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Nos Lecteurs ont la Parole

L’arrogance, l’incohérence, l’inconscience et moi... !

Ils ont défilé chez nous, nos chers expatriés, ces légendaires immigrés, ces célèbres exilés, enflammés, embrasés et exaltés, prônant un manque inouï, combien touchant et saisissant, à leur mère patrie. Ils nous ont ensevelis, enlisés et engloutis de vénération, d’attachement et d’affection. Ils ont vagabondé à leur gré, bon gré, mal gré, à leur cadence combien saisissante, singulière et surprenante, pour envahir nos espaces et nos vides, s’afficher dans les plus élégants restaurants, remplir les plus célèbres musettes, gargotes et guinguettes, fredonner des airs de Noël dans des concerts gratuits, se dandiner devant des orchestres jusqu’à la fin de la nuit, dévaliser boutiques, et bazars sans oublier de réclamer certainement les formulaires requis pour des taxes qu’ils n’acquitteront pas. Ne sont-ils pas, ces expatriés, venus fêter Noël et la fin de l’année dans une ambiance enchantée, festive et enjouée ?

Je les entends encore s’exalter, s’enthousiasmer, s’émerveiller de la beauté de notre cher pays et envier pour convoiter notre place et notre vie. Que manque-t-il à votre existence ? nous ont-ils dit. Vous avez le ciel, le soleil, la mer, le vent, les montagnes, les plaines et les vallées…

Je les vois encore s’extasier devant notre man’ouché nationale, humer son thym, goûter sa saveur comme si c’était une première, un évènement, une aubaine pour leur palais affamé. Je les vois encore s’étaler pour ingurgiter des mezzés démesurés, servis à volonté, s’enivrer d’arak, de vin du terroir comme pour s’approprier le territoire… Délicieux, et non dispendieux, s’exclament-ils… Dans notre pays d’adoption, c’est hors de prix, alors tant pis !

Ils s’organisent, nos chers expatriés, autour d’un espresso, un cappuccino, accompagné d’un gâteau bien libanais, fumant leur cigare, leur blonde ou leur narguilé, rassemblant leur auditoire pour conter leurs aventures à l’étranger, nous compter leurs difficultés, nous dénombrer leurs vaillants exploits et recenser fierté, gloire et dignité, une sorte de cacophonie qui nous laissera muets ! Ils excellent pour exposer leurs opinions impertinentes, prêcher des doctrines inconvenantes, prôner des convictions confuses et ratées nous révélant des enseignements étrangers inachevés, des croyances dépareillées sur un Liban qu’ils ont volontairement, sciemment et consciemment quitté. C’est qu’ils n’en pouvaient plus, ils se sentaient étouffés, oppressés, paralysés dans un Liban qui ne leur ressemblait plus malgré le ciel, le soleil, la mer, le vent, les montagnes, les plaines et les vallées…

Les expatriés… heureux de flamber leur argent, fiers de nous répéter que leurs monnaies sont injectées dans un marché qui peine à se lever, qu’ils ont fait le voyage pour contribuer à nous relever, nous aider, ravis de nous offrir des leçons, des instructions, des initiations pour gérer et administrer le peu de patrimoine qui nous reste, ces deniers que l’on compte pour subsister et nous préserver. Avec un orgueil arrogant, ils nous toisent, nous comparent, nous sondent, nous confrontent quelquefois, nous mesurent ou jugent notre condition, notre situation, pour nous coller une vignette pitoyable qui leur permettra de faire la roue tels des paons étalant leurs plumes censées nous impressionner.

Toutefois, ils s’arrangeront discrètement pour nous féliciter pour notre bravoure, notre courage, pour approuver notre résolution à demeurer, à persister, à résister aux intempéries, à danser au gré des charivaris menaçants de mon pays.

