
Vue des frappes israéliennes dimanche sur les auteurs de l’Iqlim al-Touffah. Photo fournie par Mountasser Abdallah
Une escalade verbale du Hezbollah, suivie d’une escalade (mortelle) de la part d’Israël... et le Liban officiel est pris entre les deux. Ce week-end, le parti chiite a sorti les griffes, son secrétaire général, Naïm Kassem, ayant annoncé samedi que sa formation « ne permettra à personne de la désarmer », à l’heure où le président de la République, Joseph Aoun, a juré que l’État allait récupérer cette année son droit au monopole des armes. En réponse, l’État libanais, par la bouche du président Aoun ou du Premier ministre Nawaf Salam, a campé sur ses constantes : le monopole des armes sans guerre civile. Quant à Israël, il a répondu dans le sang, menant dimanche une série de frappes sur le sud du Liban, les plus meurtrières depuis février.
Samedi, Naïm Kassem s’est dit prêt à participer à un « dialogue sur une stratégie de défense complète » (et non pas sur son désarmement), à condition qu’Israël « cesse ses attaques » contre le Liban et se retire du Sud comme le prévoit le cessez-le-feu en vigueur depuis le 27 novembre 2024. Il a estimé que « désarmer le Hezbollah par la force reviendrait à rendre service à l’ennemi et ne servirait qu’à créer des dissensions avec l’armée ». « Vous devez retirer le désarmement de votre vocabulaire », a martelé Kassem. « Nous ne permettrons à personne de désarmer la résistance, et ferons face et couperons la main de ceux qui s’en prennent à elle et veulent désarmer le Hezbollah, tout comme nous avons fait face à Israël. Il n’y aura pas de capitulation », a-t-il lancé.
Il a en outre souligné que l’accord de cessez-le-feu ne s’applique, en ce qui concerne le démantèlement des positions et armes du Hezbollah, qu’au sud du Litani, où l’armée libanaise continue de se déployer. La stratégie de défense « n’est pas liée au désarmement, mais constitue une discussion aux niveaux diplomatique, économique et militaire, sur une politique de défense complète ». Et de préciser que « seul le président Joseph Aoun peut définir comment et quand aura lieu le dialogue ». Vendredi, c’est Wafic Safa, responsable de l’unité de liaison (et homme fort de l’aile radicale au sein du Hezb), qui ouvrait le bal : « Ne serait-il pas logique que d’abord Israël se retire, libère les prisonniers, puis cesse ses agressions (au Liban), et qu’ensuite nous discutions d’une stratégie de défense ? » en réfléchissant « à la manière de protéger le Liban », a-t-il indiqué dans un entretien à la radio al-Nour (du Hezbollah). « Il n’est pas question de désarmement dans les discussions actuelles », a-t-il insisté.
Frappes israéliennes
Lundi, Hassan Fadlallah, député du Hezbollah, est revenu à la charge, estimant que le gouvernement devrait traiter d’autres dossiers plus « prioritaires » avant de se pencher sur la « stratégie nationale » de défense, alors que le cabinet de Nawaf Salam a examiné jeudi l’application de la résolution onusienne 1701 et de la récupération par l’État du monopole des armes. Il a souligné que « ces priorités sont au nombre de quatre : mettre fin aux attaques » israéliennes, « expulser » l’armée israélienne du territoire libanais, libérer les prisonniers du Hezbollah « capturés sur le champ de bataille » et reconstruire les villages détruits pendant la guerre. « Lorsque ces choses seront accomplies, nous pourrons parler d’une stratégie de défense afin de protéger la souveraineté de notre pays », a poursuivi Hassan Fadlallah. Et d’ajouter : « À l’heure où l’ennemi israélien continue de tuer, de s’infiltrer et de prendre notre pays pour cible, certains disent à la résistance : « Venez discuter de votre force et de vos armes », sans même condamner ce que l’ennemi fait. »
Pour sa part, Israël a répondu par le feu à cette surenchère. Dimanche, l’État hébreu a mené une série de frappes violentes sur différentes zones de la région de Nabatiyé et sur les hauteurs de l’Iqlim el-Touffah, selon notre correspondant au Liban-Sud Mountasser Abdallah. Ces bombardements ciblés, menés par des drones, ont éliminé deux membres présumés du Hezbollah, selon l’armée israélienne. Des bombardements ont visé des zones entre les localités de Bassalia et Jbaa (Nabatiyé), ainsi que sur les périphéries de Mlita et Jabal Safi (dans les hauteurs de l’Iqlim al-Touffah) et Sojod (Jezzine), après d’autres bombardements à Arnoun (Nabatiyé). Ces frappes, entendues jusqu’à Saïda, ont été décrites comme étant parmi « les plus violentes » depuis mi-février et ont fait un blessé, un militaire, à Arnoun. L’armée israélienne a en soirée revendiqué des frappes sur la région de Nabatiyé, contre des « plateformes de lancement de missiles et infrastructures militaires » du Hezbollah, où « se trouvaient des combattants ».
