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Lifestyle - Gastronomie

De Aïn el-Remmané à Paris, Jabbour, un concept d’épicerie-traiteur aux parfums du Liban

Créée par Élie Obeid, « Jabbour by Kachmir » s’est installée aux abords de Paris, à Levallois-Perret en 2019. À l’origine du projet, un souvenir d’enfance à Aïn el-Remmané pendant la guerre.

De Aïn el-Remmané à Paris, Jabbour, un concept d’épicerie-traiteur aux parfums du Liban

Élie Obeid, heureux devant son épicerie parisienne. Photo DR

Dans le quartier commerçant animé de la ville de Levallois-Perret, qui jouxte le 17e arrondissement, l’épicerie-traiteur Jabbour by Kachmir ne désemplit pas. Le logo arbore un boulanger débonnaire et avenant, avec une précision : la tradition libanaise. De l’autre côté de la vitrine tout est en place pour confectionner les différentes galettes traditionnelles libanaises ainsi que des sandwiches. Sur le présentoir, une déclinaison prolifique de mezzés. Quelques tables entourent le four, une proximité qui invite aux conversations spontanées entre clients, orchestrée par l’énergie contagieuse et naturelle de son propriétaire, Élie Obeid. Sur des étagères bien garnies, un certain nombre de produits emblématiques, des biscuits Unica, des pistaches, les préparations pour les jellos de notre enfance, des olives… Le parti pris n’est pas celui du haut de gamme, mais plutôt celui de produits « couleur locale » qui évoquent notre enfance, de qualité et abordables.

La mémoire de la guerre

« J’ai eu l’idée d’une épicerie à… neuf ans, pendant la guerre civile en 1990. Je me suis lancé dans le commerce en achetant des aliments chez des grossistes que je revendais dans le jardin de mes parents à Aïn el-Remmané. J’ai grandi dans un milieu modeste et l’épicerie de notre quartier était très chère. Mon système de revente a rapidement eu du succès. Après la guerre, beaucoup de gens se sont appauvris et j’ai continué cette activité plusieurs années pendant les vacances. J’ai commencé à vendre des biscuits Unica, du Pampa, du Top Juice, puis des boissons gazeuses, des cigarettes, des conserves… Parfois j’organisais des tombolas pour les enfants du quartier. Ce que je voulais surtout, c’était aider mes parents », explique-t-il simplement. À l’âge de 14 ans, le père d’Élie Obeid décède. Il doit travailler tout en suivant une formation d’hôtellerie à Ajaltoun. « J’ai été serveur et commis, dans différents restaurants et boîtes de nuit, comme Mister Lee et Bunkers. En 2004 je décide d’ouvrir mon propre restaurant Chez Cacho à Aïn el-Remmané. » L’aventure est de courte durée, interrompue deux ans plus tard. « Je me suis embarqué pour le Qatar. Je devais rembourser mes dettes d’investissement », se souvient l’entrepreneur. En 2008, il tente de relancer son restaurant. Cette fois-ci, le député Antoine Ghanem est tué près de chez lui et il doit à nouveau fermer l’établissement.

Pour poursuivre une carrière qui n’arrive pas à démarrer en raison de tristes circonstances, il devient directeur des opérations pour la société Market Line et reprend ses voyages professionnels dans les pays du Golfe. « Dans ce cadre, j’ai représenté le Liban au Qatar en 2009 pour réaliser le plus grand sandwich du monde, un submarine de deux kilomètres, et le plus grand bol de pâtes de quatre tonnes, aujourd’hui répertorié dans le Guinness Book », poursuit fièrement le restaurateur, qui finit par prendre en 2011 la décision de quitter le Liban au moment de construire une famille.

Jabbour by Kachmir, une histoire plurielle

« Je ne voulais pas que mes enfants aient le même parcours que le mien au Liban, d’où mon départ pour la France. Je suis arrivé avec 100 dollars et j’ai démarré à zéro. J’ai essuyé beaucoup de refus, comme à Hippopotamus, à cause de mon accent ou de mes origines. J’ai travaillé comme serveur, puis à la caisse, dans différents restaurants parisiens, dont le Rimal. En janvier 2013, j’ai créé une microentreprise de conseil dans la restauration », enchaîne-t-il vivement. Depuis, il a déjà participé à plus de 20 projets en France, jusqu’à ce qu’il imagine pour un investisseur le concept Jabbour, à Menton, à la frontière italienne. « On a cartonné là-bas, mais l’investisseur a souhaité arrêter en 2017. En 2019, j’ai ouvert Jabbour à Levallois », se souvient-il. À cette époque, il entame une parenthèse de légèreté et lance en juin 2018 le premier Festival du Rire libanais à Paris, au Seven Spirits, dans le 1er arrondissement. « J’ai fait venir Gaby w Chady Comedy Show, mais aussi des chanteurs, des musiciens, des comiques… » précise-t-il joyeusement.

