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Nos Lecteurs ont la Parole

Rendre à Ibrahim Fadlallah « l’hommage qu’il mérite »

Ibrahim Fadlallah reste dans la conscience des juristes, du droit en général et de l’arbitrage international comme l’un des plus doués de sa génération. Une intelligence et une mémoire immenses, une connaissance inégalée des données sociales et économiques, une fréquentation assidue des complexités des litiges et des plus judicieuses de leurs solutions ont fait de ce juriste hors pair, reçu premier au concours français d’agrégation, une fierté pour les institutions scolaires et universitaires qu’il a fréquentées. Le Liban devrait lui rendre l’hommage qu’il mérite, comme l’a fait l’Université Saint-Joseph, où il a suivi ses études de droit, avant de s’investir dans l’enseignement et conquérir des cieux plus vastes et plus ouverts à l’universalité du droit.

Nous fûmes, au sein d’une même promotion, les dépositaires de l’enseignement de juristes et économistes historiques hors pair : Louis Boyer, Philippe Ardent, Gauchet, Albert Chavanne, Ernest Teilhac, Béchara Tabbah, Choucri Cordahi, Sobhi Mahmassani, Émile Tyan, Pierre Gannagé et bien d’autres. Je conserve une des rares photos de sa présence lors de ma soutenance de thèse, le 22 juin 1966. Les temps étaient autres : sans internet, ni télévision, ni streaming, ni réseaux sociaux, ni facilités de communication… Pour correspondre avec l’étranger, il fallait « donner du temps au temps », attendre patiemment.

Mais il n’y a pas que le droit. Car ce fut une époque où la culture en général avait toute sa valeur. Ibrahim aimait les auteurs du XXe siècle que les « pères » n’enseignaient guère, et en mémorisait, comme aucun autre, les poèmes ; Apollinaire, Saint-John Perse, Paul Éluard et bien d’autres. Rien de ce qui s’écrivait ou se publiait n’avait de secret pour lui. « Fadlallah », comme nous disions, n’était peut-être pas engagé au sens partisan du terme, mais il savait apprécier les politiques socialement « correctes », avec mesure et intelligence, sans extrémisme ni sectarisme.

L’éloignement du Liban n’a jamais fait oublier la présence d’Ibrahim Fadlallah parmi ceux qui savaient de quelles prouesses il était capable et quels subterfuges il pouvait judiciairement suggérer. Je n’oublie pas que Ibrahim a tout de suite accepté de présider, le 18 juin 2003, le jury de soutenance de thèse d’une personne qui m’est chère, Nathalie.

Sa contribution au droit libanais ne s’arrête pas à la transposition du Code de procédure civil français ; il m’avait fait l’amitié d’accepter de contribuer, aux côtés de feu Pierre Catala, Léna Gannagé, Bahige Tabbarah, Ghaleb Mahmassani, Fayez Hage Chahine et Hadi Slim à la modernisation du Code des obligations et des contrats, en 2010, dont nous avons initié la refonte et publié le texte dans Proche-Orient Études juridiques.

Ibrahim Fadlallah nous a quittés prématurément. Sa famille n’a pas oublié son ascendance ni ses lettres de noblesse : Ardé, le village premier de son père ; Zahlé qui l’a vu naître et qui est si fière de lui, Baabdate, dont il appréciait le calme, la douceur du climat et la tendre verdure ; son épouse et son fils, dont le grand cœur et l’intelligence ne furent jamais en défaut pour accompagner l’époux magnifique et le père aimant.

Ce fut le Fadlallah dont le Liban peut s’enorgueillir. Nous ne l’oublions jamais.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Ibrahim Fadlallah reste dans la conscience des juristes, du droit en général et de l’arbitrage international comme l’un des plus doués de sa génération. Une intelligence et une mémoire immenses, une connaissance inégalée des données sociales et économiques, une fréquentation assidue des complexités des litiges et des plus judicieuses de leurs solutions ont fait de ce...

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