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Économie - Transparence financière

Le Liban à nouveau sur la « liste grise » du GAFI

Huit ans après avoir été désinscrit de cette liste, le Liban est désormais placé sous « surveillance renforcée » avec un délai de deux ans pour appliquer les réformes nécessaires.

Le Liban à nouveau sur la « liste grise » du GAFI

Une des réunions de travail du GAFI en octobre 2024. Photo tirée de la page Facebook du GAFI

Huit ans après avoir été désinscrit de la « Liste grise » du Groupe d’action financière (GAFI), l’organisation qui fixe les standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, le Liban en crise, entraîné depuis un an dans une guerre contre Israël, se retrouve à nouveau sur cette liste et est désormais placé sous « surveillance renforcée ». Le Premier ministre a commenté cette décision dans la soirée en adoptant un ton rassurant et en assurant que « les relations du Liban avec les banques correspondantes ne seront pas affectées ».

La décision a été annoncée lors de la conférence de presse du GAFI à Paris, à l’issue d’une de ses trois réunions plénières annuelles – avec celles de février et de juin –, qui clôturait une semaine de réunions de travail périodiques, et qui se tenaient pour la première fois sous la présidence d’Elisa de Anda Madrazo, nouvelle présidente de l’organisation depuis le 1er juillet, pour un mandat de deux ans. En plus du Liban, l’Algérie, l’Angola et la Côte d’Ivoire ont été ajoutés à la liste des pays placés sous « surveillance renforcée ».

S’il en avait été sorti en 2016 après y être resté pendant 15 ans, et ce notamment après avoir adopté une série de lois renforçant les pouvoirs de sa Commission spéciale d’investigation (CSI), compétente pour enquêter sur les crimes financiers, le Liban n’aura finalement pas pu profiter d’un an et demi de sursis dont il a pu bénéficier pour se mettre à jour, suite à une évaluation négative faite en 2022, trois ans après le début de la grave crise économique toujours en cours.

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« Sortir le Liban le plus vite possible de la liste grise »

Certains observateurs espéraient que cette période de sursis serait prolongée alors que le Liban subit une intensification de l'offensive militaire israélienne qui provoque un début d'effondrement de l'économie nationale, selon le PNUD.

Pour ne plus se retrouver « sous surveillance », un pays doit, selon le GAFI, « mettre en œuvre tous, ou la majorité, des éléments de son plan d'action ». Celui du Liban a été élaboré par le GAFI et la CSI. Une fois que le GAFI estime que cela a été fait, il dépêche ses experts sur place pour confirmer la mise en œuvre de toutes les réformes nécessaires. Passée cette étape, et si les constatations sont positives, l'organisme peut alors décider de retirer le pays concerné de cette liste lors de sa prochaine réunion plénière.

Dans ce cadre, Karim Daher, avocat fiscaliste et membre de l'Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic), estime qu’il « faudra mettre en œuvre tous les moyens qui sont à la disposition du Liban pour sortir le plus vite possible de cette liste grise ». Une source financière précise à l’agence Reuters que le GAFI, tenant compte de la guerre actuelle, a décidé de « donner au Liban jusqu'en 2026, au lieu de 2025, pour résoudre les problèmes qui ont conduit à son inscription sur la liste grise, notamment les préoccupations concernant le financement du terrorisme et le manque d'indépendance de la justice ».

En décembre 2023, dans une évaluation intermédiaire, les experts du GAFI considéraient que les mesures prises par le Liban pour se conformer à ses demandes étaient en majorité jugées acceptables. Ils avaient en parallèle demandé que des efforts soient déployés, notamment en matière de coopération internationale, ou au niveau des procédures d’identification des « vrais » bénéficiaires de transactions ou de sociétés dans un pays où le secret bancaire existe encore malgré les aménagements votés ces dernières années. « Le manque de recoupement à l’heure qu’il est des informations entre les différentes institutions qui recueillent des données liées aux bénéficiaires effectifs des droits (Ultimate Beneficial Owners ou UBOs) dans les diverses transactions ou structures, empêche la vérification et la validation de l’identité réelle de ce bénéficiaire », précise Karim Daher.

C’est à ce niveau-là que le Liban affichait encore de nombreuses lacunes. Mais depuis, « pas grand-chose n'a été fait », indique un expert, sous couvert d’anonymat. « De nombreux acteurs économiques libanais, notamment des notaires, des avocats, des experts comptables, des intermédiaires immobiliers ou encore des bijoutiers, n’ont pas répondu aux exigences du GAFI, malgré les nombreuses relances effectuées par le Conseil des ministres, interlocuteur de cet organisme international », explique-t-il. « Tous ces acteurs savaient que cela aurait pour résultat la réinscription du Liban sur cette liste grise. »

Selon, Mohammad Almoghabat, directeur régional de l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme, spécialisé dans les questions liées à la gouvernance et à la lutte contre le blanchiment d’argent, placer le Liban sous « surveillance renforcée » pourrait constituer « une mesure positive ». « Cela pousserait les autorités libanaises à agir rapidement et mettre en place les réformes nécessaires », estime-t-il.

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Mettre fin aux relations avec les banques libanaises ?

L’inscription sur la liste grise pourrait pousser une partie ou l’intégralité des banques correspondantes étrangères qui traitent encore avec le Liban à mettre fin à leurs relations avec le secteur bancaire libanais. Une démarche qui s’inscrit dans une « stratégie de de-risking » afin de limiter les coûts additionnels liés au renforcement des procédures de vérification supplémentaires qui seront nécessaires pour s’assurer de la conformité de chaque transaction.

Ce renforcement des procédures entraînera aussi une lourdeur administrative dans l’objectif d’assurer un processus de due diligence (vérifications d’usage du profil des clients des banques) plus poussé et pourrait lui aussi décourager certains acteurs internationaux de traiter avec des clients libanais. Selon Mohammad Almoghabat, certains d’entre eux pourraient aussi décider de répercuter ces complications sur les prix des marchandises vendues au Liban.

Dans ce cadre, il expliquait en juillet qu’un passage sur la liste grise risque d’influencer à court terme les décisions de tous les particuliers et les entreprises qui travaillent avec le Liban. « Le de-risking pourrait ainsi avoir des conséquences sur l’industrie, l’import-export, ou encore l’immobilier. Certains acteurs pourraient alors décider de réduire ou reporter leurs engagements au Liban, voire se désengager du pays, explique-t-il. Mais cela reste du cas par cas et ne peut pas être généralisé à tous les acteurs économiques. »

Dans un communiqué publié par le Grand Sérail dans la soirée, le Premier ministre sortant Nagib Mikati a déclaré que « l’inscription du Liban sur la liste grise du GAFI est une étape attendue, compte tenu des circonstances qui ont entravé l'adoption des législations et des réformes financières nécessaires ». Il a également souligné que « le Liban a réalisé des avancées significatives dans plusieurs des mesures recommandées par le rapport d'évaluation mutuelle » et que « des dispositions ont été mises en œuvre dans son secteur financier, avec l’émission des circulaires requises pour les banques et les institutions financières. »

« Même si cette classification a des implications, cela signifie que les relations du Liban avec les banques correspondantes ne seront pas affectées par cette situation », a-t-il assuré.

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