Le Liban est peut-être l’unique pays au monde à avoir établi dès l’époque phénicienne des entrepôts partout où s’opéraient des échanges de marchandises. Les Tyriens sont ainsi cités dans la Bible comme de grands marchands de la terre « qui ont rassasié tant de peuples et qui ont enrichi les rois, qui ont amoncelé l’argent comme de la poussière et l’or comme la boue des rues » (Zacharie 9,3).
L’Égypte, dès l’Antiquité, entretenait ainsi des relations avec le Liban. À Memphis, alors capitale de ce grand pays voisin, se trouvait un quartier appelé « Camp des Tyriens », où le commerce était florissant entre les deux peuples. Au XVIIe siècle, un groupe restreint de Libanais, composé de chrétiens et de juifs, s’installa à Damiette (Dimyat) et à Alexandrie. L’Égypte venait de se réveiller avec l’expédition française de Napoléon Bonaparte et la révolution intellectuelle, politique et sociale qui en découla dans le pays, se basant sur l’importance du passé.
Les Libanais quittaient leur pays, soit pour améliorer leurs conditions de vie, soit parce qu’ils n’y trouvaient plus les aspirations auxquelles ils s’attendaient. En effet, du XVIIe siècle à la moitié du XIXe siècle, époque de la formation politique du Liban, la région était plongée dans les troubles avec la disparition de l’émir Fakhreddine en 1635. Partout les émirs et les cheikhs se querellaient, cette situation d’instabilité étant amplifiée par l’augmentation des impôts, les divisions entre les églises orthodoxes et catholiques nouvellement formées, en plus de l’oppression et de la persécution des Ottomans. Parallèlement, de l’extérieur venaient les incitations à la rébellion afin de monter les Libanais les uns contre les autres. Et ceci ne cesse d’être d’actualité.
Petit à petit, l’Égypte est devenue la première base du grand « Mahjar », perpétuant la globalisation libanaise. Les « chawwam » (damascènes, appellation des Syro-Libanais) se sont ainsi unis et ont contribué effectivement, avec les Égyptiens, au développement agricole, commercial et industriel du pays. Les Libanais, qui cherchaient les grands espaces de liberté et d’expansion des affaires, ont fait de l’Égypte leur tremplin vers les grandes villes portuaires d’Europe, comme Gênes, Marseille, Lisbonne, Manchester et autres, où ils ont formé des bases de repère pour commercialiser leurs produits entre l’Égypte et l’Occident. Ainsi, le renouvellement des entrepôts en Méditerranée et en Atlantique a permis aux émigrés libanais de recommencer à envoyer des biens et de l’argent à leurs parents restés au Liban, contribuant ainsi à reconstruire la nation libanaise. Malgré les distances, ils sont restés liés au « balcon du Moyen-Orient » qu’est le Liban, depuis l’Antiquité.
« Plus que jamais, disait Michel Chiha, l’avenir se présente aux Libanais sous le signe du mouvement… L’idéal, c’est de laisser le Libanais voyager à sa guise, mais en lui faisant un pays adapté à sa nature, un pays qui l’invite à ne point partir, et, sûrement, à revenir. »
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