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Économie - Focus

Bitcoin, ethereum, ETF : comprendre la séquence folle de ces dix derniers jours

« L’Orient-Le Jour » a contacté deux experts pour décrypter les derniers développements influencés par l'actualité de la mère des cryptomonnaies et les orientations de la Fed.


Bitcoin, ethereum, ETF : comprendre la séquence folle de ces dix derniers jours

Détail d’une illustration faisant référence au bitcoin sur un mur de Kiev en 2018. P.H.B. Archives « L’OLJ »

Il fallait avoir les nerfs solides pour investir, lors de cette première quinzaine de mai, dans les cryptomonnaies et les Exchange Traded Funds (ETF), première catégorie de placements financiers basés sur le bitcoin, autorisé depuis janvier par le gendarme financier américain, la Securities and Exchange Commission (SEC).

Le cours du bitcoin, qui a plutôt bien encaissé le choc du halving (division par deux, processus de réduction de l’inflation de cette cryptomonnaie) survenu entre le 19 et le 20 avril, a atteint le 1er mai son plus bas niveau depuis février, en dessous de la barre des 58 000 dollars, soit 15 000 dollars de moins que le pic d’avril. Après ce décrochage qui s’est manifesté en 24h, le cours s’est vaguement repris depuis et oscille entre 65 000 et 60 000 dollars, selon les différentes plateformes qui suivent cette cryptomonnaie. La deuxième cryptomonnaie en termes de capitalisation, l’ether, a suivi une courbe assez voisine sur la période allant du 29 avril (plus de 3 200 dollars) au 3 mai (moins de 3 000 dollars), avec un rebond moins franc sur la fin.

Plutôt solide depuis que les premiers actifs ont été commercialisés, le marché du ETF Bitcoin Spot a, lui aussi, connu une séquence assez folle avec un 2 mai noir marqué par une sortie de 563 millions de dollars en une journée, relayée par les sites spécialisés (Coin Tribune ou Coin Desk, notamment). Deux jours plus tard, c’est une performance diamétralement opposée, soit 378 millions de dollars injectés par les investisseurs dans les ETF, qui a secoué le marché, obligeant les analystes à parier sur tout et son contraire.

L’Orient-Le Jour a contacté deux experts, Phil Bekhazi, cofondateur de la plateforme d’investissement spécialisée dans les cryptomonnaies XBTO, et le consultant financier et gestionnaire d’actifs Rudy Farès, pour décrypter cette dernière séquence.

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Les ETF sont des placements financiers proposés par des fonds qui investissent leur argent ou celui qui leur a été confié dans des valeurs reproduisant les performances d’un indice choisi en amont – qu’il soit boursier ou d’une autre nature. Ils offrent un moyen d’investir en Bourse sans pour autant s’exposer aux risques d’un nombre limité de sociétés cotées.

Depuis le 10 janvier, la SEC américaine a autorisé plusieurs catégories d’ETF adossés au bitcoin, le roi des cryptomonnaies qui sont décentralisées par nature. Une première poussant de nombreux acteurs institutionnels. « Concrètement, les ETF permettent à un investisseur – un individu, une banque d’investissement, etc. – soit de placer son argent dans le bitcoin (en attendant le lancement d’ETF adossé à d’autres cryptomonnaies) sans avoir à s’investir directement dans le trading, soit d’acquérir un porte-monnaie numérique dédié à l’achat et la vente et d’intervenir directement sur le marché », explique Rudy Farès. « La contrepartie, ce sont les frais de gestion demandés par l’opérateur », relève-t-il.

« La courbe du bitcoin se reflète de façon symétrique et sans interférence sur la courbe des ETF adossés au bitcoin. Donc chaque dollar placé va évoluer en fonction du cours de la cryptomonnaie. C’est un produit passif », complète Phil Bekhazi. Il précise que certains gestionnaires, comme XBTO, se concentrent sur des produits plus « actifs », qui profitent aussi bien des hausses que des baisses sur les marchés, générant une marge sur la variation.

Rudy Farès souligne, de son côté, que des ETF adossés à d’autres cryptomonnaies sont en chantier ou déjà lancés. Aux États-Unis, la SEC doit donner son accord à la commercialisation d’ETF Ethereum, et plusieurs sociétés proposent déjà ce type d’actifs sur le marché américain. Hong Kong a lancé le 30 avril ses propres EFT basés sur le bitcoin et l’ether, avec des débuts pour l’instant timides.

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Au-delà des différents mouvements (la surprise du gestionnaire d’actifs Grayscale et ses 63 millions de dollars levés le 4 mai, notamment), Phil Bekhazi considère que la dernière séquence résulte de la combinaison de deux facteurs plus globaux.

Il y a tout d’abord le fait que chaque halving a généralement été suivi d’une période de rebond plus ou moins étalée dans le temps.

