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Lifestyle - Archéologie

En Turquie, le panthéon d’Antiochos, surnommé la « huitième merveille du monde », a résisté au séisme

Édifié par le roi de Commagène à sa propre gloire, le Hierothesion (temple-tombeau et maison des dieux) représente selon l’Unesco « une des plus colossales entreprises de l’époque hellénistique ».

En Turquie, le panthéon d’Antiochos, surnommé la « huitième merveille du monde », a résisté au séisme

Le tombeau d’Antiochos Ier représente une des plus colossales entreprises de l’époque hellénistique. Photo tirée du site officiel de l’Unesco

Couronnant l’un des plus hauts sommets de la chaîne du Taurus oriental (dans la partie méridionale de l’Anatolie centrale), le mont Nemrud abrite le Hierothesion, édifié par Antiochos Ier qui régna de 69 à 34 avant J.-C. sur le petit royaume de Commagène, au centre sud de l’actuelle Turquie. Dans un cadre spectaculaire, culminant à 2 203 mètres d’altitude, le monument funéraire est selon l’Unesco « une des plus colossales entreprise de l’époque hellénistique ». Composé de plusieurs ensembles de lieux de culte et de sculptures géantes de dieux assis sur des trônes – désignés par des noms perses et macédoniens –, ils mesurent entre huit et dix mètres de hauteur, et pèsent chacun six tonnes. Aux côtés d’Antiochos divinisé et de Tyché, sous la forme de la divinité de la Fertilité locale, sont représentés Zeus et Héraclès, assimilés respectivement aux dieux perses Ahura Mazda et Artagnés ; ou encore la divinité syncrétique de l’Asie mineure hellénistique, explicitement nommée Apollon/Mithra-Hélios-Hermès.


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Le syncrétisme de ce sanctuaire témoigne de la filiation légendaire grecque et perse du roi Antiochos Ier. Celui-ci est en effet descendant, par son père Mithridate Ier Kallinicos, du second fondateur de l’Empire perse, Darius Ier. Et par sa mère, la princesse hellénistique Laodicé VII Théa Philadelphe, héritier des conquêtes d’Alexandre le Grand. Selon Philippe Swennen, titulaire de la chaire de langues et religions du monde indo-iranien ancien à l’Université de Liège, et Laurent Bricault, égyptologue, spécialiste de l’histoire des religions du monde antique, « la stratégie visuelle autant qu’intellectuelle d’Antiochos n’était pas d’être grec et perse à la fois, mais de faire grec et perse dans un espace – l’Asie mineure et le royaume de Commagène – écartelé ou coincé entre hellénisme et persianisme ».


Statue de Zeus. Klaus-Peter Simon/Creative Commons

Un monument à la gloire du souverain

D’un orgueil démesuré, Antiochos Ier se fait surnommer « Theos » (dieu) et instaure un culte royal à la gloire de sa propre personne de ses dieux. De là naquit le projet d’édifier le Hierothesion, sur le sommet du mont Nemrod. Antiochos porte son choix sur le sommet de la « montagne de Nemrod » qui culmine à 2 203 mètres d’altitude.

Inscrit en 1987 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, souvent surnommé la « huitième merveille du monde », le monument funéraire est posé sur un tumulus de 145 mètres de diamètre et de 50 mètres de hauteur, aménagé en terrasses. On y accédait par une voie processionnelle entourée de murs et gardée par l’imposante statue d’un aigle. Chacune des terrasses orientale et occidentale était ornée de statues colossales d’une dizaine de mètres de haut et d’orthostates (ou stèles) dont les bas-reliefs figurent les ancêtres macédoniens et perses d’Antiochos. Sur le niveau supérieur se trouvent cinq colossales statues assises en calcaire, identifiées par leurs inscriptions comme des divinités. Ces statues sont encadrées à chaque extrémité d’un lion et d’un aigle. Les têtes des statues sont tombées sur le niveau inférieur des terrasses qui accueillent deux rangées de stèles en grès, montées sur un socle, et devant chacune d’elles se trouve un autel. Un podium regroupe une autre rangée de stèles symbolisant l’importance toute particulière de Nemrod, ainsi que les scènes de la poignée de main (dexiosis) entre Antiochos et le dieu solaire, identifié à Mithra, et représenté jeune et imberbe (à la manière d’Apollon), portant une coiffe à long bout pointu. Une autre est décorée d’un horoscope du Lion dont on pense qu’elle indique la date de construction de la zone destinée au culte. Entourant le tumulus des trois côtés, des galeries de bas-reliefs représentent 15 ancêtres persans et 17 ancêtres gréco-macédoniens, incluant des ancêtres féminines. Derrière les galeries, défilent en petites rangées de trois reliefs chacun des membres contemporains de la famille royale. Les inscriptions au dos de ces stèles décrivent les liens généalogiques. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, « la fascinante beauté de ces sculptures monumentales constitue une des réalisations artistiques uniques de la période hellénistique ».


