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Politique - Commentaire

Quand l’accord de Mar Mikhaël rend l’âme « sur la route de Jérusalem »

Pour la première fois depuis 2006, Michel Aoun tire à boulets rouges sur le Hezbollah. La guerre de Gaza risque d'achever une alliance qui a tenu, 18 ans durant, contre vents et marées.

Quand l’accord de Mar Mikhaël rend l’âme « sur la route de Jérusalem »

Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et l'ancien président et fondateur du CPL, Michel Aoun. Photo d'archives/OLJ

Ils viennent de célébrer (chacun de son côté) leurs noces de turquoise. Mais leur couple ne tient plus qu’à un fil. Voilà dix-huit ans qu’ils ont scellé leur alliance en l’église de Mar Mikhaël. Certes, depuis ce 6 février 2006, ils sont passés par des hauts et des bas. Surtout durant les dernières années du sexennat du « général de Baabda ». À la veille de son départ du palais présidentiel, Michel Aoun ne cachait même plus son amertume, reprochant, en public, à Hassan Nasrallah d’avoir fait primer son alliance de sang avec Nabih Berry sur leur mariage de raison. En dernier recours, ils ont pris part à plusieurs séances de dialogue en guise de thérapie. En vain. Les meubles ne pouvaient plus être sauvés.

Si, durant les longues années de leur idylle, Nabih Berry constituait la seule ombre au tableau, d’autres obstacles se dressent désormais entre le Courant patriotique libre et le Hezbollah. À commencer par le soutien du parti chiite à la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidentielle. En passant par son feu vert à la prorogation du mandat du chef de l’armée, Joseph Aoun. Jusqu’à son ouverture du front du Liban-Sud contre Israël, en soutien au Hamas palestinien.

« Nous ne sommes pas liés à Gaza par un traité de défense. Et c’est la Ligue arabe qui peut unir les fronts. Dire que la participation à la guerre est un acte préventif contre toute agression israélienne est simplement un point de vue, car entrer dans cette confrontation n’écarte pas le danger et peut même l’augmenter. La souveraineté et l’indépendance du Liban appartiennent à son peuple et ne peuvent en aucun cas faire l’objet de marchandage, même de façon partielle. Une partie du peuple libanais a fait son choix (de refuser d’être entraîné dans la guerre, NDLR), et le gouvernement est incapable de prendre position. La victoire est celle d’un pays et non d’une seule partie. Traduire les développements à Gaza et au Liban-Sud en une sorte de marché présidentiel va à l’encontre de la souveraineté ; ce serait la plus grosse perte pour le pays. »

Ces propos incendiaires sont ceux de Michel Aoun, le parrain du fameux triptyque « armée, peuple, résistance ». Celui-là même qui a défendu corps et âme la noblesse de la guerre de juillet 2006. À l’époque, le couple était encore en lune de miel et Michel Aoun avait des visées sur le fauteuil occupé par Émile Lahoud. Certes, il lui a fallu patienter dix ans, mais le jeu en valait la chandelle. Aujourd’hui, depuis le retour du général à Rabieh, la porte de Baabda est fermée à double tour. Et Michel Aoun compte bien tout (re)faire pour qu’elle ne soit ouverte que pour celui qui aura, à ses yeux, le mérite de lui succéder. Gebran Bassil, son gendre et actuel chef du Courant patriotique libre, n’a d’ailleurs pas tardé à lui emboîter le pas. Au lendemain de l’entretien télévisé de M. Aoun, lundi soir, il a tenu une conférence de presse lors de laquelle il a refusé de « faire assumer au Liban la responsabilité de la libération de la Palestine ». « Nous sommes contre l’unité des fronts et plus spécialement contre le lien entre l’arrêt des hostilités au Liban-Sud et la fin de la guerre à Gaza », a-t-il lancé. Le chef du parti aouniste a même prévenu le Hezbollah, sans le nommer, qu’il « assumera seul » la responsabilité de la guerre s’il décide de la mener.

Une véritable révision ou un (énième) chantage ?
La rébellion aouniste n’est pas née aujourd’hui. Elle était tout simplement étouffée. Aux yeux du fondateur du CPL et de son président, le Hezbollah semble oublier que leur parti est resté à ses côtés des années durant quand tout le monde lui a tourné le dos. Il lui a assuré la précieuse couverture chrétienne quand il a mené son coup de force en mai 2008, puis quand, trois ans plus tard, il a décidé de combattre aux côtés du régime de Bachar el-Assad. C’est pour lui – ou à cause de lui – que le sexennat de Michel Aoun a été un échec – ou mis en échec, pour reprendre leur vision des choses. C’est à cause de lui aussi que Gebran Bassil est enchaîné par les sanctions américaines. Mais à chaque fois, l’accord de Mar Mikhaël en sortait vivant. Touché, mais vivant.

Pour mémoire

Gebran Bassil, vous avez dit « trahison » ?

