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Diaspora

Liban-Afrique, ou comment l’Église maronite découvre son universalité

Une nouvelle stratégie pour rester en contact avec les fidèles à travers le monde
Suite au dossier publié le lundi 10 mars 2008 sur la communauté libanaise en Afrique occidentale, « L’Orient-Le Jour » poursuit cette semaine la couverture de la dernière visite pastorale du vicaire patriarcal maronite Guy-Paul Noujeim sur le continent noir, pour se pencher, cette fois, sur l’impact de l’immigration libanaise en Afrique sur l’identité de l’Église maronite.
« À travers vous, nous avons vécu et expérimenté l’universalité de l’Église catholique, non seulement à travers le rite latin, mais également le rite maronite. » C’est en ces termes que l’archevêque d’Accra, Charles Gabriel Palmer Buckle, s’est adressé à la communauté libanaise installée dans la capitale ghanéenne, à l’occasion de la célébration du jubilé de la paroisse Saint-Maron.
La communauté libanaise en Afrique est, en effet, plus que centenaire. Les Libanais, toutes confessions confondues, ont contribué activement au développement économique de ces pays. Son savoir-faire et son dynamisme ont forgé la réputation d’excellence de ce peuple, là où il s’est fixé.
Et, contrairement à ceux installés en Europe ou sur le continent américain, les Libanais travaillant en Afrique ont toujours le regard tourné vers le pays du Cèdre. « Nous nous rendons souvent au Liban, où nous dépensons l’argent que nous accumulons en Afrique. Nous construisons de belles maisons, espérant un jour retourner vivre là-bas. Notre retour est considéré comme l’aboutissement de notre réussite sociale, alors que beaucoup de Libanais vivant dans les pays occidentaux considèrent souvent qu’ils s’abaissent en retournant dans leur village natal », estime Jihad el-Hachem, un Libanais vivant au Ghana depuis une quinzaine d’années.
Parallèlement à ce fort sentiment nationaliste, les chrétiens libanais, et surtout la communauté maronite, ont su cultiver et conserver leur appartenance et leur affection à leur Église orientale. Comme un grand nombre de leurs compatriotes, l’identité confessionnelle des Libanais va de pair avec leur identité nationale. Parfois même, elle la supplante.
Alors que pendant longtemps, la recherche du gain fut le principal but de la diaspora libanaise en Afrique occidentale, le retour aux sources, notamment sur le plan spirituel, refait surface parmi les fidèles chrétiens. L’une après l’autre, les communautés chrétiennes dans les pays africains s’organisèrent, pour bâtir un lieu de culte, et firent appel au Liban, pour leur envoyer des prêtres.
En 2001, « les fidèles des Églises orientales résidant au Burkina Faso » ont décidé de créer « une paroisse maronite qui les regrouperait et leur donnerait la chance de prier selon la liturgie de leur rite oriental en langue arabe », affirme ainsi Jacques Zouein, le secrétaire général du comité paroissial. Quelques années auparavant, les fidèles de Kumasi, la deuxième ville du Ghana, décidèrent eux aussi de construire l’église Saint-Charbel. Aujourd’hui, ils souhaitent avoir un curé permanent pour s’occuper de leur paroisse. À Accra, la capitale ghanéenne, les Libanais ont réussi à reprendre l’église Saint-Maron délaissée pendant un certain temps au profit de l’Église locale.
Dans d’autres États d’Afrique occidentale, la présence des moines libanais, comme en Côte d’Ivoire et au Sénégal, a conforté la communauté chrétienne dans sa foi malgré certaines rumeurs insinuant une volonté des religieux de quitter les lieux.
Toutefois, dans beaucoup d’autres pays, comme au Mali ou au Niger, les fidèles libanais n’ont pas encore pu s’organiser en paroisses.
La visite pastorale du patriarche maronite Mgr Nasrallah Sfeir sur le continent noir au début du troisième millénaire a permis de stimuler les relations entre Bkerké et les fidèles libanais éparpillés en Afrique. En effet, depuis quelques années, l’Église maronite prend de plus en plus conscience du poids et de l’importance de la diaspora libanaise, devenue plus nombreuse que les résidents au pays du Cèdre. Les maronites ne sont plus confinés dans ce petit pays méditerranéen, mais sont désormais bien implantés en Europe, en Australie et sur le continent américain. Déjà, plusieurs générations de maronites sont nées hors du Liban et vivent sans avoir connu leur pays d’origine.
En Afrique, les fidèles de cette Église orientale ont également transmis leur héritage culturel et spirituel à la population locale. Les Togolais ont ainsi accueilli les reliques de saint Charbel en 2005. L’adoption du saint maronite se traduit même par l’existence d’églises et de bibliothèque portant son nom.
D’où l’émergence de besoins nouveaux auxquels l’Église maronite a dû faire face, l’obligeant à mettre au point une nouvelle stratégie pour rester en contact avec ses fidèles à travers le monde, afin de pouvoir jouer efficacement son rôle, désormais acquis, d’Église universelle.
Malheureusement, l’Afrique reste le maillon faible de ce réseau mondial. Les évêchés au Liban trouvent toujours des difficultés pour mobiliser de nouvelles vocations désireuses de se rendre sur ce continent. Les préjugés restent bien ancrés dans l’imaginaire libanais concernant la vie en Afrique. Par ailleurs, certains préfèrent ouvrir une paroisse ou un couvent dans les pays riches et industrialisés, plus rentables que les pays africains pauvres.
C’est dans ce contexte que le prêtre Francis Hobeika sillonne les pays d’Afrique occidentale à la recherche de ses concitoyens. Du Togo au Mali, en passant par le Niger, ce nouveau « Sindibad » maronite a passé des nuits à la belle étoile, pour visiter un village éloigné, ou une famille en difficulté.
Le vicaire patriarcal maronite Mgr Guy-Paul Noujeim raconte ainsi avec émotion sa rencontre avec un Libanais qui lui a déclaré : « Nous vous remercions parce que vous pensez à nous. »
Suite au dossier publié le lundi 10 mars 2008 sur la communauté libanaise en Afrique occidentale, « L’Orient-Le Jour » poursuit cette semaine la couverture de la dernière visite pastorale du vicaire patriarcal maronite Guy-Paul Noujeim sur le continent noir, pour se pencher, cette fois, sur l’impact de l’immigration libanaise...