Le halving (division par deux) est un processus inhérent à l’algorithme du bitcoin lancé en 2009 et qui prévoit de réduire tous les 4 ans l’inflation de cette cryptomonnaie en divisant par deux la quantité d’unités disponibles et la récompense obtenue par chaque bloc miné (groupement de transactions bitcoin attachées à des métadonnées).

« Il est naturel pour les cryptomonnaies de prendre une pause. Une (correction) d’environ 20 % à la baisse sur une performance telle que le bitcoin a connue avant en grimpant au-delà de 73 000 dollars dans les semaines qui ont précédé le halving est quelque chose de normal », explique-t-il. De fait, même avec cette correction, le bitcoin évolue actuellement à un niveau 44 % plus élevé que celui qu’il affichait il y a un an et de plus de 66 % par rapport à il y a six mois, selon les données du site tradingview.com « La réalité, c’est que le bitcoin est en hausse de milliers de pour cent depuis sa création. Ceux qui veulent investir dans les cryptomonnaies doivent simplement avoir une fenêtre d’investissement assez longue, supérieure à six moix », considère encore Phil Bekhazi.

Mais la poussée a aussi été favorisée par des facteurs conjoncturels. « Vendredi, les données économiques qui ont été diffusées ont donné à penser que la Réserve fédérale américaine pourrait se retrouver coincée dans une politique monétaire privilégiant une baisse des taux d’intérêt directeurs », explique Phil Benkhazi. Début mai, la Fed a maintenu mercredi ses taux d’intérêt inchangés entre 5,25 et 5,50 %, une fourchette au sein de laquelle ils évoluent depuis juillet, tandis qu’une partie de ses responsables pousse pour une baisse que les marchés anticipent en septembre prochain.

Or cette tendance qui se dessine a un impact sur les investisseurs qui ont tendance à privilégier les « risk-on assets », des actifs qui ont un degré de risque élevé, comme les actions en Bourse, mais qui offrent des rendements plus élevés que les valeurs refuge ou des placements plus sûrs, mais moins juteux (risk-off assets) », développe encore le cofondateur de XBTO. « Ce qui est drôle avec le bitcoin, c’est que les investisseurs le perçoivent comme des risk-off assets – ce que sa courbe de progression sur le long terme confirme – mais qu’il se comporte à court terme comme des risk-on assets, avec des fluctuations erratiques. C’est une tendance similaire aux actions émises par les sociétés », conclut-il.

Ce qu’il faut attendre ou craindre

Et maintenant, que faut-il attendre ? S’il est généralement admis que connaître le passé permet de mieux prévoir l’avenir, le marché des cryptomonnaies doit aujourd’hui tenir compte de plusieurs facteurs qui risquent de changer les habitudes de ses aficionados. Un des signes que le marché évolue réside dans les changements de rythme des cycles de fluctuation  de la cryptomonnaie avant et après le halving. Dans un article publié le 8 mai, Coin Tribune a notamment mis en avant le fait qu’un pic s’était manifesté juste avant le halving et que les corrections de marché qui avaient suivi étaient moins marquées.

Le premier, et sans doute le plus important à l’heure actuelle, est le fait que le développement des ETF aux États-Unis, marché financier qui donne généralement le la au reste du monde, va rendre le bitcoin plus vulnérable aux manœuvres des gros investisseurs. « L’avantage des ETF, c’est qu’ils renforcent la légitimité des cryptomonnaies sur lesquelles ils sont basés, au-delà du cercle des communautés qui ont permis leur développement. Ils poussent également la demande et les cours vers le haut », détaille Rudy Farès. « Mais c’est une épée à double tranchant parce que chaque gros acteur aura la capacité de faire trembler les cours en retirant ses investissements, ce qui va rendre les cours plus volatils », fait-il encore remarquer.

Il souligne également une certaine fêlure dans l’enthousiasme suscité par les ETF. Si le démarrage difficile de ces actifs à Hong Kong ne permet de tirer aucune conclusion pour le moment, la récente décision de Grayscale de renoncer à sa demande d’autorisation faite à la SEC de lancer des contrats à terme sur l’ethereum soulève des interrogations.

Au niveau des précisions macroéconomiques, en revanche, le terrain semble pavé pour garantir le développement des ETF en 2024, voire 2025. Dans ses prévisions d’avril, le Fonds monétaire international (FMI) s’attend à un recul de l’inflation mondiale de 6,8 % en 2023 à 5,9 % en 2024, puis à 4,5  % en 2025, ce qui devrait encourager les banques centrales à baisser les taux d’intérêt, donnant ainsi un coup de fouet aux investissements. 


Il fallait avoir les nerfs solides pour investir, lors de cette première quinzaine de mai, dans les cryptomonnaies et les Exchange Traded Funds (ETF), première catégorie de placements financiers basés sur le bitcoin, autorisé depuis janvier par le gendarme financier américain, la Securities and Exchange Commission (SEC).Le cours du bitcoin, qui a plutôt bien encaissé le choc du halving...
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