Plus tôt dimanche, deux personnes ont été tuées dans des frappes de drone de l’armée israélienne sur Kaouthariyet el-Siyyad et Houla. L’attaque sur la première localité a fait un tué, Hussein Ali Nasr, et deux blessés. L’armée israélienne a identifié Nasr comme étant « responsable adjoint de l’unité 4400 du Hezbollah ». « Nasr a travaillé dans la contrebande d’armes et d’argent vers le Liban pour renforcer les capacités militaires du Hezbollah. Il a travaillé avec des parties iraniennes à transporter des armes et de l’argent au Liban via l’Aéroport international de Beyrouth », a indiqué Avichay Adraee, le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, sur X. Nasr aurait également été impliqué dans la contrebande d’armes à la frontière libano-syrienne, selon l’armée israélienne. L’armée israélienne rappelle avoir éliminé, lors de la guerre de treize mois avec le Hezbollah, le leader de l’unité 4400, Mohammad Jaafar Kassir, et son second, Ali Hassan Gharib. À Houla, une frappe de drone a visé la cour d’une maison, selon notre correspondant. Ce tir a éliminé, d’après l’armée israélienne, « le responsable de l’unité du génie du Hezbollah ». Le parti chiite, lui, n’a jusqu’ici pas commenté.
Amal « derrière l’État »
Dans ce contexte tendu, le Liban officiel joue encore au pompier, réaffirmant son attachement au monopole des armes aux mains de l’État et à la paix civile. Ainsi, si le président Aoun a qualifié dimanche depuis Bkerké – où il participait à la messe pascale – le désarmement du Hezbollah de question « délicate », il a réaffirmé qu’il sera « mis en place ». « Il faut attendre que les circonstances le permettent », a-t-il ajouté, estimant que cette question ne devrait pas être débattue à travers les médias ni dans la provocation, dans une pique au Hezbollah. « Ce que j’ai dit dans mon discours d’investiture à propos du monopole des armes n’était pas des paroles en l’air », a-t-il lancé, tout en réitérant son appel au dialogue, à l’heure où des pourparlers bilatéraux entre Baabda et Haret Hreik auraient été lancés. Nawaf Salam a rappelé, lui, que « l’État libanais est seul maître de la décision de guerre et de paix, et la seule partie autorisée à posséder des armes ».
De son côté, le président du Parlement, Nabih Berry, a accusé lundi Israël de vouloir « perturber l’engagement sérieux du pays à mettre en œuvre le cessez-le-feu ». M. Berry a affirmé avoir « suivi l’évolution de la situation sur le terrain dans le Sud à la lumière de l’agression continue d’Israël », selon un communiqué relayé par l’Agence nationale d’information. Samedi, le mouvement Amal qu’il dirige a célébré la commémoration du massacre de Cana, lorsque le 18 avril 1996, l’armée israélienne avait bombardé une base de la Force intérimaire de l’ONU au Liban-Sud (Finul) dans laquelle s’étaient réfugiés des civils. Plus de 106 civils avaient alors été tués.
Pendant la commémoration, le responsable local du mouvement, Ali Ismaïl, a souligné l’importance de « se ranger derrière l’État, le gouvernement et l’armée ». La phase que traverse actuellement le Liban, dont plusieurs positions sont toujours occupées par Israël, est « une occasion pour les institutions de l’État de remplir leur devoir et de faire pression sur l’ennemi israélien pour qu’il se retire de notre terre, que nous ne permettrons pas de rester sous occupation », a-t-il souligné. Il a insisté sur le fait que le mouvement Amal n’était pas « une alternative à l’État », ajoutant que lorsque l’ancien dirigeant du mouvement Moussa Sadr avait fondé Amal (en 1974), c’était en raison de « l’incapacité de l’État à défendre son peuple, la terre libanaise et son Sud, et à assumer pleinement ses responsabilités ». « Depuis que l’État a annoncé sa volonté de remplir son devoir, nous attendons qu’il le fasse ainsi que toutes ses institutions », a-t-il ajouté.
Naïm Kassem, Walid Joumblatt : les piques, peu diplomatiques, d’Ortagus
Morgan Ortagus fait de nouveau parler d’elle au Liban... L’émissaire américaine a indirectement critiqué samedi le niet du secrétaire général du Hezbollah, Naïm Kassem, à un « désarmement » de son parti. « Bâillement » (yawn), a-t-elle écrit sur X, en rediffusant une publication d’un ressortissant et activiste israélien résidant à New York qui reprenait les propos de Kassem sur le sujet lors de son dernier discours un peu plus tôt. La diplomate avait estimé, au lendemain de sa récente visite à Beyrouth, que « le Hezbollah est comme un cancer qu’il faut éradiquer si l’on veut que le Liban guérisse ».Dans un autre « coup d’éclat » qui a aussi été beaucoup commenté sur les réseaux sociaux, l’émissaire américaine s’en est prise, dans un second message sur X samedi, au leader druze Walid Joumblatt. Répondant à une publication de l’analyste David Daoud de la « Fondation pour la défense des démocraties » basée à Washington, qui reprenait des extraits d’un entretien de l’ex-chef du Parti socialiste progressiste, Mme Ortagus a commenté : « Le crack (la drogue, NDLR), c’est mauvais, Walid. » Dans son entretien, M. Joumblatt réagissait aux conditions posées par l’émissaire US pour le déblocage d’aides au Liban, estimant que la position américaine pourrait conduire le pays vers la guerre civile. Le chef druze a aussitôt répondu en recourant à l’un de ses jeux de mots pour lesquels il est célèbre. Sur X, il s’est référé au film américain des années 1960, The Ugly American, qui critique les échecs de la diplomatie américaine à cette époque, en ajoutant le mot-clé Morgan Ortagus. Le post était accompagné d’une image d’un soldat enlacé par un squelette en uniforme.
La responsables du Hezbollah qui crient haut et fort !La raison est simple ils sont planqués en Iran et il faut bien crier pour qu’on les entende !non?
04 h 27, le 23 avril 2025