La terrasse est avec les statues assises reconstituées et leurs têtes alignées devant le monument. Photo Creative Commons

Valeur universelle exceptionnelle

Au dos de la stèle Apollon/Mithras/Hélios/Hermès, Antiochos Ier a fait graver l’inscription suivante : « J’ai choisi de faire de ce lieu saint un siège commun consacré à tous les dieux afin que non seulement la compagnie héroïque de mes ancêtres, que vous voyez devant vous, puisse être établie ici par ma pieuse dévotion, mais aussi que la représentation divine des divinités soit consacrée sur la colline sainte et que sa place puisse également témoigner de ma piété (…) J’ai décrété les lois appropriées pour régir les observances sacrées ainsi établies pour l’éternité, afin que tous les habitants de mon royaume puissent offrir à la fois les anciens sacrifices, requis par la coutume commune séculaire, et aussi de nouvelles fêtes en l’honneur des dieux et en mon honneur. »  


Lion gardien, à l’angle nord-ouest de la plate-forme de l’autel. Klaus-Peter Simon/Creative Commons

Composées de blocs de calcaire, les statues assises au sommet ont perdu leur tête, comme décapitées. Elles sont tombées un peu plus bas, lors des tremblements de terre ou suite « aux influences météorologiques au cours des siècles », estime le minéralogiste Hans-Gert Bachmann qui a collaboré à de nombreuses fouilles archéologiques au Proche-Orient. La plupart de ces statues ont également perdu des éléments de leur couvre-chef ou de leur couronne. Leur nez et leurs lèvres sont parfois ébréchés. Cependant, « l’ensemble conserve son authenticité en termes de forme, de matériaux et de conception », souligne l’Unesco. Ajoutant que le Hierothesion d’Antiochos Ier est l’une des plus ambitieuses constructions de l’époque hellénistique. « Sa conception complexe et ses proportions gigantesques se conjuguent pour créer un projet inégalé dans l’ancien monde. On a eu recours à une technologie très avancée pour construire les colossales statues et les orthostates (stèles) dont aucun équivalent n’a été trouvé où que ce soit pour cette même période. »

Le site est en grande partie intact et « exprime de façon crédible sa valeur universelle exceptionnelle », relève-t-on également sur le site de l’Unesco. Toutefois, des dégradations causées par les fortes variations de température quotidiennes et saisonnières, les cycles de gel et de dégel, le vent, l’accumulation de neige et l’exposition solaire sont à craindre. Et, d’autre part, le bien de Nemrod étant très proche de la faille sismique active est-anatolienne, les statues et les stèles sont vulnérables aux tremblements de terre.

Signalons enfin que les ruines du mont Nemrod ont résisté aux tremblements de terre de 2023 sans subir de dommages.

Couronnant l’un des plus hauts sommets de la chaîne du Taurus oriental (dans la partie méridionale de l’Anatolie centrale), le mont Nemrud abrite le Hierothesion, édifié par Antiochos Ier qui régna de 69 à 34 avant J.-C. sur le petit royaume de Commagène, au centre sud de l’actuelle Turquie. Dans un cadre spectaculaire, culminant à 2 203 mètres d’altitude, le monument...

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