Ils s’attendriront devant notre misère quotidienne, nos pénuries habituelles, nos privations usuelles. Ils compatiront à nos souffrances, nos douleurs et nos désespérances, mais reprennent, pour nous consoler et nous soulager, que nous avons le ciel, le soleil, la mer, le vent, les montagnes, les plaines et les vallées…

Il y en a même qui ont trouvé que la guerre au sud du Liban ne concerne pas mon pays… et que les avertissements de sécurité sont désuets. Ils répéteront que ce n’est rien, quelques grabuges peu inquiétants, peu importants, insignifiants. Les gens du Sud ? Ce sont des faits divers qui les indiffèrent et après tout, ces gens-là, ce ne sont pas de leurs affaires. Ils se promèneront alors gaîment, insouciants, sur les plages pour ramasser des galets, se trimbaleront plaisamment en ville pour admirer des décorations périmées, se baladeront agréablement dans les montagnes que nous avons conservées. Il y en a même que les pluies diluviennes ont enchantés, chez eux c’est aride, désertique ou laid et enneigé.

Il y en a qui ont trouvé amusant de monter et descendre des escaliers pour visiter tantes, oncles et autres alliés. C’est un exercice physique gratuit important pour le maintien de la forme et de la santé. D’autres ont considéré l’importance de l’environnement, gaspiller énergie et électricité, c’est ignoble et insupportable pour la société. Une nuit à la chandelle, c’est gracieux, exquis et délicieux. Un feu de bois, c’est comme cela que nos grands-parents se réchauffaient ! Pour l’eau, il est de toute manière malsain d’en prendre du robinet. L’eau en bouteille est meilleure pour la vitalité et la vivacité. Les souvenirs de leur enfance ressurgissent alors pour caresser des mémoires, bercer des images oubliées et reprendre des refrains effacés. Il manquerait les petites chicanes entre communautés, et le tour est joué !

… Et voilà que les sapins décorés, pour eux, sont défaits. Les boules scintillantes devant lesquelles ils se sont pâmés sont démêlées et classées, les lumières sont débranchées. La crèche qui a abrité l’enfant Jésus, Marie, Joseph, rois mages, vaches, ânes et moutons retrouve sa place dans les greniers. Les costumes de fête et tous les artifices qu’ils ont usés sont épuisés.

Ils font leurs valises, plient bagage, pèsent leurs paquetages, nous font leurs adieux avec révérence et déférence. Finalement, ils sont soulagés de partir, ces pénuries commençaient à les déranger, nos lamentations à les culpabiliser et notre quotidien à les perturber. Et puis, la situation pourrait s’empirer, Gaza n’est pas très loin et le Sud pourrait s’enflammer.

Ils nous quittent à regret, quelques dernières accolades, de douces étreintes et de tendres embrassades, et les voilà partis !

Ils nous laissent notre ciel, notre soleil, notre mer, notre vent, nos montagnes, nos plaines et nos vallées. Cela nous suffit, nous nourrit et nous assouvit !

Chez nous, nous avons la vie !


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Ils ont défilé chez nous, nos chers expatriés, ces légendaires immigrés, ces célèbres exilés, enflammés, embrasés et exaltés, prônant un manque inouï, combien touchant et saisissant, à leur mère patrie. Ils nous ont ensevelis, enlisés et engloutis de vénération, d’attachement et d’affection. Ils ont vagabondé à leur gré, bon gré, mal gré, à leur cadence...

commentaires (3)

Le stade infantile de la culture libanaise incapable de sortir de son cocon. Et l'on se demande pourquoi le pays est a ce stade d'agenesie mentale.

M.J. Kojack

16 h 17, le 15 janvier 2024

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Commentaires (3)

  • Le stade infantile de la culture libanaise incapable de sortir de son cocon. Et l'on se demande pourquoi le pays est a ce stade d'agenesie mentale.

    M.J. Kojack

    16 h 17, le 15 janvier 2024

  • votre (et non vous) article..

    MOBIUS

    16 h 15, le 15 janvier 2024

  • Chere Madame Je ne comprends pas l’utilite de votre article. Il reflete une certaine colere et probablement une aigreur a l’encontre de la communaute Libanaise d’expatries. Vous avez tendance a bien generaliser. Le success, de certains, sont aussi notre fierte et un des atout de notre cher pays (a tous!). Je trouve la fin de votre article encore plus desolant. Ca veut dire quoi “ils nous laissent notre ciel, notre mer, notre vent….chez nous, nous avons la vie”…Ce Pays appartient a tous les Libanais. Vous article ne reflete pas la vie, mais la mort d'une ouverture d'esprit.

    MOBIUS

    13 h 17, le 15 janvier 2024

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