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Liban - Interview

Mitri veut faire de Télé-Liban un organe de communication entre l’État et le citoyen

Le ministre de l'Information Tarek Mitri va présenter un plan de redressement de Télé-Liban. Dans un entretien avec « L'Orient-Le Jour », il expose les grandes lignes de ce projet de réforme qui prône « une télévision sobre, non partisane, un organe de communication entre l'État et le citoyen ».
Tarek Mitri est ministre depuis quatre ans. Avec les changements de gouvernements, il a occupé plusieurs ministères, l'Environnement, la Culture, les Affaires étrangères par intérim et depuis le début de juin dernier il est à l'Information.
Ministre de la Culture durant une période très difficile pour le pays, M. Mitri a pu malgré tout entamer et mettre en place plusieurs projets. Aujourd'hui, il s'atelle à la tâche de réformer la télévision publique. Il a également d'autres projets. C'est que Tarek Mitri ne veut pas se contenter de signer des papiers et ne peut pas baisser les bras. Il sait que le changement est difficile, mais il n'a pas le choix. « Dans le cas de Télé-Liban, c'est soit la réforme, soit la fermeture complète et l'on ne peut pas rester sans télévision publique », souligne-t-il dans un entretien avec L'Orient-Le Jour. Dans les semaines à venir, il proposera son projet de réforme et de redressement de la télévision publique en Conseil des ministres.
Cette reforme est « possible » et « jouable », dit-il, ajoutant : « J'ai passé l'âge de faire des propositions irréalisables. »
Pour réformer Télé-Liban, M. Mitri est parti d'un constat. Il dispose d'un audit de l'état actuel de la télévision, notamment en ce qui concerne les archives, l'équipement, le personnel et l'audimat. Ainsi, par exemple, selon une étude de Stat-Ipsos, Télé-Liban a entre 3,8 % et 4,3 % de l'audimat parmi les chaînes locales.
Dans sa présentation en Conseil des ministres, M. Mitri devrait donner des indications sur les résultats d'un sondage et d'une série d'entretiens qu'il a eus lui-même avec tout un éventail de personnes. « Le sondage et les rencontres confirment la demande d'une télévision publique, précise-t-il. Les gens veulent une télévision publique qui soit sobre, qui diffuse des informations précises, une télévision qui s'intéresse à la culture, à l'éducation, une télévision  non partisane, non passionnée, et une télévision qui puisse être un organe de communication entre l'État et le citoyen », dit-il.
Même si Télé-Liban a été parfois partisane, notamment lors des élections de 2000, et même si elle a été divisée entre Hazmieh et Tallet el-Khayat durant la guerre du Liban, M. Mitri tient à changer les choses.  
« Avoir une télévision non partisane dans un pays comme le Liban est peut-être un idéal difficile à atteindre, mais en termes relatifs, ceci est possible en respectant un code de déontologie professionnelle. Il est possible d'avoir une télévision moins partisane que ce qu'on a l'habitude de voir, plus sobre, qui n'a pas le goût du sensationnel, une télévision qui  véhicule une information  plutôt qu'une opinion », dit-il.
« Il y a une tendance dans ce pays, tant à la télévision qu'au niveau de la presse, de donner la priorité à l'opinion au détriment de l'information et de ne pas faire la distinction nécessaire entre l'information et l'analyse du journaliste. Tout cela, une télévision publique peut le faire », ajoute-t-il.

