« Dansant dans l’orage, nous n’avons rien à cacher (...) Je te promets que ça n'arrivera plus jamais. Je suis toujours mouillée par cette pluie d’octobre. » C’est avec ces paroles au titre explicite qu’Eden Golan, 20 ans, foulera la scène de l’Eurovision en mai prochain pour représenter Israël avec October Rain, en référence au mois au cours duquel le pays a été attaqué par le mouvement Hamas sur son territoire.
Si l’État hébreu participe au concours de la chanson européenne depuis 1973, sa contribution à l'édition 2024 est en toute logique particulièrement scrutée par les médias et les internautes à la suite de la triple incursion surprise du mouvement islamiste aux manettes à Gaza sur le territoire israélien et la lourde riposte menée depuis sur l’enclave palestinienne.
Sur quoi porte la polémique ?
Depuis le 7 octobre 2023, les organisateurs de cette 68e édition du concours Eurovision de la chanson – qui doit se dérouler les 7, 9 et 11 mai à Malmö en Suède à la suite de la victoire de la Suédoise Loreen l'an dernier – reçoivent de sérieux coups de frein de la part de divers acteurs du monde de la musique qui rejettent la participation d'Israël au concours en raison des opérations militaires à Gaza. La fronde est d’abord venue des pays nordiques avec une pétition signée par 1 400 professionnels finlandais exigeant l’exclusion d'Israël cette année.
Quelques semaines plus tard en Norvège, l’émission dédiée à choisir son candidat pour le concours a été perturbée par une militante propalestinienne, drapeau sur le dos. La Zarra, représentante de la France en 2023, est l’une des seules anciennes participantes à avoir pris position : « Nous assistons une fois de plus à un massacre du peuple palestinien. Je suis consciente que les artistes ont très peur de s’exprimer. Cependant, le public a le pouvoir de déplacer des montagnes s’il le souhaite », a-t-elle écrit sur son compte Instagram. Un mouvement qui atteint même les institutions politiques européennes.
Au Parlement espagnol, la cheffe de file du parti radical de gauche Podemos, Ione Belarra, demande à son gouvernement de « faire quelque chose par respect pour le génocide en cours à Gaza ». Des messages auxquels les organisateurs restent sourds. Le 15 février, ils ont définitivement écarté l’idée d’exclure Israël de la compétition, contrairement à ce qu’ils avaient fait pour la Russie au lendemain de son invasion de l’Ukraine il y a deux ans. Un deux poids deux mesures vivement critiqué par « une partie des fans de cette institution musicale hors-norme », déclare Fabien Randanne, journaliste pour le quotidien français 20 Minutes et expert de l’Eurovision, qui évoque des cas de figures similaires tels que la Biélorussie en 2021, forcée de changer les paroles « très politisées » de son titre avant d'être disqualifiée.
« Les comparaisons entre les guerres sont complexes et difficiles et, en tant qu’organisme de média apolitique, il ne nous appartient pas de les établir », a déclaré à l'AFP Noel Curran, directeur général de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER) qui regroupe les diffuseurs du concours.
Justifications d’Israël
Malgré les critiques et les appels au boycott, la question pour l’UER n'est pas la participation d'Israël, mais celle de savoir si les paroles de la chanson peuvent être considérées comme politiques dans un contexte tendu et sur une scène exigeant une neutralité et une impartialité parfaites vis-à-vis des conflits en cours. Face aux déclarations de l’organisation qui dit « étudier de près la situation », la réponse de la délégation israélienne ne s’est pas fait attendre, insistant sur « l'absence de (son) intention de remplacer le morceau ». La chaîne Kan, diffuseur officiel du concours en Israël, a prévenu l’UER que si le titre « n’était pas approuvé, (elle) ne participerait pas au concours ».
La perspective d’une possible interdiction de concourir avec October Rain a suscité la fureur du ministre israélien de la Culture selon lequel « exprimer les sentiments du peuple ces jours-ci n’est pas politique ». Le président Isaac Herzog a, quant à lui, plaidé pour un « dialogue intelligent » afin de permettre la participation de son pays pour être « vu par des centaines de millions de personnes ».
Le concours de l’Eurovision, très suivi en Israël, a en effet permis à plusieurs artistes de se faire un nom à l'image de Noa Kirel qui a terminé 3e en 2023 ou encore Dana International, grande gagnante en 1998 et première femme transgenre à participer à l’évènement.
À quoi s’attendre ?
Israël, qui a remporté le concours quatre fois en cinq décennies, a été le premier pays hors de l’Europe à avoir eu l’autorisation de participer au concours. « C’est le pays avec la délégation la plus suivie. La sécurité autour de ses équipes est plus importante que celle de la France par exemple », souligne Fabien Randanne, qui s’attend à voir des dispositifs de sécurité impressionnants autour des lieux de rassemblements à Malmö. « On peut s’attendre à des happenings, à des manifestations si Israël participe comme prévu au concours », ajoute-t-il. Peut-on s’attendre à une victoire israélienne suite à des votes de sympathie ? Réponse le 11 mai.
commentaires (5)
Rien que le fait qu'Israël ait le droit de participer depuis toujours comme exception à ce concours exclusivement européen en dit long sur la place qu'il occupe dans l'opinion des occidentaux. Israël s'est d'ailleurs toujours considéré comme une enclave occidentale dans nos régions, ce qui prouve bien qu'il n'a rien à faire au Moyen -Orient. Un dernier point : on exclut les Russes de partout, mais Israël a toujours eu droit à l'indulgence des occidentaux malgré ses monstruosités. Quand cela va-t--il cesser?
Politiquement incorrect(e)
22 h 43, le 02 mars 2024