Aujourd’hui, le CPL ne semble plus vouloir payer les pots cassés. Il n’en est de toute façon plus capable. Encerclé dans la rue chrétienne, et même parmi ses cadres et adeptes, il ne trouve plus les arguments pour défendre son allié chiite. Cette guerre était censée être limitée dans le temps et dans l’espace. Mais plus Israël brûle les feux rouges et plus le Hezbollah se retrouvera contraint de rendre la pareille, plus le CPL y laissera des plumes. Si Gebran Bassil fait des siennes depuis un bon moment déjà, jamais Michel Aoun – vers qui Hassan Nasrallah se tournait d’habitude pour calmer les ardeurs de son poulain – n’est allé aussi loin dans son opposition au Hezbollah. Ces positions semblent émaner d’une révision politique sérieuse menée au sein du CPL, qui joue sa survie. Non seulement sa cote de popularité dans la rue chrétienne est en nette baisse (traduite lors des dernières législatives), mais il s’est aussi aliéné, durant ses longues années au pouvoir, une communauté sunnite dont le seul leader jusqu’ici proclamé, Saad Hariri, vient de qualifier d’« erreur » son soutien à la candidature de Michel Aoun en 2016. Le clin d’œil de ce dernier à la Ligue arabe n’est d’ailleurs pas le fruit du hasard. Lui qui avait entamé son sexennat par une visite en Arabie saoudite semble désormais conscient de la nécessité de mettre un terme à la rupture – instiguée par son allié pro-iranien – avec les pays du Golfe.

De là à signer les papiers du divorce ? Pour que cette révision soit actée, le CPL ne peut pas s’arrêter à mi-chemin. Est-il prêt à proclamer son refus que le Hezbollah maintienne son arsenal et détienne la décision de guerre et de paix ? Ira-t-il jusqu’à demander le déploiement de l’armée, légitime elle, sur la frontière sud ? Et si tout ce bruit n’était finalement qu’un cri de détresse et un appel à la réconciliation ? Car ce n’est pas l’impulsivité qui manque au duo Aoun-Bassil, mais plutôt la marge de manœuvre. Lorsqu’il a été interrogé lundi soir sur l’impact de ses divergences avec le Hezbollah sur l’échéance présidentielle, Michel Aoun a répondu : « Nous ne nous suiciderons pas. » Toute la question est désormais de savoir laquelle des deux voies serait, pour le CPL, un véritable suicide...

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Ils viennent de célébrer (chacun de son côté) leurs noces de turquoise. Mais leur couple ne tient plus qu’à un fil. Voilà dix-huit ans qu’ils ont scellé leur alliance en l’église de Mar Mikhaël. Certes, depuis ce 6 février 2006, ils sont passés par des hauts et des bas. Surtout durant les dernières années du sexennat du « général de Baabda ». À la veille de son...

commentaires (20)

Pour la ferme, régie par le hezb, une vache laitière remplacée par une autre est bonne pour une kebbé nayée jnoubiée... bon appétit...

Wlek Sanferlou

23 h 24, le 24 février 2024

Tous les commentaires

Commentaires (20)

  • Pour la ferme, régie par le hezb, une vache laitière remplacée par une autre est bonne pour une kebbé nayée jnoubiée... bon appétit...

    Wlek Sanferlou

    23 h 24, le 24 février 2024

  • Comment peut-on faire confiance à celui qui a signé un pacte de Dante pour devenir président, un traitre qui a vendu son pays et l'a jeté dans les bras de l'Iran pour assouvir son rêve ultime, et qui s'active à nouveau toujours et uniquement motive par la soif du pouvoir et le même rêve présidentiel, cette fois-ci pour son dauphin Bassil?

    CW

    02 h 02, le 23 février 2024

  • J'attends de Michel Aoun, exactement comme de Saad Hariri et de Walid Joumblatt, non pas qu'ils demandent le désarmement du Hezbollah (vœu pieux, facile à dire) chose qu'ils ont déjà faite de multiples fois, chacun de leur côté, rarement au même moment, mais qu'ils s'engagent à ne participer à aucun gouvernement qui contiendrait un quelconque ministre partisan des armes illégales, et qu'ils soutiennent un candidat présidentiel qui n'accepte pas de signer le décret de formation d'un tel gouvernement (mesure concrète, réelle preuve de patriotisme). On n'en est pas là du tout avec CES kellon LÀ.

    Citoyen libanais

    19 h 05, le 22 février 2024

  • - LE PLUS GRAND DES PARAVENTS, - DE TOUS LES EX PRESIDENTS, - DES BERGERIES MARONITES. - MAIS CELUI-LA EST ALLE, - JUSQU,A LA RECONAISSANCE, - ET LES NOMBREUX BOYCOTTAGES, - EN SUS DE LA VUE AVEUGLE, - QUI PERMIRENT A CE MAL - MORTEL DE S,ENRACINER, - SUR LE SOL ET D,ACQUERIR, - L,ARSENAL DE LA MAINMISE. - LE HEZB N,EST PAS RESPONSABLE - SEUL, SANS LES BREBIS GALEUSES, - QUI LUI ONT PERMIS SINON, - CRIMINELLEMENT AIDE, - A SE FORTIFIER ET METTRE, - LA MAIN SUR NOTRE PAYS. - EN TETE, BEAU-PERE ET GENDRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 33, le 22 février 2024