Rôle unificateur
Énumérant encore les raisons d'être d'une télévision publique ainsi que les propositions qu'il fera en Conseil des ministres, M. Mitri souligne qu'il « y a un besoin de communication - d'une manière interactive - entre les divers services de l'État et les citoyens. Un déficit existe à ce niveau et la télévision publique peut contribuer à le combler ».
Dans ce cadre, M. Mitri se souvient de la période où il était ministre de l'Environnement. À l'époque, Télé-Liban avait un programme avec une hotline. Les téléspectateurs pouvaient s'adresser par téléphone directement aux responsables. M. Mitri se rendait régulièrement aux locaux de la télévision et répondait en direct aux téléspectateurs. « Malheureusement, le programme a été suspendu. Je garde cela comme l'une des expériences les plus intéressantes de mon ministère parce que j'étais en contact direct avec les gens, dit-il.  Ce genre de programme est possible et utile. Il peut être réalisé avec peu de moyens, avec une ligne téléphonique et une caméra », ajoute-t-il.
Et de poursuivre : « Une autre idée qui semble intéresser beaucoup de gens est celle de porter un intérêt beaucoup plus prononcé aux régions. D'ailleurs, nous avons un programme à TéléLiban, baptisé Maraya el-Chamal (Les miroirs du Nord). Il connaît beaucoup de succès auprès des personnes de cette région. Ce programme montre les villages du Nord et les activités de la région. Cette dimension régionale unifie les Libanais, d'autant que Télé-Liban est relativement bien suivie en zone rurale pour des raisons techniques ; au Hermel et au Akkar, beaucoup de personnes suivent ses émissions », ajoute-t-il.

Les liens avec la diaspora
Télé-Liban réformée présentera des programmes culturels. « Aucune télévision locale ne présente de bons programmes musicaux, par exemple », constate le ministre de l'Information, soulignant que cette chaîne publique devrait aussi favoriser les liens avec la diaspora. À part sa diffusion terrestre, Télé-Liban diffuse par satellite. Elle est vue en Asie, en Europe et en Afrique via Arabsat et le Nilesat. « Les Libanais de l'étranger ne sont pas forcément intéressés par les querelles des politiciens, ils aimeraient voir un petit reportage sur les monuments historiques et archéologiques ou sur leur village d'origine », indique M. Mitri, notant qu'une « télévision doit avoir aussi une dimension ludique, elle doit divertir ». « Je ne suis pas pour une télévision triste, souligne-t-il. Mes propositions ne vont pas dans le sens d'une télévision trop sérieuse. Tout cela peut être fait avec une dimension de divertissement. Il y aura forcément des programmes de divertissement, mais avec un accent sur la production locale », ajoute-t-il.
Interrogé sur le budget actuel de la chaîne, le ministre de l'Information souligne qu'il « est dérisoirement bas. Il s'agit de sept milliards de livres par an pour 2009. L'année dernière, il était de cinq milliards de livres. Il est comparable au budget mensuel d'une télévision privée ».
À part ce budget voté en Conseil des ministres, Télé-Liban dispose de quelques rentrées provenant de la publicité et qui s'élèvent à environ un milliard et demi de livres libanaises. Dans ce cadre, Télé-Liban détient l'exclusivité de la publicité de la Loterie nationale qui rapporte 600 millions de livres par an. Il faut compter également les téléachats qui rapportent de l'argent.
« Afin de réformer la télévision publique, il faut augmenter son budget », souligne M. Mitri qui ne donnera pas de chiffre avant de présenter son projet en Conseil des ministres.

