Les séances du Parlement libanais consacrées au vote du budget de 2024 offrent l’opportunité de revenir sur 30 ans de chaos qui ont dominé la gestion des finances publiques au plus haut niveau de l’État. Une rétrospective que L’Orient-Le Jour a pu effectuer en confirmant les informations auprès d'une source haut placée au ministère des Finances.
Après la guerre civile, l’État libanais a recommencé à élaborer et voter des budgets nationaux à partir de 1993, mais sans presque jamais respecter les délais constitutionnels. Le budget de 2005 a par exemple été adopté en 2006.
Dans le sillage de cette dernière année marquée par la guerre de juillet opposant le Hezbollah à Israël, qui a été suivi par une décennie de tensions politiques diverses et d’incidents sécuritaires en partie liée à la guerre qui a éclaté en Syrie en 2011, le Liban officiel a vécu sans budget jusqu’en 2017.
Pendant cette période, l’État a fonctionné en tordant la règle du douzième provisoire, qui permet au ministère des Finances, sous certaines conditions exceptionnelles, de continuer de couvrir les dépenses de l’État en l’absence de budget et pendant le premier mois de l’année où ce dernier aurait dû être exécuté.
En 2017, alors que Saad Hariri est Premier ministre, le Parlement vote avec plus de 9 mois de retard le budget de l’État pour l’année en cours. Pendant les 9 mois, l’exécutif abuse encore de la règle du 12e provisoire pour continuer de collecter les impôts et taxes et financer son action.
Celui de l’année suivante sera voté à la va-vite en mars 2018, juste avant la conférence de soutien au pays organisée à l’initiative de la France, la CEDRE (Conférence économique pour le développement, par les réformes et avec les entreprises).
De 2019 à 2023
Pour le budget de 2019, le gouvernement a attendu juillet, alors que la crise que traverse le pays encore aujourd’hui commençait à entrer dans sa phase active. Le budget de 2020 a lui été voté en janvier de l’année suivante, et son contenu était complètement dépassé par rapport à la réalité du taux de change qui dévissait alors depuis plus d’un an.
En 2021, aucun budget n’a été adopté et l’exécutif recommence à dépenser et collecter les impôts sans.
Il faut attendre septembre 2022 pour que la prochaine loi de finance - celle de l'année en cours - soit adoptée. Elle entre en vigueur en novembre 2022, après que le président Michel Aoun n'ait décidé de renvoyer le texte en seconde lecture et entame pour la première fois depuis le début de la crise un processus de rapprochement du taux de change officiel de celui atteint par la livre libanaise sur le marché.
En 2023, l’exécutif n’a envoyé le projet de budget au Parlement qu’en septembre, quelques semaines avant de transmettre celui de 2024. Les deux projets ont été fusionnés par la commission des finances et servent de base au budget actuel.
Les lois de réglements
Pour les lois de règlements, la situation n’est guère plus brillante alors que les gouvernements qui se sont succédés en trente ans n’ont pratiquement jamais respecté les limites des budgets qui ont été votés. Pour faire simple, les lois de règlements arrêtent le montant définitif des dépenses et des recettes de l'État et le résultat financier qui en découle à la fin de l’exercice, permettant au Parlement de contrôler que l’exécutif est bien resté dans les clous fixés par le budget voté pour la même année. Elles sont naturellement votées en fin d’exercice suivant un processus précis.
Pour les années 1993 à 2003, des lois de règlements ont été adoptées, mais avec du retard (celle de 2003 a été votée en 2005) et avec des chiffres complètement fantaisistes par rapport à la réalité. Le premier article de ces lois indiquait d’ailleurs que les chiffres devaient être révisés a posteriori une fois qu’un audit serait réalisé, ce qui les rend objectivement complètement inutiles.
En 2018, le directeur général du ministère des Finances de l’époque, Alain Bifani, et son équipe, présentent tous les projets de lois de règlements « ajustés à la livre près » pour la période allant de 1997 à 2017 compris, un travail poursuivi ensuite pour les années 2018 et 2019.
Mais la cour des comptes n’a pas encore apposé son visa sur ces documents et le Parlement ne les a toujours pas votés. Alain Bifani a, lui, démissionné en 2020 suite à l’échec d’un premier tour de discussions entre le Liban et le Fonds monétaire international devant aboutir sur le déblocage d’une aide financière permettant au pays de financer sa sortie de crise. Le haut-fonctionnaire avait expliqué avoir présenté un plan de sauvetage au gouvernement, qui a été accepté par le FMI, pour ensuite être torpillé par une partie de la classe dirigeante libanaise opposée à la mise en place des réformes demandées par l’organisation internationale.
Depuis 2020, le ministère ne produit plus de comptes servant de base aux lois de règlements. Ses effectifs se sont réduits avec la dépréciation des salaires du public, qui n’ont toujours pas été ajustés au niveau réel du taux de change.
commentaires (5)
Des voleurs qui tiennent les finances du pays et viennent dresser un bilan en concoctant un soit disant nouveau budget qui est le copié-collé de celui déjà existant puisque tout les délits passent inaperçus et les vols prospèrent et pérennent avec les mêmes, quelques repris de justice en fonction de ministres et les autres bobets incompétents qui se disent députés, ministres et président de parlement ou autre titre pompeux et pompants. Ça veut usurper un pays mais ne maîtrisent pas le calcul élémentaire et ne sachant pas ce que c’est un budget comme le génie du siècle l’a confessé à Davos.
Sissi zayyat
10 h 59, le 27 janvier 2024