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Gaza dans un tableau de Bruegel


Un exquis petit village flamand recouvert de neige. On peut imaginer cette neige floconnant toute la nuit ses lents cristaux pour offrir au matin l’épais silence irradié de bleu annonçant une trêve de l’hiver. Au premier plan, deux tonneaux renversés par la tempête nocturne flottent dans une mare de gadoue, preuve qu’une forme de laideur est toujours tapie sous la beauté. À l’arrière, le paysage est hachuré de lances. Une troupe de soldats en armes encercle la place. Au centre, une femme assise dans la neige, les jambes devant, se replie sur son giron où repose un paquet blanc, ficelé : son enfant. Tout à coup, cette vue que l’on aurait prise au premier regard pour une scène de la vie quotidienne, où chacun vaque à ses affaires au lever du jour, révèle toute son horreur. Des enfants s’accrochent désespérément aux vêtements de leurs parents, tandis que la soldatesque les en arrache. Un homme supplie, à genoux, un officier à cheval. Pas une porte qui ne soit enfoncée, une fenêtre forcée. C’est le Massacre des Innocents, célèbre tableau de Pieter Bruegel l’Ancien, peint en 1565 et inspiré d’une scène de l’Évangile selon Mathieu. Le roi Hérode est mis au fait d’une prophétie : un enfant mâle de Bethléem, à naître ou encore dans ses langes, le remplacerait un jour sur le trône des juifs. Il ordonne aussitôt le meurtre de tous les petits garçons de la région, ce qui pousse Joseph à prendre avec Marie, enceinte de celui qui sera Jésus, le chemin de l’Égypte afin de mettre à l’abri la mère et l’enfant attendu. Peu importe la réalité historique de cet événement. Il fait diptyque avec un récit de l’Ancien Testament où l’on voit le pharaon ordonner la mort de tous les nouveau-nés mâles du peuple hébreu.

On peut aisément superposer à l’image des soldats de Bruegel emportant les enfants du village celles des attaquants du Hamas prenant en otage des bébés du kibboutz voisin de Gaza.

On peut encore plus aisément superposer aux Innocents de Bruegel les petits corps des bébés palestiniens, qui meurent par milliers depuis la brutale riposte israélienne à l’attaque du 7 octobre 2023, ficelés dans des sacs blancs et transportés par tombereaux vers les fosses communes. On peut raisonnablement imaginer Joseph et Marie accédant en Égypte par le passage de Rafah, à travers le Sinaï, et passant la nuit aux portes du désert comme le font en ce moment même des centaines de milliers de jeunes familles.

L’humanité a beau avoir amélioré ses conditions de vie, sa brutalité est la même depuis le fond des temps.

Tout est sans doute question de point de vue et d’angles médiatiques, mais une des principales impressions que laissent ces bombardements acharnés est le nombre confirmé et hallucinant d’enfants palestiniens tués sous les armes.

Au même moment où, en France, le président Macron appelle au « réarmement démographique », Londres craint de son côté de devoir fermer des écoles dans un avenir proche en raison d’un creux dans les natalités enregistré depuis 2020. D’un côté du monde, des pays se sentent vulnérabilisés par le manque de naissances. De l’autre, rien ou presque n’est fait pour protéger l’enfance. Il semblerait que 12 attaquants du Hamas lors de l’assaut du 7 octobre aient été des employés de l’Unrwa. L’Unrwa est le principal organisme, onusien qui plus est, dédié à aider la population de Gaza. Il est choquant de voir des pays riches décider d’un trait de crayon l’annulation de leurs contributions à l’Unrwa au prétexte qu’il se trouve des suspects parmi ses salariés, mais sachant à quel point celles-ci sont vitales. Sachant surtout que la Cour internationale de justice a estimé que le risque de génocide était plausible au regard de l’acharnement israélien contre la population de Gaza.

Il est bien étrange ce « monde libre » qui nous vend la démocratie comme une vertu mais continue à alimenter, voire encourager un massacre qu’il ne se résout pas à définir comme tel. Il est vrai que les guerres sont des spirales sans fin et qu’elles n’ont jamais obéi aux lois qui leurs sont propres et qui consistent avant tout à protéger les civils et les prisonniers. Il est vrai que, malgré tout, les civils sont systématiquement les boucliers humains de l’un ou l’autre bord et les prisonniers, les boucs émissaires soumis à toutes les formes de maltraitance. Mais lorsque le monde a ouvert les yeux sur la réalité et les preuves de l’Holocauste, il les a refermés de honte en se jurant de ne plus jamais laisser faire. S’agissait-il simplement d’une empathie culturelle avec ces juifs d’Europe célèbres pour leur génie dans toutes les formes d’art et leurs contributions exceptionnelles à la civilisation ? Que savent les grandes puissances des Palestiniens ? Encore une fois, cette question obsédante : pourquoi, spoliés de leurs biens et de leur appartenance à la terre disputée par l’État d’Israël, ne peuvent-ils compter à leur tour sur la compassion du reste de l’humanité ?

Un exquis petit village flamand recouvert de neige. On peut imaginer cette neige floconnant toute la nuit ses lents cristaux pour offrir au matin l’épais silence irradié de bleu annonçant une trêve de l’hiver. Au premier plan, deux tonneaux renversés par la tempête nocturne flottent dans une mare de gadoue, preuve qu’une forme de laideur est toujours tapie sous la beauté. À...

commentaires (3)

Tout cela est tristement bien vrai. Mais au lieu de pleurnicher sur les malheureux enfants innocents, ou de faire l'eloge des juifs pour leurs contributions techniques indubitables, ne serait-ce pas de la moindre sagesse que ces pays arabes ou perses cessent de vouloir eliminer ces israeliens qui ne reveraient que de vivre en paix avec les palestiniens qui forment d'ailleurs 20% de la population de leur pays, sans les hostilites que ces fanatiques instillent dans le coeur de leur peuples??? Que c'est triste de constater que ces dirigeants exploitent ces peuples qui perdent leurs enfants!!!

RAYMOND SAIDAH

20 h 18, le 04 février 2024

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Commentaires (3)

  • Tout cela est tristement bien vrai. Mais au lieu de pleurnicher sur les malheureux enfants innocents, ou de faire l'eloge des juifs pour leurs contributions techniques indubitables, ne serait-ce pas de la moindre sagesse que ces pays arabes ou perses cessent de vouloir eliminer ces israeliens qui ne reveraient que de vivre en paix avec les palestiniens qui forment d'ailleurs 20% de la population de leur pays, sans les hostilites que ces fanatiques instillent dans le coeur de leur peuples??? Que c'est triste de constater que ces dirigeants exploitent ces peuples qui perdent leurs enfants!!!

    RAYMOND SAIDAH

    20 h 18, le 04 février 2024

  • Et oui les sionistes juif sont très fort , l’Amérique est gouverné par eux même la France

    Eleni Caridopoulou

    13 h 13, le 01 février 2024

  • Magnifique comparaison

    Khalil Antoine

    10 h 46, le 01 février 2024

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