Le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil poursuit son combat qui a aujourd’hui pour slogan le partenariat équitable et le rôle des chrétiens. Sous ce grand titre, il ne ménage pas ses critiques ni à certaines parties chrétiennes ni bien sûr au Hezbollah. Il répète aussi à ses interlocuteurs, en l’occurrence les membres du conseil de l’ordre des rédacteurs présidé par Joseph Kossaïfi qu’il a reçus mardi, que « les Libanais ne peuvent pas vivre les uns sans les autres, même lorsqu’ils croient ne pas pouvoir vivre les uns avec les autres ». « Pour moi, ce n’est pas un slogan, dit-il, mais une conviction profonde basée sur les réalités. On dit que les Libanais ont la diversité dans leurs gènes, c’est sans doute à cause des mélanges et des différentes influences subies. Mais cette diversité est ce que le Liban apporte de plus beau au monde. Je suis personnellement convaincu que tout ce qui est unilatéral ne peut pas durer. » C’est dans ce contexte que le chef du CPL prône le dialogue entre les différentes composantes du pays, même si, jusqu’à présent, ses appels n’ont pas obtenu l’écho désiré. À ce sujet, il précise que le dialogue entamé à Bkerké entre les différentes composantes chrétiennes autour d’un document politique a besoin d’être encore approfondi. « Le document est important, dit-il, mais il doit être assorti d’un plan d’action concret pour faire face à l’exclusion. » À la question de savoir si les chrétiens croient toujours au Grand Liban, Bassil répond : « Une partie n’y croit plus, et c’est dommage. » À ce sujet, il évoque une divergence de fond entre le CPL et les Forces libanaises qui, elles, « poussent les jeunes au rejet de l’autre en le présentant souvent comme un ennemi ou un étranger, alors que le Libanais, dans sa nature, ne tend pas vers les extrêmes ». Mais il ajoute que si les thèses extrémistes ont pu gagner du terrain, c’est aussi à cause du comportement des autres composantes du pays et des circonstances. Il rappelle ainsi que de 1990 à 2005, les chrétiens ont pratiquement vécu en dehors de l’État. « Ils n’ont recommencé à s’y investir qu’à partir de 2005, et la représentation chrétienne ne s’est stabilisée en devenant équitable qu’à partir de 2016 (après l’élection de Michel Aoun à la présidence), dit-il. Nous en étions même arrivés à échanger des ministres avec le président du Conseil de l’époque Saad Hariri, tant les différentes composantes du pays se sentaient en confiance. Pour moi, c’est cela le bon chemin qui mène au final à un État laïc. Personnellement, je ne crois pas qu’il y ait des ministères qui doivent revenir à telle ou telle autre confession, et je suis favorable à une rotation des ministères, voire des trois premières fonctions de l’État. » Mais avec qui pourrait-il discuter de cela sans « dialogue sérieux » entre les Libanais ? M. Bassil est convaincu qu’il n’y a d’autre voie possible que le dialogue et les ententes. Mais les ententes conclues par son parti n’ont pas duré. « En politique, répond-il, il n’y a pas d’ententes éternelles. La seule chose qui est éternelle au Liban, c’est le vivre-ensemble. » D’où la nécessité de revenir au partenariat, qui doit, selon lui, être basé sur une vision de l’avenir commun. « Quand je dis cela, je ne parle pas seulement de l’option de la guerre, il y a aussi d’autres dossiers existentiels, comme la présence des déplacés syriens ou encore la crise économique qui, elle aussi, pousse les jeunes à quitter le pays. »
M. Bassil est convaincu que pour que les Libanais restent dans leur pays, il faut avant tout leur assurer une vie décente. « Cela passe par la stabilité, mais aussi par les réformes. » Cependant, estime-t-il, « il y a un refus profond de procéder à des réformes au niveau du système ».
Le Hezbollah
« Un de nos problèmes avec le Hezbollah, c’est qu’il prend des décisions sans se concerter avec les autres », souligne-t-il. Le chef du CPL s’empresse de préciser que ce qu’il dit pour le Hezbollah est aussi valable pour les autres parties. « La souveraineté est violée des deux côtés, et ce qui différencie le CPL des autres, c’est qu’il ne fait pas de paris régionaux ou internationaux. Il se contente de faire des choix, plaçant l’intérêt du Liban au-dessus de toute autre considération », affirme-t-il.
Le chef du CPL continue de défendre ses revendications au sujet de la décentralisation, qu’il appelle désormais « une décentralisation pour le développement », qui mettrait en valeur les particularités de chaque région et lui permettrait de se développer en mettant l’accent sur ses points forts. Il insiste sur le fait que la décentralisation qu’il prône n’a rien à voir avec la partition ou même avec la fédération. Il réclame aussi la création du Fonds fiduciaire pour préserver les avoirs de l’État, mais il reconnaît que jusqu’à présent, ces sujets ne sont pas considérés comme prioritaires.
Sur le dossier présidentiel, il est catégorique : « Après le mandat de Michel Aoun, je ne veux pas être président. Nous ne voulons pas ce poste en contrepartie d’acquis politiques. » Et d’expliquer qu’il ne veut pas être candidat, car il n’est pas sûr de réussir s’il est élu, et ce à cause du système en place. En tout cas, il reste convaincu qu’une entente préalable reste la meilleure voie pour élire un président, car elle lui donnera un atout pour bien entamer son mandat avec le plus large appui possible. Il dit avoir des noms en tête, dont certains sont connus et d’autres pas, mais ne veut pas entrer dans les détails pour l’instant.
M. Bassil ne cache pas son inquiétude quant aux développements dans la région. « Ce qui se passe est très grave. Et c’est justement pour cette raison qu’il ne faut pas y lier le sort du Liban. C’est ce que j’ai dit au Hezbollah. » Ce même Hezbollah avec lequel il affirme vouloir continuer à dialoguer, même s’il considère que l’entente de Mar Mikhaël (conclue le 6 février 2006) a reçu de grands coups à partir de 2012 au sujet de l’édification de l’État. Et de remarquer dans ce cadre que la fin du mandat Aoun (le 31 octobre 2022) a marqué la fin du partenariat. Au sujet d’un possible élargissement de la guerre, il estime que le danger existe, mais il salue au passage « la sagesse » du Hezbollah, qui répond « de façon contrôlée » aux attaques israéliennes.
Le chef du CPL évoque aussi les dossiers de la corruption, démentant toutes les accusations portées contre lui, notamment lorsqu’il était ministre de l’Énergie. Il dit que ce dont il est le plus fier, c’est ce qu’il a fait au sein de ce ministère, notamment le plan adopté pour l’électricité et les projets de barrages. « Quoi qu’on dise, on reviendra à ce projet », affirme-t-il.
Il n’y aura pas de solutions ni aujourd’hui ni demain tant que c’est la même clique mafieuse qui gouverne ce pays, c’est le bla-bla habituel de quelqu’un qui essaye de se faire passer pour un saint sauveur.
23 h 26, le 27 mars 2024