Les Forces libanaises (FL) et le Courant patriotique libre (CPL) s’accaparent le devant de la scène de l’élection du président de l’ordre des ingénieurs, prévue dimanche 14 avril. Trois ans après l'accession à la tête de l'ordre de Aref Yassine, un membre de la contestation issue du 17-Octobre, et alors que ce mouvement est en recul partout, les deux principaux partis chrétiens ont repris du poil de la bête.
Les FL se mobilisent pour Pierre Geara, indépendant, tandis que le CPL soutient Fadi Hanna, membre du parti aouniste. Parmi une nuée de candidats, les deux protagonistes semblent, aux yeux de nombreux observateurs, être les mieux placés pour remporter la bataille. Pour y parvenir, les deux formations chrétiennes et leurs candidats mènent des campagnes massives visant à mobiliser partisans et sympathisants, tout en concluant des alliances avec d’autres formations et en comptant sur la participation d’indépendants déçus par les prestations des membres du conseil de l’ordre proches de la thaoura. Sauf que ces mêmes électeurs indépendants sont également sollicités par d’autres candidats, à savoir notamment Georges Ghanem, ancien secrétaire général du conseil de l’ordre (1999-2001). Il se présente comme un indépendant ; Joseph Mchayleh (contestation), vice-président du conseil actuel ; Nicolas Chikhani (contestation) ; Roy Dagher (contestation), membre du conseil actuel. Antoine Fawaz, Rached Sarkis, Tanios Boulos, Roland Kamel et Mahmoud Haïdar sont également dans la course.
Élection de 5 membres du conseil
Après la victoire fracassante qu’elles avaient remportée aux élections de 2021, les forces de la contestation ont essuyé plusieurs revers les années suivantes, perdant des sièges au sein du conseil au profit des partis traditionnels. Leur dernière défaite a eu lieu le 10 mars, lors du scrutin préliminaire consacré à la présélection de représentants des ingénieurs civils (1re branche) et des ingénieurs agronomes (7e branche). Ce jour-là, les électeurs affiliés à chaque section ont choisi respectivement cinq candidats, soit dix au total. Neuf de ces gagnants figuraient sur la liste de l’alliance Hezbollah-Amal-CPL, tandis qu’un seul relevait de la liste FL-Kataëb-Futur. Aucun n'appartenait à la contestation. Les ingénieurs, toutes branches confondues, devront aussi élire dimanche deux parmi ces dix vainqueurs du 1er tour, pour siéger au conseil durant un mandat de trois ans.
Outre le président de l’ordre et les deux présidents des 1re et 7e branches, les ingénieurs éliront également trois autres membres du conseil. Trente-cinq candidats, sans distinction de spécialité, briguent ces trois sièges. Cinq membres au total devront donc être élus dans le cadre du renouvellement annuel par tiers du conseil, composé de 15 membres.
On s’attend à ce que la participation soit plus élevée que lors du 1er tour (3 000 électeurs sur près de 60 000 ingénieurs, dont beaucoup n’ont pas réglé leurs cotisations). Les ingénieurs chrétiens pourraient davantage être motivés, dans la mesure où l’échéance concerne cette année un président chrétien, en vertu du principe d'alternance. Cela n'empêche cependant pas des adhérents musulmans de présenter leur candidature.
L’intérêt général
Dans le cadre de leur mobilisation pour Pierre Geara, les FL ont conclu une alliance avec le Courant du Futur, en contrepartie du vote de celui-ci pour le candidat du Futur à la tête de l’ordre des ingénieurs de Tripoli, Moursi Masri, lors du scrutin qui aura lieu également dimanche.
Joint par notre journal, Pierre Geara insiste sur son « indépendance » et sa « liberté ». « Je ne suis pas affilié à un parti », déclare-t-il, notant qu’il s’était lancé dans la bataille à partir de groupes du mouvement de la contestation, avant de solliciter un appui de « toutes les formations politiques, sans le soutien desquelles un candidat indépendant ne peut vaincre ». « Je me tiens à égale distance de toutes les parties », assure-t-il. M. Geara est également appuyé par les Kataëb et compte aussi sur « une grande partie de la société civile ». Commentant le grand nombre des compétiteurs en lice, il soutient que « tout candidat qui ne se retire pas alors qu’il n’a pas de chances de gagner, favorisera la victoire du candidat soutenu par le CPL et le tandem chiite ».
Il fait ainsi allusion à Fadi Hanna, partisan du CPL, appuyé par le Hezbollah et le mouvement Amal. Ali Zahour, qui s’exprime au nom des ingénieurs du Hezbollah, affirme à L’OLJ que son parti a en effet décidé d’appuyer M. Hanna. Contacté, Moustapha Fawaz, responsable du bureau des syndicats au sein du mouvement Amal, évoque « un dialogue en cours » pour créer une coalition composée notamment de son parti, du Hezbollah, du CPL, du Parti socialiste progressiste, des Ahbache pro 8 mars et d’indépendants. Or le parti de Walid Joumblatt n’a pas encore décidé lequel des candidats soutenir. « Nous sommes toujours au stade des discussions », affirme Samer Oud, responsable du secteur des professions libérales au sein du PSP. « La décision ne sera pas prise avant vendredi », précise-t-il.
Joint par L’OLJ, Fadi Hanna assure que s’il est un partisan aouniste, il n’en demeure pas moins que son « identité partisane » est distincte de son « identité professionnelle ». « Le poste de président de l’ordre concerne le métier d’ingénieur », martèle-t-il.
Un responsable politique issu de la contestation affirme que « les voix des réformistes seront partagées entre le vote pour Roy Dagher, en ce qu'il représente un symbole de l'esprit du Mouvement de la contestation, et le vote pragmatique et utile pour Pierre Geara, connu pour son honnêteté ».
Il y a encore des libanais qui votent pour ce parti vendu? Alors qu’ils ne s’étonnent pas de se retrouver apatrides comme les palestiniens qui ont fait jadis confiance aux fossoyeurs de leurs pays.
16 h 02, le 10 avril 2024