  • Aoun savait quelles seraient les conséquences de cette alliance contre nature, mais pour assouvir sa soif de pouvoir il était prêt à pactiser avec le diable .. Une des séquences marquantes de son mandat c’est quand il est allé préter allégeance au boucher de damas, s’en est suivi naturellement l’alliance de Mar Mickael, qui, le pauvre, a du se retourner dans sa tombe…

    C…

    13 h 15, le 22 février 2024

  • L’accord traître qui a détruit le Liban

    Wow

    13 h 06, le 22 février 2024

  • Une explosion en plein coeur de la capitale, une emigration massive et une crise economique sans precedent plus tard, Michel Aoun se reveille...

    Khoueiry Marc

    12 h 14, le 22 février 2024

  • Vous dites Que ce parti a été touché mais vivant? Je dirais touché et coulé. Ce ne sont que des zombies qui cherchent à reprendre vie en faisant du pied à ceux qui les ont utilisé et jeté dans l’espoir de se refaire une santé en répétant les mêmes erreurs, vendant comme toujours leurâme au diable dans l’espoir d’exister à nouveau dans le paysage politique. Il pleure Le sort de son gendron alors qu’il a tué son pays de plusieurs coups de poignard. Aucun regret, aucune excuse aucun Mea culpa. Il n’a en tête que la mise en scelle du faux rejeton. C’est mort, et il n’est pas près de ressusciter

    Sissi zayyat

    11 h 00, le 22 février 2024

  • On adore enfin que cette alliance horrible tombe pour le salut du Liban

    Walid Abou samah

    10 h 30, le 22 février 2024

  • Voilà ce qui arrive aux collaborateurs avec les ennemis, le CPL s'est fait avoir sur toute la ligne, et cela malgré tout les mises en garde de la part des loyalistes. Il est trop tard de venire pleurer ni de sauver vos meubles. Essayer encore de sauver ce qui reste du liban en vous rangeant sans conditions derrière les FL et le Patriarche.

    Aboumatta

    09 h 35, le 22 février 2024

  • En d’autres termes: "Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, le pays était au bord du gouffre. Nous lui avons fait faire un grand pas en avant"…

    Gros Gnon

    09 h 32, le 22 février 2024

  • Belle autopsie d'un désastre annoncé.

    Zeidan

    09 h 20, le 22 février 2024

  • Ils se sont unis pour détruire le Liban ! Maintenant que notre cher pays a atteint le fond ils vont creuser encore mais chacun de son côté !

    PROFIL BAS

    09 h 19, le 22 février 2024

  • Trop tard maintenant. Le hezbollah a tout pris de michel aoun contre des postes administratifs, quelques députés de plus et des projets publics bidons, tels que les barrages ou l’électricité. Mais pour le Liban rien du tout , au contraire il a appuyé la milice au détriment de l’armée et il a laissé faire un état parallèle sans aucune réaction. Il n’a pas honte de paraître en public ?

    Goraieb Nada

    09 h 19, le 22 février 2024

  • une belle analyse du désastre …

    Zeidan

    08 h 21, le 22 février 2024

  • Excellente analyse. Le pacte de Mar Mkhayel avait pour but, pour Aoun, l’accès à Baabda, en échange, pour le Hezbollah, d’une légitimation chrétienne. Objectifs atteints. Nasrallah n’ayant pas estimé, au grand dam de Aoun et de Bassil, que le sacre du beau-père impliquait aussi celui du gendre. un soutien indéfectible envers la milice iranienne n’a plus de raison d’être. La rupture est l’occasion, pour le couple, de tenter de se refaire, après de longues années de cuisine avec le diable, une virginité politique. Le public chrétien s’y laissera-t-il prendre? On peut espérer que non.

    Yves Prevost

    08 h 16, le 22 février 2024

  • On ne peut pas habiter Dahyé et Bkerke en même temps ! Trop tard mon général ! Reposez vous bien dans votre maison de retraite ! Vous avez poussé le pays dans le gouffre , plus que tout autre ..et invité les libanais mécontents à émigrer . Vous avez le choix maintenant entre habiter Dahyé et Téhéran !

    LeRougeEtLeNoir

    07 h 56, le 22 février 2024

  • Supportez les pots cassés.

    Mohamed Melhem

    05 h 44, le 22 février 2024

  • Un peu trop tard cette prise de conscience du general. Nous n'avons pas une courte mémoire et beaucoup de Libanais ont découvert son vrai visage depuis 2006. Les pires années depuis 1988 ont été celles ou il était au pouvoir. Ce n'est pas une coïncidence en fin de compte.

    hrychsted

    04 h 51, le 22 février 2024

  • "… C’est à cause de lui aussi que Gebran Bassil est enchaîné par les sanctions américaines …" - Ah non, ça s’était pour corruption durant ses années au ministère de l’énergie…

    Gros Gnon

    03 h 45, le 22 février 2024

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