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Économie - Crise

Le réseau d’agences des banques libanaises amputé d’un tiers

Une agence bancaire a besoin de 5 à 15 personnes en moyenne pour fonctionner, selon le syndicat des employés de banques du pays.

Le réseau d’agences des banques libanaises amputé d’un tiers

Une agence bancaire fermée à Sin el-Fil, dans la banlieue est de Beyrouth. Photo P.H.B.

De plus en plus incontournable dans cette 5e année de crise, la restructuration formelle du secteur bancaire libanais se fait toujours attendre. Mais cela n’empêche pas les enseignes du pays de continuer de tailler elles-mêmes dans leurs effectifs et leurs réseaux d’agences (autrefois surdimensionnés par rapport à la taille du pays), au fur et à mesure que le temps passe et que les autorités rechignent encore à prendre le taureau par les cornes.

Selon les derniers chiffres de la Banque du Liban, compilés en janvier par le département de recherche de Byblos Bank, les banques commerciales, d’affaires ou d’investissement établies au Liban n’opéraient plus que 814 agences en juin dernier. Plus de 97 % de ces agences, soit 793 très exactement, appartiennent à des banques commerciales.

Le nombre total d’agences, qui exclut celles des institutions financières non bancaires (comme les organismes de microcrédit), traduit une baisse de 4,6 % depuis début 2023, de 9,8 % en un an et de presque 31 % par rapport à leur nombre en juin 2019. Le secteur en comptait alors 1 177 et allait en perdre quelques-unes avant la fin de cette même année qui a marqué le début de la crise. Les banques libanaises opèrent encore 49 agences à l’étranger, soit 2 de moins qu’un an plus tôt et 24 de moins qu’il y a 5 ans (73).

Et cette tendance devrait s’accentuer au second semestre, compte tenu que plusieurs banques ont continué de tailler dans leurs effectifs sans ajuster les salaires à leur niveau d’avant la crise. « Il y a effectivement eu d’autres décisions dans ce sens entre juin et la fin de l’année », confirme à L’Orient-Le Jour le président du syndicat des employés de banque, Georges el-Hajj.

En décembre, l’ONG Legal Agenda avait évoqué les noms de quatre banques – BBAC, Saradar Bank, SGBL et une de petite taille, la Lebanese Islamic Bank – qui avaient procédé à une nouvelle vague de licenciements et « préparé » d’autres employés à cette perspective en les invitant à rester chez eux tout en continuant à les rémunérer.

Aucune des enseignes n’était alors montée au créneau pour rejeter ces affirmations que nous avons pu nous-même confirmer pour la SGBL – auprès d’une source anonyme au sein de la banque et une autre au sein d’une autre enseigne en décembre – et pour Saradar Bank– via un bref communiqué de réponse qui nous a été adressé lundi.

Pour mémoire

Le Liban a perdu un quart de ses distributeurs de billets

Cinq à quinze postes supprimés par agence qui ferme

« Du fait de la situation dans le pays, nous n’opérons plus qu’une agence au lieu de 22 auparavant et il y a aussi eu une réduction de nos effectifs en conséquence », a ainsi écrit la banque, qui continue toutefois d’opérer un réseau de distributeurs automatiques (ATM) dans le reste du pays, ainsi que des services de banque en ligne, comme indiqué sur son site. Bank Audi avait aussi fermé ou projetait de fermer une dizaine d’agences en décembre, comme nous avons pu aussi le confirmer à l’époque via deux sources anonymes au sein de l’établissement.

« À chaque fois qu’une agence bancaire ferme, c’est entre 5 et 15 postes qui sont supprimés ou suspendus en moyenne », explique Georges el-Hajj. Le nombre d’employés du secteur a lui déjà baissé de 35 % entre fin 2019 et fin 2022, pour une population passée de plus de 26 000 à moins de 17 000 sur cette période, en comptant cette fois les institutions financières non bancaires, en attendant des chiffres plus récents. À fin 2022, le Liban a perdu plus ou moins un quart de ses distributeurs de billets, des terminaux de paiement déployés et des cartes bancaires en circulation, selon les données de la Banque du Liban qui devraient être bientôt actualisées.

