Il a choisi le bout du monde, à l’autre bout de son monde, à plus de 20 000 kilomètres du Liban, pour s’y installer en 2017. Dans ce petit bout de paradis, la Polynésie française, Omar Khalil est heureux. Il y développe son entreprise de traiteur et chef à domicile où il insuffle des traditions libanaises dans une culture très éloignée, ravie de découvrir nos mezzés et autres plats locaux.
Le chef libanais, né en France, a posé ses valises à Bora Bora, dans ce pays d’outre-mer qui fait partie de la France. Célèbre pour ses lagons bleu turquoise qui rejoignent le ciel et ses plages paradisiaques à perte de vue, il restait à ce paradis de découvrir la gastronomie libanaise concoctée par un Libanais. C’est chose faite.
« J’ai travaillé durant 20 ans dans l’hôtellerie de luxe à Paris, et puis j’ai été recruté au Conrad, à Bora Bora. Je suis ensuite allé à l’hôtel Le Brando à Tetiaroa, un atoll de Polynésie », explique le Franco-Libanais de 31 ans. Nous sommes en 2019, Omar Khalil décide de faire découvrir à ses amis polynésiens un aspect de son identité : la cuisine libanaise.
Rien pourtant ne le prédestinait à la cuisine. Le jeune chef, qui a grandi à Paris, « dans un quartier libanais », précise-t-il, s’est d’abord orienté vers le commerce international. Pour payer ses études, il fait des extras dans le milieu de l’hôtellerie et de la restauration pour, finalement, se décider à faire carrière dans ce domaine.
D’abord commis de room service, puis majordome au George V à Paris, Omar Khalil quitte ce milieu pour se glisser en cuisine. Lui qui ne connaissait rien à ce domaine, mais avait gardé en mémoire le goût des plats maternels teintés du soleil méditerranéen, confie : « Alors que j’étais en poste à Tetiaroa, j’ai voulu faire découvrir cette cuisine à mes amis. » Durant quelques jours de vacances sur l’île de Huahine, un autre coin paradisiaque de Polynésie tellement éloigné, il leur concocte quelques plats bien libanais. L’opération séduction-dépaysement fonctionne immédiatement. « Avec du riz, de la viande hachée et du poulet, le fameux rez a djej, et du houmous, ils étaient ravis. Ils disaient que ce genre de cuisine manquait au fenua, au pays. C’est resté dans un coin de ma tête. Ils me disaient aussi, dans leur langue : “On est fiu (« fatigués ») de toujours manger les mêmes choses ici… ” Leurs remarques m’ont ouvert les yeux sur un besoin dans le domaine. »
Cette même année, le globe-trotter prend la direction d’un autre pays d’outre-mer français : la Nouvelle-Calédonie. Là-bas, ravi et fier, Omar enchaîne les appels WhatsApp avec sa mère pour qu’elle partage avec lui ses meilleures recettes et ses conseils. « Je ne savais absolument pas cuisiner, même pas couper une tomate ! » dit-il en riant. Il reprend alors les bases élémentaires des plats libanais : houmous, shish taouk et mouttabal. Il a d’abord dans l’idée de se lancer en tant que traiteur à son compte là-bas. Mais le pays ne lui plaît pas autant que la Polynésie. « Je suis donc revenu à Moorea, île sœur de Tahiti, où c’est plus cool et où les gens sont plus ouverts », explique-t-il.
Retour aux sources
Quelques mois à peine après son retour à Tahiti, en 2019, Omar Khalil assure le service pour un anniversaire avec un buffet libanais. Grâce aux réseaux sociaux et au bouche-à-oreille, les choses vont très vite. À Tahiti, lorsqu’on évoque l’existence d’un traiteur libanais, les gens affichent un large sourire et soulignent que c’est une bonne nouvelle. « Puis j’ai eu l’occasion de faire le traiteur pour un mariage avec une centaine de convives, lance-t-il plein d’entrain. Il fallait que je relève le défi, à quelques jours de l’organisation d’un buffet pour un événement privé à Bora Bora. J’ai aussi concocté plusieurs recettes pour un magazine féminin local… Et à partir de là, les commandes et les demandes ont augmenté progressivement. »
Des vacances en famille au Liban, en 2022, lui permettent d’apprendre de nouvelles recettes et d’affiner une plus grande maîtrise de celles qu’il connaissait déjà. De retour à Tahiti quelques mois plus tard, Omar Khalil lance son entreprise, baptisée Le Petit Libanais, et propose alors ses services aux hôtels de la place. La cuisine libanaise comportant de nombreux plats végétariens voire véganes, et parfois sans gluten, les professionnels de l’hôtellerie adhèrent aux propositions du chef. « J’essaie de changer mes menus régulièrement et de m’adapter à ce que je trouve dans les îles », sans pour autant pouvoir se passer de l’essentiel, une véritable huile d’olive libanaise et de tahini !
Ambassadeur gastronomique du Liban
Sur les îles, la végétation est luxuriante et abondante. La nature est présente partout. Omar Khalil y découvre le fruit de l’arbre à pain, un arbre important dans la culture polynésienne, qualifié d’arbre nourricier. Et s’en inspire pour sa cuisine. Il baptise sa recette « ’uru’houmous ». Avec le lait de coco, Omar Khalil teste la mouhallabiyé et revisite la sayadiyé avec du thon et du curcuma locaux.
Le Libanais s’est fixé comme objectif à moyen terme d’ouvrir son propre restaurant. D’abord sur l’île de Tahiti, la plus peuplée de ce territoire : « J’aimerais aussi ouvrir une roulotte à Tahiti, puis ailleurs dans les îles, petit à petit. Dans chaque pays du monde, il existe un restaurateur libanais. Mais pas en Polynésie… Je souhaite représenter le Liban avec la cuisine et le partage… Ce dîner chez mes amis, ça a été un vrai déclic. »
L’entrepreneur se rêve en restaurateur, mais aussi en ambassadeur de la cuisine du pays. « Je souhaite surtout faire découvrir le Liban : sa nourriture, son histoire… C’est un pays assez loin par rapport à la Polynésie… »
L’hospitalité des Polynésiens rappelle à ses yeux celle des Libanais. Leur rapport à la bonne nourriture et à cet amour du partage aussi. Cela explique peut-être pourquoi Omar Khalil se sent si bien ici. « Il existe de nombreuses similarités entre nos deux cultures… Une personne qui m’a pris en taxi un jour m’a ouvert la porte de sa maison en m’invitant à partager un repas. C’est la même mentalité que chez nous. La même générosité et la même gentillesse. Ici, même les mamans ressemblent à nos mamans… »
« On ne retrouve pas ça en France. C’est pour cette raison que j’ai déposé mes bagages ici. » Omar Khalil espère pouvoir faire venir sa famille en Polynésie française d’ici à quelques mois, au moins pour des vacances. Pour qu’ils goûtent à la douceur de ce territoire perdu dans l’immensité du Pacifique, à la fois si loin et si proche de leurs origines libanaises.