Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Les droits de l’homme

C’était il y a plus de soixante-dix ans : la Déclaration universelle des droits de l’homme fut adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU, à Paris, le 10 décembre 1948. On sortait de la guerre, de la barbarie, de l’horreur. Il s’agissait d’empêcher que le pire recommence. Si tous les États s’y mettaient, pensait-on, les droits de l’homme finiraient bien par l’emporter. De là, cette déclaration solennelle, qui fut adoptée à la quasi-unanimité (48 votes pour, aucun vote contre, 8 abstentions). C’est une date importante, par l’engagement commun, pour la première fois dans l’histoire, de tant d’États différents. Mais un engagement, même solennel, ne tient pas lieu d’action. Si tous les États respectaient les droits de l’homme, aurait-on encore besoin d’une déclaration universelle ? Et à quoi bon cette déclaration si les États ne la respectent pas ?

Soixante-dix ans et quelque plus tard, l’horreur n’a pas disparu. Il y a eu des guerres, des massacres, des génocides. Souvenez-vous de l’Indonésie, de l’Algérie, du Biafra, du Vietnam, du Cambodge, du Rwanda, de la Palestine... et la liste est longue. L’esclavage même n’a pas totalement disparu. Et l’on torture presque quotidiennement dans plusieurs des États qui ont adopté cette déclaration universelle interdisant la torture.

Le droit n’est rien sans la force, ni une déclaration sans les moyens de la faire appliquer. Rien ? Pas tout à fait pourtant. Disons que ce n’est qu’un idéal. Et un idéal, malgré tout, ce n’est pas rien. C’est un but pour l’action. C’est une norme pour la réflexion. C’est pourquoi nous en avons besoin : parce qu’il s’agit de penser et d’agir.

Les droits de l’homme ? Ce sont ces valeurs universelles, ou en tout cas universalisables, qui nous permettent de vivre ensemble. Que tous les humains soient égaux en droits et en dignité, bien sûr sans distinction de sexe, de race ou de religion, ce n’est pas le principe d’une culture contre d’autres. C’est le principe commun qui peut permettre à toutes les cultures qui l’acceptent de coexister en se respectant. Principe d’humanité, ou l’humanité comme principe.

Principe éternel ? Pourquoi le serait-il, puisque l’humanité ne l’est pas ?

Que les droits de l’homme soient un produit de l’histoire – non de l’absolu, donc, du relatif –, cela ne les annule pas. C’est au contraire ce qui leur permet d’exister. Où commencent-ils ? Où s’arrêtent-ils ? C’est aux humains d’en décider. Les droits de l’homme ne sont pas une religion révélée. Ce n’est pas une religion du tout : juste une espèce de morale minimale, mais juridiquement exprimée, sur quoi la plupart des humains, après tant et tant de millénaires, sont à peu près d’accord. On aurait tort de faire la fine bouche. Ce consensus, même partiel et fluctuant, ne saurait à lui seul tenir lieu de civilisation. Mais c’est mieux que rien, et beaucoup mieux que le pire.

Marx reprochait aux droits de l’homme, tels qu’ils étaient déjà énoncés par les Constitutions françaises de 1789 et 1793, de ne représenter que « les droits du membre de la société bourgeoise », autrement dit que les droits de « l’individu égoïste et indépendant ». C’était faire trop de crédit à la bourgeoisie qui n’a inventé ni l’égoïsme ni l’indépendance. Et trop peu à l’humanité. Que le droit à la liberté, à la propriété, à la sûreté, ce sont les exemples de Marx, puissent être les droits de l’individu égoïste, soit. Mais cela ne les disqualifie pas, puisque égoïstes nous sommes en effet. N’attendons pas que l’humanité soit composée de saints pour reconnaître des droits égaux à tout homme et à toute femme. Ni que nous n’ayons plus besoin du droit (parce que l’amour et la générosité régneraient) pour imposer son respect.

Que nous ayons droit aussi à l’égoïsme, c’est ce qu’il faut rappeler contre tous les totalitarismes, qui veulent toujours que l’individu se sacrifie pour le groupe. Mais que tout être humain y ait droit autant que moi, c’est ce qu’il faut rappeler contre l’égoïsme lui-même. C’est la « règle d’or » de la morale : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. »

Par quoi l’égoïsme mène à l’universel : c’est le secret du droit et de la morale.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

C’était il y a plus de soixante-dix ans : la Déclaration universelle des droits de l’homme fut adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU, à Paris, le 10 décembre 1948. On sortait de la guerre, de la barbarie, de l’horreur. Il s’agissait d’empêcher que le pire recommence. Si tous les États s’y mettaient, pensait-on, les droits de l’homme finiraient bien par...
commentaires (1)

Et avec Trump ou on est ?

Eleni Caridopoulou

16 h 11, le 21 janvier 2025

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Et avec Trump ou on est ?

    Eleni Caridopoulou

    16 h 11, le 21 janvier 2025

Retour en haut