Publicité et archives
Avec le plan de réforme et de redressement de Télé-Liban, la chaîne devrait trouver divers moyens de financement. La publicité figure certes parmi ces moyens.
« Actuellement, notre part de la recette publicitaire est infime. Elle est de 1 %. Il faut que le redressement de la télévision s'accompagne d'une hausse de  recettes publicitaires. On ne peut pas le faire tout seul, mais avec l'aide d'une bonne régie que nous n'avons pas », souligne M. Mitri notant qu'en « 1996, Télé-Liban disposait de 40 % des recettes publicitaires. »
M. Mitri présentera en Conseil des ministres les moyens dont Télé-Liban dispose afin d'avoir des rentrées régulières. Il les rendra publics plus tard.
Interrogé sur la situation des archives de Télé-Liban, l'une des plus anciennes télévisions du monde arabe, et s'il est possible que ces archives génèrent des revenus, M. Mitri indique qu'une « partie des archives a disparu, elle a été perdue, vendue ou volée ». « Mais une autre a été préservée, précise-t-il. Nous disposons de 15 172 heures d'archives. Il s'agit de journaux télévisés et de programmes locaux. Nous n'avons pas d'inventaires. Une société a effectué un audit sur l'état actuel des archives, mais cette société a été incapable de donner une estimation de la valeur ou de la quantité de ce qui a été volé, pillé ou vendu. »
Et d'ajouter : « Ces archives doivent être inventoriées et digitalisées. Certaines doivent être restaurées. Une équipe d'une société privée sera chargée de ce travail. Par l'intermédiaire de Liban-Cinéma, nous avons eu une petite subvention européenne. Le travail a commencé, il a besoin d'être continué, et pour cela, il faut des moyens beaucoup plus importants », explique M. Mitri. Il indique également qu'il dispose « d'une étude de faisabilité dont il ressort qu'une fois restaurées, inventoriées et digitalisées, les archives de Télé-Liban sont monnayables ». « J'ai toute une série de propositions, par exemple des DVD que l'on pourrait produire et qui pourraient nous rapporter des montants assez importants ; c'est l'une des rentrées probables. »
M. Mitri compte également signer des accords avec des télévisions publiques étrangères pour diffuser certains de leurs programmes et pour profiter d'une assistance technique, notamment en matière de formation et d'équipements.

Dans l'immédiat
Concernant les délais de lancement de Télé-Liban, le ministre de l'Information souligne que la réforme de la télévision publique se fera en deux temps. « Il faut d'abord que l'État verse une contribution financière qui permette de mettre en branle le processus de redressement. Cela peut aller d'un à deux ans », dit-il.
Durant cette période, il faut prévoir notamment le renouvellement de l'équipement, l'inventaire et la digitalisation des archives, ainsi que la formation et le recrutement des employés. À une certaine époque, les employés de Télé-Liban étaient  de plus de 400 personnes. Aujourd'hui, ils sont au nombre de 174.  
À la fermeture de Télé-Liban en février 2001, des indemnités assez généreuses avaient été versées aux employés. Elles avaient coûté environ 35 millions de dollars à l'État. Deux mois et demi plus tard, Télé-Liban s'est remise à émettre et certains employés ont été à nouveau recrutés. Comme ils avaient été indemnisés, ils ont perdu leur ancienneté. C'est comme s'ils avaient été engagés en 2001.  Dans les sept milliards de livres du budget actuel, le salaire des employés de la chaîne occupe la partie la plus importante.
Pour en revenir à la première étape de redressement de Télé-Liban, qui devrait donc durer entre un et deux ans, le ministre de l'Information dispose de propositions réalisables sur cette échelle temporelle. « Il y a des choses que l'on devrait pouvoir commencer dans l'immédiat, notamment renforcer l'information, d'autant que nous sommes dans une période préélectorale ; Télé-Liban sera capable dès la semaine prochaine - indépendamment de l'audimat - d'appliquer strictement la loi électorale sur l'information et la propagande », indique M. Mitri, ajoutant que « la chaîne sera la première à s'engager à respecter scrupuleusement cette loi et donner l'exemple  sur ce plan ».
M. Mitri indique encore que la réforme de Télé-Liban « est un projet réalisable ». « Je n'aurais pas le temps de le réaliser moi-même, mais je vais le mettre en chantier. J'ai des propositions concrètes », souligne-t-il en conclusion.
Le ministre de l'Information n'est peut être pas optimiste par nature, mais il croit dur comme fer que si un bon projet est mis en place, il aura inévitablement une pérennité car personne n'aimerai détruire une chose qui réussit.
Tarek Mitri est ministre depuis quatre ans. Avec les changements de gouvernements, il a occupé plusieurs ministères, l'Environnement, la Culture, les Affaires étrangères par intérim et depuis le début de juin dernier il est à l'Information. Ministre de la Culture durant une période très difficile pour le pays, M. Mitri a pu...
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