
Des députés de l'opposition au Parlement, le 15 décembre 2023. Photo tirée du compte X du chef des Kataëb, Samy Gemayel
Il faut faire bouger les choses. C’est dans cet esprit que l’opposition appréhende la présidentielle, bloquée depuis plus d'un an. La question devient d'autant plus pressante que le Liban fait face à de sérieuses menaces d'extension de la guerre opposant le Hezbollah à Israël sur le front sud. C’est donc pour faire élire « un président à même de protéger le pays » que plusieurs protagonistes du camp anti-Hezbollah s’apprêtent à s’activer dans les prochains jours. Il en a été décidé ainsi à l’issue d’une réunion, tenue la semaine dernière, de représentants des Forces libanaises, des Kataëb, du groupe du Renouveau (de Michel Moawad) ainsi que les trois membres de l’alliance du Changement (Marc Daou, Waddah Sadek et Michel Doueihy) et Bilal Hocheimi, député de Zahlé. À quoi faut-il donc s’attendre pratiquement ?
Les signataires du texte ont clairement réitéré leur attachement à la candidature de Jihad Azour, ancien ministre des Finances, sur laquelle ils avaient convergé avec le Courant patriotique libre, face à celle du chef des Marada, Sleiman Frangié, soutenu par le tandem chiite Amal-Hezbollah. « Les députés de l’opposition continueront de voter Azour (qui bénéficie également jusqu'à nouvel ordre du soutien des joumblattistes) tant que le camp adverse insiste pour imposer son candidat, refusant de retrouver l’opposition à mi-chemin après la concession qu’elle a faite en renonçant à son candidat, afin de faciliter l’élection d’un président », peut-on lire dans un communiqué. Le texte fait référence à l’abandon, par les Forces libanaises, les Kataëb, mais aussi le Parti socialiste progressiste et certains indépendants, de l’option Michel Moawad, qu’ils avaient appuyé dans un premier temps, mais qui a été perçu comme « un candidat de défi » par le camp du Hezbollah.
« Le camp adverse croit que nous n’avons pas les moyens de faire face à son obstination à soutenir Sleiman Frangié », déclare à L’Orient-Le Jour Georges Okaïs, député FL, présent lors de la réunion. « Personnellement, je n’exclus pas la possibilité d’un retour à l’option Moawad », suppute-t-il, insistant toutefois sur le fait que cela ne représente pas la position officielle des FL.
De toutes les façons, on n’en est pas encore là. À ce stade, des ténors de l’opposition s’attellent à rédiger ce qu'ils appellent une « initiative à même de faciliter et d’accélérer la tenue de la présidentielle », pour reprendre les termes d’un responsable Kataëb haut placé. Selon les informations de L’OLJ, cette « initiative » consiste d’abord à élargir les rangs des opposants, dont une majorité fait partie du rassemblement des 31 députés signataires du communiqué. « Nous voulons rallier le plus grand nombre de personnalités jugées souverainistes », dit un député opposant qui a requis l’anonymat. Selon lui, le nouveau rassemblement s’activera sur plusieurs fronts. D’abord, il devra exercer un forcing pour une application de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité en vue d’épargner au Liban le scénario d’une guerre généralisée.
Rejoindre le quintette
Concernant la présidentielle, le futur rassemblement d’opposants se basera sur les efforts et les communiqués du quintette impliqué dans le dossier libanais (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte, Qatar) pour pousser dans le sens de l’élection d’une figure de troisième voie. « Nous pourrons former des délégations qui se rendront dans les pays concernés pour augmenter la pression. D’autant que le forcing du groupe des Cinq avait porté ses fruits lors de la prorogation du mandat du commandant de l’armée Joseph Aoun (le 15 décembre dernier) », souligne un des signataires du communiqué. Une allusion au fait que lors de son séjour à Beyrouth fin novembre, l’émissaire du quintette au Liban, Jean-Yves Le Drian, avait ouvertement plaidé pour le maintien à son poste de Joseph Aoun, le présidentiable non déclaré présenté comme le favori de plusieurs chancelleries.
Plusieurs figures de l’opposition tiennent à préciser dans ce cadre que cette initiative ne signifie pas que les composantes de ce camp sont disposées à revenir sur certaines constantes. Ainsi, il n'est pas question de lâcher – pour le moment – la candidature de Jihad Azour ni d'accepter de prendre part au dialogue tel que voulu par le président de la Chambre, Nabih Berry. Le chef du législatif avait présenté, en août 2023, une initiative prévoyant un dialogue de quelques jours suivi de séances électorales ouvertes avec des tours de vote successifs jusqu’à l’élection d’un chef de l’État. Une proposition que les anti-Hezbollah n’ont pas tardé à rejeter en bloc, y voyant une tentative du tandem chiite de leur imposer son candidat. « Tant qu’il n’y a pas de déclaration claire que les choses progressent vers une figure de troisième voie susceptible de récolter les suffrages nécessaires pour son élection, le dialogue sera peine perdue », commente Salim Sayegh, député Kataëb. « L’opposition cherche à présenter des alternatives sérieuses face à ceux qui accusent tous leurs adversaires de traîtrise », dit-il.
Neuf députés indépendants pressent pour élire un président lors de sessions successives
Neuf députés, principalement issus de la contestation ou indépendants de Saïda et de Jezzine, ont adopté une déclaration hier depuis l’hémicycle invitant leurs collègues au Parlement à prendre « leurs responsabilités nationales, morales et constitutionnelles » et à les rejoindre massivement pour élire, lors de sessions électorales successives, un président capable de tenir les rênes du pays. Dans leur déclaration, les députés évoquent le contexte « de guerre et de chaos (...) d’effondrement économique et social », de vide présidentiel depuis octobre 2022, alors que « l’État menace aussi de s’effondrer », selon le texte publié sur le compte X du député Melhem Khalaf. « Nous appelons tous nos collègues à assumer leurs responsabilités nationales, morales et constitutionnelles devant l’histoire et le peuple, à respecter les dispositions de la Constitution et à se joindre à nous massivement au Parlement afin d’élire un président au cours de sessions successives, quel que soit le nombre de ces sessions », précise le communiqué. Les signataires de cette déclaration sont les députés Oussama Saad (indépendant sunnite de Saïda), Paula Yacoubian (contestation), Abdel Rahman Bizri (indépendant sunnite de Saïda), Najat Aoun (contestation), Ibrahim Mneimné (contestation), Charbel Massaad (indépendant de Jezzine), Firas Hamdane (contestation), Élias Jaradi (contestation) et Melhem Khalaf (contestation). La demande des neuf signataires rejoint celle de 31 autres députés de l’opposition, notamment des Forces libanaises, du parti Kataëb, du bloc du Renouveau (Michel Moawad) et d’autres membres de la contestation, pour l’application littérale des dispositions de la Constitution, sans passer par un dialogue préalable réclamé par le tandem chiite.
Mais OUI, il faut y aller, mon cher Marwan !!!! Comme c'est triste que nous ne sachions pas nous unir pour nous debarrasser de ces vendus de toutes sortes!!!
06 h 53, le 23 février 2024