Et contrairement à qu’il pourrait suggérer, Jabbour n’a rien à voir avec un patronyme ou avec les restaurants Jabbour du Liban et de Dubaï. « Ce nom vient de jabbir, qui signifie courageux. Il fait référence à un personnage emblématique de la famine au Liban pendant la Première Guerre mondiale. On raconte qu’un certain Youssef a pris le risque de livrer du blé pour que les gens puissent faire du pain, on l’appelait Jabbour. Kachmir, c’est le surnom de mon père. Pendant la guerre, il portait un jour un pull en cachemire, et ses amis ont commencé à l’appeler ainsi. À sa mort on m’a attribué ce sobriquet. Mon père l’aimait car il ne marque pas la religion, et il n’aimait pas faire des différences entre les gens », précise Élie Obeid.

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Le concept de Jabbour by Kachmir, qui n’a rien d’indien, rassemble plusieurs paramètres : « Tous les ingrédients qui se trouvent dans nos sandwiches sont faits maison, et ils ne sont pas chers. Depuis notre ouverture, nous essayons d’aider nos clients et notamment les étudiants. Au moment du Covid, il y a eu des pénuries de biens de première nécessité, j’ai vu que certains commerçants en profitaient pour augmenter leurs prix, ça a réveillé mes souvenirs de la guerre. J’ai choisi alors d’offrir des livraisons gratuites en Île-de-France pour les personnes âgées. C’est à cette époque que j’ai ajouté le côté épicerie à ma boutique », raconte Obeid. « Jabbour, c’est l’ambiance d’une petite dekkéné au Liban. On y trouve les produits les plus communs et les plus emblématiques du pays : du café Najjar et Super Brasil, différents biscuits, du kaak, des épices Abido, de la bière Almaza, des conserves de marques locales, des produits artisanaux », explique-t-il. « Notre clientèle est multiple, des Levalloisiens mais aussi des Libanais de toute l’Île-de-France, qui ont recours à nous pour des événements. Nous proposons également des livraisons de produits frais, ce qui a beaucoup de succès, notamment la labné maison. Mais, regrette-t-il, le marché est saturé dans la région et je suis en train de monter un projet pour installer un second Jabbour dans le sud de la France. La demande y est très forte. »

Pour Élie Obeid, le plus important c’est de ne jamais oublier les moments où il a été dans le besoin, et il n’a rien oublié. Ces souvenirs teintés de mélancolie sont devenus le moteur de ses activités. « Mon arrivée en France a été un moment très difficile pour moi. Je me souviens avoir pleuré le soir en errant dans les rues. J’essaye d’aider ceux qui sont dans le besoin, mais je regrette que de nombreux milliardaires libanais ne le fassent pas », conclut-il sans ambages.

Jabbour by Kachmir, 34 rue Jean Jaurès, Levallois-Perret 92300.

https://jabbourtraiteur.com/

Instagram : https://www.instagram.com/jabbourtraiteur/?hl=fr

Dans le quartier commerçant animé de la ville de Levallois-Perret, qui jouxte le 17e arrondissement, l’épicerie-traiteur Jabbour by Kachmir ne désemplit pas. Le logo arbore un boulanger débonnaire et avenant, avec une précision : la tradition libanaise. De l’autre côté de la vitrine tout est en place pour confectionner les différentes galettes traditionnelles libanaises ainsi...
commentaires (3)

Merveilleux parcours ! Quelle fierte! Bravo Elie !

Monique Haddad

09 h 06, le 06 janvier 2025

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Commentaires (3)

  • Merveilleux parcours ! Quelle fierte! Bravo Elie !

    Monique Haddad

    09 h 06, le 06 janvier 2025

  • Magnifique enseigne avec un service de livraison performant en France et en Europe pour des produits de qualité.

    Farandole

    11 h 05, le 04 janvier 2025

  • Je confirme. Je suis client permanent chez jabbour depuis un moment .Une adresse que les libanais de France devraient connaître. Il aide énormément les jeunes étudiants en cette période de crise .économique. Il assure de « délicieux plats du jour » et livre toute la france. À conseiller et à encourager vivement.

    LE FRANCOPHONE

    03 h 27, le 04 janvier 2025

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