Cette visite n’est pas comme les autres. Lundi, l’émissaire américain Amos Hochstein sera de retour à Beyrouth en pleines négociations sur une trêve à Gaza pour le mois du ramadan (qui commence la semaine prochaine). Mais surtout, le diplomate US revient sur fond de tensions exacerbées entre le Hezbollah et Israël qui, depuis quelques jours, s’affrontent bien au-delà des règles d’engagement. Une escalade qui a poussé des responsables américains, cités récemment par plusieurs médias US, à exprimer explicitement, pour la première fois depuis le début de la guerre d’octobre, leurs inquiétudes quant à une éventuelle incursion terrestre israélienne au Liban.
Amos Hochstein est attendu à Beyrouth lundi pour « poursuivre les efforts diplomatiques visant à désamorcer le conflit à la frontière israélo-libanaise et à instaurer la stabilité », a déclaré le vice-président du Parlement Élias Bou Saab à l’agence Reuters. Selon lui, le moment choisi pour cette visite laissait présager des progrès dans les efforts visant à obtenir une trêve à Gaza « dans les prochaines heures ou les prochains jours ». « Si c’est le cas, je pense que la visite de M. Hochstein sera très importante pour assurer le suivi de la trêve à la frontière sud et pour discuter de ce qui est nécessaire pour assurer la stabilité et mettre fin à la possibilité d’une extension de la guerre », a-t-il ajouté. Le numéro deux de la Chambre a ajouté que M. Hochstein avait « des idées sérieuses qui pourraient constituer le début d’une solution durable ».
L’émissaire américain était censé envoyer un document écrit contenant les résultats de ses contacts avec les responsables libanais et israéliens, et sa proposition de régler le conflit, comme l’avait révélé le président du Parlement, Nabih Berry, dans une interview à notre journal il y a une dizaine de jours. Finalement, ce document, Amos Hochstein le portera avec lui lors de sa visite durant laquelle il s’entretiendra, outre M. Berry, avec le Premier ministre, Nagib Mikati, le ministre des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, et le chef de l’armée Joseph Aoun. Selon les informations de notre chroniqueur Mounir Rabih, le diplomate américain est entré en contact, peu avant sa visite annoncée, avec les négociateurs libanais, notamment Nabih Berry, leur faisant savoir qu’il poursuivait sa mission. Il avait aussi informé M. Mikati, avec lequel il s’était entretenu à la conférence de Munich, de son retour imminent. Le Premier ministre avait d’ailleurs annoncé, lors d’une interview jeudi dernier à Reuters, qu’une trêve à Gaza pourrait être conclue dès (cette semaine), ce qui déclencherait des pourparlers indirects pour mettre fin aux hostilités le long de la frontière sud du Liban avec Israël. « Si nous parvenons à une cessation des opérations militaires à Gaza, alors je crois que nous aurons devant nous des semaines intensives de négociations, afin que nous puissions atteindre ce que j’ai toujours appelé la stabilité à long terme au Liban-Sud », avait ajouté M. Mikati.
Selon nos informations, de nouveaux messages américains ont été transmis la semaine dernière aux responsables libanais, selon lesquels Washington faisait toujours pression sur les Israéliens pour les dissuader d’élargir la guerre contre le Liban et le Hezbollah. Ces messages ont apporté un certain soulagement au Liban, qui a considéré que la rhétorique des Israéliens était destinée uniquement à la consommation interne.
La trêve attendue à Gaza, que le Liban et les États-Unis souhaitent voir se répercuter sur le front sud – le Hezbollah s’est déjà engagé à la respecter –, permettra à M. Hochstein de préparer le terrain pour les négociations pendant la période du cessez-le-feu, qui serait d’une durée de six semaines avec une possibilité de renouvellement. Le diplomate américain espère que cette période permettrait l’établissement d’un accord-cadre entre le Liban et Israël, en trois temps, affirme une source diplomatique occidentale à notre journal. La première phase consiste en la cessation des hostilités et le retour des déplacés des deux côtés de la frontière. La deuxième phase implique la cessation des activités militaires apparentes dans la région, le renforcement de l’armée libanaise et l’envoi de forces supplémentaires pour stabiliser la situation, afin d’éviter tout mouvement militaire au sud du Litani. Quant à la troisième phase, elle concerne les négociations sur le dossier de la frontière terrestre et la résolution des points litigieux, ce qui sera évidemment lié à un long processus politique.
Le Liban « prêt à mener des négociations indirectes » avec Israël
À la veille du retour d’Amos Hochstein, et alors que les combats sur le front sud ont quelque peu baissé d’intensité ce week-end – malgré la mort de trois combattants du Hezbollah dans une frappe ciblée sur la route menant à la ville côtière de Naqoura –, les responsables politiques de tous bords ont haussé le ton. D’abord, le ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib a affirmé samedi que « le Liban est prêt à mener des négociations indirectes » avec Israël, estimant que « l’autre option serait le risque que la guerre s’étende au niveau régional ». « Si Israël se retire des fermes contestées de Chebaa et des collines de Kfarchouba, et s’il respecte les frontières internationales et met fin aux violations quotidiennes, cela favorisera la sécurité », a-t-il ajouté. La veille, dans un message on ne peut plus clair de la part du parti de Hassan Nasrallah, M. Bou Habib a prévenu que le Liban était « prêt à une guerre avec Israël », ajoutant que le gouvernement « consulte le Hezbollah et d’autres acteurs-clés » sur la question, « car le Liban est un pays diversifié ».La réponse n’a pas tardé. « Personne ne devrait entraîner le Liban dans la guerre et la destruction (...) pour servir des causes qui ne concernent pas les Libanais de manière générale, ni les habitants du Sud en particulier », a ainsi lancé le patriarche maronite Mgr Béchara Raï dans son homélie dominicale.
La veille, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, avait de son côté affirmé qu’il était opposé au concept de « front uni » contre Israël, en allusion à l’« axe de la résistance » dont fait partie son allié le Hezbollah. « Nous savons le danger que représente ce front uni pour le Liban. Nous sommes opposés à ce concept et si quelqu’un rejette notre prise de position ou nous en veut, qu’il en soit ainsi... » avait-il ajouté dans un discours prononcé à l’occasion d’un dîner organisé samedi soir par le CPL. Quant à son principal rival sur la scène chrétienne, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, il a affirmé que « les données montrent que le Hezbollah n’est pas capable de combattre Israël, tandis que l’armée libanaise dispose d’unités compétentes, bien formées et équipées ». « Que se passerait-il si l’armée libanaise se déployait à la place du parti chiite dans les zones où il est actuellement présent et collaborait avec les forces internationales dans le Sud en cas de besoin, comme le soutiennent toutes les nations du monde ? » a-t-il demandé.
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J’aime le commentaire Le Rouge et le Noir
Eleni Caridopoulou
20 h 27, le 04 mars 2024