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Lifestyle - Histoires de thérapies

Zahi ou l’analyste devant l’impossible : l’euthanasie (3/3)

Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière, avec des interlocuteurs qui resteront anonymes. Cette semaine, troisième et dernière entrevue sur l’euthanasie avec Zahi, qui souffre d’une sclérose amyotrophique latérale l’obligeant à rester couché.

Zahi ou l’analyste devant l’impossible : l’euthanasie (3/3)

Illustration Noémie Honein

Le fait d’avoir fixé cet entretien comme étant le dernier a eu son effet : « le moment de conclure ». Je ne pouvais pas continuer à rendre visite à Zahi car cela entretenait le flou autour de ma position. Je ne pouvais pas accéder à sa demande et, d’une certaine façon, il le savait déjà. Il fallait donc conclure.

La prise en compte des « trois temps logiques » définis par Lacan est souvent utile : l’instant de voir, le temps pour comprendre et le moment de conclure. Ces trois temps logiques se retrouvent partout, pas seulement en psychanalyse. On ne peut pas voir, comprendre et conclure en un seul temps. Ces temps peuvent parfois prendre une minute, un jour, des semaines, voire des mois ou des années. Cela dépend de notre rapport à notre inconscient qui nous dirige, et la mort ou la vérité nous confrontent à notre inconscient. Dans l’horrible histoire de Zahi, c’est la mort qu’il me demandait qui a bouleversé les choses et précipité les trois temps logiques.

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Au cours de ce dernier entretien, il ne fut plus question de l’euthanasie qu’il me demandait de pratiquer sur lui, mais de l’euthanasie en tant que telle. Il me raconte alors qu’un malade atteint de sclérose amyotrophique latérale l’avait contacté par mail. Ils avaient échangé pendant un certain temps puis il a disparu. Et Zahi ne savait pas ce qu’il était devenu, s’il était mort ou s’il était encore en vie.

Me vient alors une idée : « Pourquoi vous ne cherchez pas à faire une jonction par internet avec d’autres malades atteints de sclérose amyotrophique latérale ? Vous pourriez venir en aide à ceux qui vont mal en partageant vos souffrances et en leur donnant des conseils ? » Il eut un moment de long silence. « Vous avez raison, je pourrais faire ça. Ça donnera un sens à ma maladie. » « En fonction du temps propre à chaque malade, en fonction du stade où il en serait et vu votre expérience, vous pourriez soulager beaucoup de gens », lui ai-je dit encore. Il me répond : « S2al mjarrib wou ma tes2al 7akim (“Demande à celui qui en a fait l’expérience plutôt qu’à un médecin”). » Et il ajoute : « En effet, c’est exactement cela, on inverse les rôles entre vous et moi, je cesse d’être le patient. » Pour la première fois, je vois ses yeux briller. En devenant acteur, il cesse d’être le malade, le malade qui attend que la solution vienne de l’autre. La sclérose amyotrophique latérale cessait de lui appartenir en propre pour devenir une maladie mortelle qu’il partageait avec d’autres. L’euthanasie qu’il sollicitait n’était plus la seule solution à son désespoir, il pouvait désormais penser à autre chose. Du fond de son terrible malheur, au lieu de mourir, il pouvait aider d’autres personnes pour continuer à vivre.

À sa façon, Zahi venait de réinventer la psychanalyse. En venant à l’analyse, le futur analysant apprend à n’être plus celui ou celle qui subit. En racontant son histoire, il devient l’acteur de cette histoire et non plus son objet.

Le fait d’avoir fixé cet entretien comme étant le dernier a eu son effet : « le moment de conclure ». Je ne pouvais pas continuer à rendre visite à Zahi car cela entretenait le flou autour de ma position. Je ne pouvais pas accéder à sa demande et, d’une certaine façon, il le savait déjà. Il fallait donc conclure.La prise en compte des « trois temps...

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