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Lifestyle - Histoires de thérapies

Le joueur (de poker) (3/3)

Le moment est sacré, intime, personnel. Un face-à-face entre le psychanalyste et son patient, qui se fait dans la colère, les larmes, les fous rires et les silences.

Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière, avec des interlocuteurs qui resteront anonymes. Cet article est le dernier d'une série de trois sur les joueurs.

Le joueur (de poker) (3/3)

Le poker, un jeu de hasard mais surtout de stratégie. Photo d'illustration bigstock

Depuis la naissance du poker, en 1800 environ, peu de modifications ont eu lieu, sauf au Liban. Je ne sais pas s’il faut s’en réjouir ou le regretter. Par rapport à la roulette et au blackjack, dans ce jeu, le facteur chance a le moins d’importance.

Lorsque Sami vient me voir, il a perdu une fortune au poker. Anxieux, insomniaque, inquiet pour son avenir, il ne sait plus quoi faire. Il s’est résolu à venir voir un psychiatre/psychanalyste après avoir vu le film Cincinnati Kid. Il l’a revu une cinquantaine de fois pour comprendre pourquoi et comment le jeune Eric Stoner (interprété par Steve McQueen) a tout perdu, en un seul coup à la fin d’une partie de poker contre Lancey Howard (interprété par Edward G. Robinson), lui aussi reconnu comme un maître du jeu. Sorti en 1965, réalisé par Norman Jewison, le film raconte l’histoire d’un jeune homme surdoué au poker, surnommé pour cela le Kid de Cincinnati . Le défi était de gagner contre Lancey Howard, un autre surdoué du poker mais bien plus âgé que lui. Il ne comprend pas comment il a pu perdre, au dernier coup, toute sa fortune.


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Sami voulait m’expliquer les règles du jeu. Et je ne savais pas s’il savait que j'étais un vieux joueur de poker ou pas. D’où la question : pourquoi est-il venu me voir spécialement, question que je pose régulièrement à toutes les personnes qui viennent me consulter.

Ce qui le rendait malade, c’était de voir Eric Stoner, le jeune joueur, tout perdre en un seul coup alors qu’il avait tellement bien joué auparavant et qu’il avait ruiné ses concurrents, et presque ruiné son vieil adversaire. La partie avait commencé avec 5 ou 6 joueurs, qui ont fini par quitter la table de jeu l’un après l’autre, après avoir tout perdu. Il ne restait en face à face que lui et le vieux.

Un long silence s’installe puis Sami me dit : « On m’a dit que vous étiez un vieux joueur de poker… » Je ne réagis pas à sa remarque. Nouveau silence. « Je ne veux pas vous faire l’offense de vous expliquer… » « Continuez, je vous prie. » Mal à l’aise, il finit par me décrire les différentes combinaisons, et quelles étaient les combinaisons gagnantes. Au début, le poker se jouait ouvert ou fermé. Là, (dans Cincinnati kid), c’était un jeu ouvert… »


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Il se tait et me regarde pour deviner si je connaissais les règles ou pas. « Dans le jeu ouvert, une carte est fermée et les quatre autres ouvertes, le « full » (3 cartes pareilles et une paire) bat la « couleur » (5 cartes d’une même couleur trèfle ou pique, cartes noires ou carreau et cœur, cartes rouges). Le jeune Stoner avait une double paire d’as, cartes ouvertes et un as fermé. Autrement dit, il avait un full as. Le vieux Lancey Howard avait les quatre cartes ouvertes d’une même couleur (pique) et qui se suivent, ce qu’on appelle une « suite ». Et sa carte fermée faisait partie de la suite, ce qu’on appelle une quinte flush. La plus forte carte au poker. Face à son jeune adversaire, il était gagnant. Les deux joueurs se regardaient, prenaient leur temps. Lancey Howard tranquille, sûr de gagner, avait misé tout son argent. C’était au jeune Eric Stoner de suivre ou de se retirer. »

J’écoutais cela avec une grande attention. Sami me dévisageait toujours. Et comme par miracle, il se souvient ce qu’a pensé alors le jeune Eric Stoner : « Je veux être roi à la place du roi. » Tout venait d’être dit avec cette phrase.

Ce n’était pas le full as qui perdait contre la quinte flush, mais un fils contre son père. Voilà pourquoi il a vu le film une cinquantaine de fois et il n’avait jamais fait attention à cette pensée du jeune Eric Stoner. Le fait qu’il le formule en séance lui a fait prendre conscience du vrai enjeu de cette partie de poker.

C’est sans doute pour cette raison qu’un vieil adage dit : « le joueur manifeste sa vraie nature sur une table de jeu. »

Depuis la naissance du poker, en 1800 environ, peu de modifications ont eu lieu, sauf au Liban. Je ne sais pas s’il faut s’en réjouir ou le regretter. Par rapport à la roulette et au blackjack, dans ce jeu, le facteur chance a le moins d’importance.Lorsque Sami vient me voir, il a perdu une fortune au poker. Anxieux, insomniaque, inquiet pour son avenir, il ne sait plus quoi faire. Il...

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