L’Association des banques a pour sa part limité sa communication au minimum en se focalisant sur ses attentes par rapport aux mesures à venir de la BDL afin de réglementer le secteur dans ces circonstances si particulières, et en attendant le recours contre l’État pour tenter indirectement de récupérer les dépôts des établissements bloqués à la banque centrale.

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Inégalités des rémunérations

Pour les salaires, la situation évolue en fonction des postes. Selon Georges el-Hajj, la situation varie d’une banque à l’autre, mais certaines constantes demeurent. En quatre ans de crise, la livre libanaise a perdu plus de 98 % de sa valeur, le secteur bancaire a confisqué les économies de centaines de milliers de déposants et a complètement mis fin à ses activités de prêt, qui constituaient sa principale source de revenus.

Malgré cela, les rémunérations des cadres dirigeants ont été les moins impactées, et sont mêmes payées en dollars « frais », le nom des vrais dollars, par opposition à ceux enregistrés dans les comptes bancaires avant le début de la crise et qui ne peuvent plus être retirés tels quels ou à leur valeur de marché, suite aux restrictions bancaires en place depuis le début de la crise.

Les salaires des cadres intermédiaires, qui oscillaient entre 3 000 et 4 000 dollars, sont passés à moins de 1 000 dollars, dont une partie seulement est versée en « fresh ». Les employés les moins gradés sont, eux, payés au lance-pierre, certaines banques continuant de les rémunérer exclusivement en livres libanaises, pour des salaires qui ne valent plus que 200 à 300 dollars en moyenne. Une véritable catastrophe que les avantages sociaux qu’offrent encore les banques ne parviennent pas à combler dans un pays où l’inflation gravite autour de 200 %.

En plus de faire fuir une partie des employés qui n’ont pas été mis à la porte ou sont déjà partis de leur plein gré, la situation du secteur a aussi fait déserter les déposants vers une économie du cash prépondérante. Elle pèserait 9,9 milliards de dollars en 2023, soit l’équivalent de 46 % du PIB, selon un rapport de la Banque mondiale publié en mai dernier, tandis que le taux de bancarisation avait déjà été divisé par deux entre 2019 et 2021, selon le dernier rapport Global Findex de l’organisation internationale qui remonte déjà à deux ans.

Et pour la restitution des milliards de dollars de dépôts bloqués par les restrictions bancaires, les clients lésés ne peuvent pour l’instant compter que sur les promesses de solution équitable du Premier ministre sortant Nagib Mikati. Dans un pays où, peut-être plus qu’ailleurs, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

De plus en plus incontournable dans cette 5e année de crise, la restructuration formelle du secteur bancaire libanais se fait toujours attendre. Mais cela n’empêche pas les enseignes du pays de continuer de tailler elles-mêmes dans leurs effectifs et leurs réseaux d’agences (autrefois surdimensionnés par rapport à la taille du pays), au fur et à mesure que le temps passe et que les...

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Ces officines mafieuses n'ont de banques que le nom. La place des crapules bancaires, (PDG's, cadres dirigeants, membres des conseils d'administration) est en prison pour complicite et participation active dans le gigantesque hold-up de 90 milliards de $ opere au detriment de tout un peuple. Gibiers de potences.

Michel Trad

10 h 02, le 31 janvier 2024

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Commentaires (1)

  • Ces officines mafieuses n'ont de banques que le nom. La place des crapules bancaires, (PDG's, cadres dirigeants, membres des conseils d'administration) est en prison pour complicite et participation active dans le gigantesque hold-up de 90 milliards de $ opere au detriment de tout un peuple. Gibiers de potences.

    Michel Trad

    10 h 02, le 31 janvier 2024

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