu d’entrer dans les compteurs. Une partie de ce phénomène est incompressible. Mais, au Liban, les pertes sont largement au-dessus de ce seuil en raison de la mauvaise qualité des installations. Plus grave, les transformateurs et les postes de distribution à moyenne et basse tension ne sont pas optimisés en fonction de la densité de population : dans certains quartiers, un transformateur dessert trois fois plus d’immeubles que sa capacité théorique. Repenser le réseau de moyenne tension nécessite de gros investissements. Il faut créer de nouveaux postes de distribution et s’assurer de leur adéquation avec la demande, améliorer le réseau de câbles et améliorer le branchement des abonnés. Les pertes non techniques Les pertes non techniques représentent 20 à 22 % de la production totale, une exception toute libanaise : même dans les pays les moins développés, le problème du vol n’a pas cette acuité. Ces pertes correspondent en grande partie à des branchements illégaux, que le vol soit individuel ou organisé : dans certains quartiers, des groupes de personnes squattent un poste de distribution et revendent l’électricité aux habitants. Une autre forme de vol qui est très répandue, même s’il est difficile d’en mesurer l’ampleur : elle passe par le trafiquage de compteurs, c’est le vol assisté (par l’électricien du coin). La solution de ce problème est politique. À l’heure actuelle, les équipes de l’EDL ne sont pas en nombre suffisant pour faire face à l’ampleur de la tâche, et les Forces de sécurité intérieure affectées à cette mission sont également en sous-effectifs. Faute de sanction pénale, les amendes imposées n’ont pas d’effet dissuasif, car l’économie réalisée par le vol compense le paiement d’une amende. Le coût exorbitant des combustibles Le coût du combustible est le principal problème de l’EDL du côté des charges. La répartition des dépenses en 2004 permet de s’en rendre compte : le poste combustible représente 900 milliards de livres à lui seul, alors que les recettes en 2004 sont de 889 milliards de livres. Les autres postes de dépenses sont les salaires (110 milliards de livres) ; la maintenance, pour laquelle seulement 44 milliards de livres ont été dépensés, ce qui est insuffisant ; les frais généraux qui s’élèvent à 31 milliards de livres ; de même que les charges externes ; et les intérêts qui ont représenté 69 milliards de livres (sachant que le Trésor a payé directement 340 milliards de livres au titre du service de la dette de l’EDL). Quant aux dépenses d’investissements, elles sont de 117 milliards de livres, un chiffre largement en dessous des besoins réels. Même si toute une série de petits problèmes liés à la mauvaise gestion de la compagnie représentent autant de sources de gaspillage au niveau des dépenses, et qu’un effort de restructuration doit porter sur les charges, le personnel, l’exploitation de l’actif, etc., la véritable urgence pour la compagnie, c’est son problème d’approvisionnement. Si le baril de pétrole était resté aux alentours de 23-25 dollars, les efforts récents réalisés par l’EDL du côté de l’amélioration de la collecte auraient suffi à équilibrer les comptes. Avec l’envolée du pétrole, les combustibles pèsent d’autant plus lourd sur les comptes de la compagnie que le passage à l’alimentation au gaz ne s’est pas fait, alors que deux centrales, celles de Zahrani et de Beddawi, sont équipées pour fonctionner au gaz naturel. Au prix actuel du gasoil, c’est-à-dire environ 480 dollars la tonne, le coût du combustible représente à lui seul 8 cents par kW/h, alors que si les centrales tournaient au gaz, en prenant en compte l’amortissement des installations d’approvisionnement, ce coût serait ramené à 3 cents à Beddawi et à 3,5 cents à Zahrani. Au minimum, les coûts seraient divisés par deux. Ainsi, schématiquement, le raccordement de la centrale de Beddawi au gaz permettrait une économie de 120 à 130 millions de dollars par an. En passant les deux centrales au gaz, l’EDL réaliserait une économie de 250 millions de dollars par an. L’approvisionnement en gaz est donc prioritaire. Si la centrale de Beddawi devrait être connectée incessamment, en avril probablement, la terminaison du gazoduc pour raccorder la centrale de Zahrani nécessite trois à quatre années supplémentaires de travail. L’approvisionnement en gaz La Syrie peut fournir à court terme jusqu’à un maximum de trois millions de mètres cubes au Liban, ce qui couvre uniquement les besoins de Beddawi et de Zahrani, avec une extension à 6 millions à terme. Si la décision est prise de connecter le secteur industriel et d’adapter les autres centrales du pays au réseau gazier, les besoins seront de 6 à 7 millions de m3, voire de 15 millions de m3 d’ici à 20 ans. À long terme, il ne sera donc pas possible de se contenter du gaz syrien, et il faudra en acheter ailleurs, à travers notamment le gazoduc régional. L’interconnexion entre l’Égypte et la Jordanie est achevée, mais pas encore le tronçon Jordanie/Syrie ou le tronçon Irak/Syrie. L’alternative à ce gazoduc terrestre passe par la construction d’un terminal pour regazifier du gaz naturel liquide (GNL). Cette alternative a le mérite de fournir un complément d’approvisionnement et donc de limiter la dépendance du Liban par rapport à une seule source. Mais elle a l’inconvénient d’être chère : la construction d’une usine et d’une capacité de stockage coûterait pas moins de 400 millions de dollars et, au meilleur des cas, elle ne serait pas prête avant quatre ans, alors que les besoins sont urgents. Plutôt que de construire un terminal sur la terre ferme, il est possible d’en bâtir un off shore : une plate-forme au large des côtes libanaises à partir d’anciens méthaniers reconvertis. La solution a l’avantage d’être moins chère et plus rapide. Le recours à une plate-forme de GNL pourrait donc être conçue comme un complément à l’approvisionnement par gazoduc. Sibylle RIZK

Le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Maurice Sehnaoui, s’apprête à présenter au Conseil des ministres son plan pour la sauvegarde et le redressement du secteur de l’électricité, une mission prioritaire pour le gouvernement. Alors qu’elle est en situation de monopole et doit théoriquement réaliser des bénéfices, l’Électricité du Liban est en fait un...