« On sait qu'il y aura des protestations ! » : Malmö, troisième ville de Suède, se prépare à accueillir l'Eurovision début mai dans des conditions de sécurité tendues, prête à parer à des perturbations dans la salle comme à l'extérieur.
Dans la cité méridionale de 362.133 habitants - et 186 nationalités - les travaux s'intensifient pour assurer la fiabilité des transports publics autour de l'événement du 5 au 11 mai prochain, les logos de cette 68e édition commençant timidement à essaimer. Mais beaucoup des préparatifs se font en coulisses, en raison de la multiplicité des menaces.
« Nous avons le conflit entre Israël et le Hamas, la guerre en Ukraine qui affecte la Suède et il y a un risque accru d'opérations d'influence, de cyberattaques », énumère pour l'AFP Ulf Nilsson, le responsable de la sécurité de la ville. « On vit une époque troublée ».
Face aux tensions, et alors que la Suède a relevé l'été dernier son niveau d'alerte après des actes de profanation du Coran, la police se dit prête. « Il ne nous est pas inconnu que les conflits autour du globe peuvent affecter notre travail et le quotidien des habitants de Malmö », relève, dans un euphémisme, le porte-parole de la police, Niels Norling.
Dans la ville, où vit une grande partie de la population suédoise d'origine palestinienne, le conflit entre Israël et le Hamas a ajouté une nouvelle dimension aux préparatifs. « On ne peut pas dire directement que ça nous donne plus de problèmes mais ce sont de nouvelles variables que nous devons prendre en compte dans notre travail », affirme le policier. « Quelques mois avant l'événement, nous avons déjà des demandes d'autorisation de rassemblements soit en faveur de la participation d'Israël soit en protestation », ajoute-t-il.
Du côté de la télévision publique SVT, qui organise l'événement avec l'Union européenne de radio-télévision (UER), tous les scénarios sont envisagés. « Nous sommes absolument prêts à ce qu'il y ait des manifestations à l'extérieur de la salle, donc nous nous y préparons, mais aussi à l'intérieur », explique la productrice exécutive Ebba Adielsson.
Pétition et boycott
Une pétition intitulée « Pas d'Eurovision à Malmö avec la participation d'Israël » a rassemblé plus de 800 signatures et doit être discutée en conseil municipal courant avril. Elle reste symbolique car l'UER a validé la participation israélienne.
En 2013, quand Malmö avait organisé la 58e édition du concours européen de la chanson, des habitants avaient protesté contre la participation israélienne.
« C'est la première fois depuis la guerre à Gaza qu'Israël participe à un événement international, donc c'est aussi la première fois que le mouvement BDS (pour +boycott, désinvestissement, sanctions+ contre Israël) a une chance de protester contre Israël à un niveau global », relève le politologue Anders Persson, de l'Université Linné.
D'autant plus que Malmö, situé à l'extrême sud de la Suède, est facilement accessible pour les militants du monde entier.
Karin Karlsson, la responsable de l'événement auprès de la mairie de Malmö, ne craint pas les débordements. « C'est la Suède et nous sommes à Malmö. On veut montrer que nous pouvons avoir des opinions différentes mais qu'on les exprime de manière pacifique », assure-t-elle.
La police, qui dit être largement mobilisée, refuse de communiquer sur l'arrivée d'éventuels renforts pour assurer la sécurité des quelque 100.000 touristes venus de 80 pays différents pour l'occasion.
« L'événement a un pouvoir d'attraction accru », se félicite Mme Karlsson. « L'Eurovision 2024 est beaucoup plus important qu'en 2013, c'est un événement qui a pris de l'ampleur dans son ensemble ».
« Ils veulent projeter une image positive en disant, +on est content de l'accueillir+ », ironise l'universitaire, qui pense que Malmö n'aurait jamais été choisi si le processus de sélection avait eu lieu après le début de la guerre.
Certains fans du concours ont décidé de le boycotter à cause de la participation d'Israël. « Le concours Eurovision de la chanson, ça fait partie de mon ADN. J'ai grandi avec », dit Monia Aissaoui, une enseignante de 41 ans. Mais cette année, elle fera l'impasse car « compte tenu de leur position ferme à l'égard de la Russie dans le passé, ils auraient dû plus que jamais adopter la même position à l'égard d'Israël ».