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Lifestyle - Histoires de thérapies

Zahi ou l’analyste devant l’impossible : l’euthanasie (2/3)

Le moment est sacré, intime, personnel. Un face-à-face entre le psychanalyste et son patient, qui se fait dans la colère, les larmes, les fous rires et les silences.  Dans cette rubrique bimensuelle, le Dr Chawki Azouri partage des histoires et des cas qu’il a vécus tout au long de sa carrière, avec des interlocuteurs qui resteront anonymes.

Zahi ou l’analyste devant l’impossible : l’euthanasie (2/3)

Illustration Noémie Honein

Zahi, souffrant d’une sclérose amyotrophique latérale qui l’oblige à rester couché, connaissait parfaitement les tenants et les aboutissants du débat sur l’euthanasie. En les développant, lors de notre première séance, il cherchait déjà à me convaincre. C’est comme s’il me disait : « Je sais bien, mais quand même. » Cette formulation est d’Octave Mannoni et elle caractérise le sujet pervers. Mais loin de moi l’idée que Zahi puisse être pervers. Cependant, sa demande l’était. « Oui, je sais bien que l’euthanasie est un homicide, mais quand même je voudrais que vous la pratiquiez sur moi. » Dans la plupart des pays, elle reste interdite. Mais le débat reste actuel.

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Durant cette deuxième entrevue, je suis ébahi par les arguments que donne Zahi pour me convaincre, mais je reste néanmoins dubitatif. L’euthanasie est malgré tout un suicide assisté, même si je reconnais la valeur de la demande de Zahi. Il ne supporte pas son état actuel de dépendance totale, et il a la hantise du moment où ses paupières seront elles aussi paralysées. Ne pouvant plus communiquer avec son entourage et ayant bien la conscience de ce que cela représente, il sera emmuré vivant dans un corps mort. Encore une fois, il fait appel à Edgar Allan Poe pour souligner l’horreur de sa situation.

Dans la majorité des pays, l’euthanasie est interdite parce qu’elle reste considérée comme un homicide. Mais a-t-on le droit de laisser un malade dans des souffrances innommables ?

Depuis que les soins palliatifs ont si bien progressé, la question de l’euthanasie a reculé d’autant plus que la sédation palliative, qui ne raccourcit ni ne prolonge la vie du patient, est une solution face à de très fortes douleurs. Mais Zahi n’est pas dans ce cas. « Je sais que la médecine recule devant son autorisation pour éviter les dérapages. » Il savait qu’en « Belgique des jumeaux sourds ont été euthanasiés à leur demande parce qu’ils devenaient sourds et qu’une femme l’a été parce qu’elle était anorexique ». De même, « aux États-Unis, une femme a reçu de sa compagnie d’assurances une lettre refusant de payer sa chimiothérapie, mais lui offrant un suicide assisté ». « Aux Pays-Bas, un patient a été euthanasié pour libérer un lit d’hôpital. » Ce genre d’actes honteux ne témoignent pas en sa faveur, mais il y oppose une demande authentique et légitime. Par ailleurs, il sait qu’en Belgique « les médecins qui l’ont pratiquée ont droit à une psychothérapie et les infirmières à un jour de congé supplémentaire ». Il suppose donc que je puisse avoir peur de la pratiquer et il me comprend parfaitement si c’était le cas.

Dans toute ma pratique de psychanalyste et de psychiatre, je n’ai jamais été mis devant un cas de conscience pareil. Un médecin qui guérit et qui tue ! Entre la légitimité de la demande de Zahi et l’impossibilité d’y accéder, j’étais tourmenté, déchiré. Je ne savais absolument pas quoi faire. Zahi en était bien conscient et il me consolait. Le malade qui console son médecin, je ne pouvais pas imaginer que c’était possible. Et pourtant ! Il continue de développer devant moi le paradoxe de sa demande, ne me cachant aucun argument, ni pour ni contre.

J’ai accepté de le revoir une troisième fois, en y ajoutant une condition : ce sera la dernière.

Zahi, souffrant d’une sclérose amyotrophique latérale qui l’oblige à rester couché, connaissait parfaitement les tenants et les aboutissants du débat sur l’euthanasie. En les développant, lors de notre première séance, il cherchait déjà à me convaincre. C’est comme s’il me disait : « Je sais bien, mais quand même. » Cette formulation est d’Octave Mannoni...

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