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La France face à l’armistice de 1940 : entre résignation et résistance


En général, l’histoire populaire est écrite par les vainqueurs. Cependant, en ce qui concerne l’armistice entre la France et l’Allemagne nazie, cette règle ne s’applique pas, et cela malgré la défaite des partisans de la signature de l’armistice après que la France eut perdu militairement la guerre contre l’Allemagne. Il existe, en effet, une croyance répandue selon laquelle l’armistice a sauvé la France. Pourtant, à l’époque, d’autres propositions, en dehors de l’armistice, avaient été envisagées, telles que la poursuite de la guerre.

Afin de mieux comprendre cette période complexe de l’histoire française, il est essentiel d’examiner les arguments en faveur de l’armistice, les diverses alternatives envisagées et leurs conséquences à long terme.

La défaite imminente de la France en juin 1940 résulte de plusieurs facteurs, ce qui a conduit ses dirigeants politiques et militaires à envisager diverses options possibles. Les débats à ce sujet ont provoqué des divisions au sein du gouvernement français, dirigé par Paul Reynaud à l’époque, ainsi qu’au sein des cercles politiques et militaires, concernant la poursuite de la guerre ou la signature d’un armistice. Parmi les personnalités les plus influentes des deux camps, on retrouve les partisans de la poursuite de la lutte, tels Paul Reynaud et Charles de Gaulle, et ceux favorables à l’armistice, tels Philippe Pétain, Pierre Laval, le général François Darlan et le général Maxime Weygand. Ces dissensions ont débouché sur la démission de Reynaud et l’accession au pouvoir du gouvernement de Philippe Pétain qui a fini par signer l’armistice avec l’Allemagne le 22 juin 1940.

L’armistice a divisé la France en deux : une partie occupée par l’armée allemande et une zone libre, conformément aux termes de l’armistice conclu avec l’Allemagne, et cela jusqu’en novembre 1942, date à laquelle toute la France est tombée sous occupation allemande. Le régime de Vichy dirigé par le maréchal Pétain a alors transformé la République française en un « État français » et en a modifié la devise, remplaçant le célèbre « Liberté, égalité, fraternité » par le triptyque « Dieu, famille, travail ». Cette transformation a constitué un tournant politique vers une forme de régime de dictature personnifiée, rapprochant la France du régime nazi de l’occupant, le pays s’engageant dans une collaboration avec l’ennemi.

La collaboration de la France avec l’Allemagne nazie a impliqué plusieurs personnalités politiques, dont la plus importante était incontestablement le général Philippe Pétain, chef de l’État français, qui cherchait à établir une alliance avec l’Allemagne. De même, Pierre Laval, vice-président du Conseil, devint chef du gouvernement après sa démission et sa nomination par les Allemands le 18 avril 1942. Il est l’architecte de la collaboration avec l’occupant et visait à renforcer la coopération entre les deux pays pour promouvoir la position de la France sous l’occupation. René Bousquet, quant à lui, occupait le poste de secrétaire général de la police de Vichy. Bousquet a organisé de nombreuses rafles de juifs, ce qui a conduit à leur déportation à Auschwitz. Après la guerre, Pétain et Laval ont été condamnés à mort pour trahison. Laval a été exécuté, tandis que Bousquet a échappé à l’épuration après la Libération.

Les principales actions de collaboration ont inclus la promulgation de lois antisémites, la collaboration économique et la création de la Milice française en 1943 – une organisation paramilitaire répressive agissant aux côtés des Allemands et de la police française pour réprimer la résistance et persécuter les juifs – ainsi que le Service du travail obligatoire (STO) institué en 1943 forçant les jeunes Français à travailler en Allemagne.

De l’autre côté, après la défaite de la France face à l’Allemagne en juin 1940, les deux partisans de la poursuite de la guerre : Paul Reynaud, qui sera ultérieurement emprisonné par l’État français de Vichy, puis par les Allemands, et Charles de Gaulle, qui initie la résistance contre l’occupant. De Gaulle quitte alors la France pour Londres, où il prononce son célèbre « Appel du 18 juin », un appel à continuer la guerre. Juste après, il commence à recruter des volontaires français pour rejoindre la France libre. Leur nombre atteint 73 000 combattants, et cela avant leur incorporation, en août 1943, dans l’Armée d’Afrique qui a porté leurs effectifs à environ 450 000 recrues, leur nom devenant alors « L’Armée française de la Libération ».

La Force France libre, puis L’Armée française de la Libération, dirigées par de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale, ont joué un rôle essentiel dans le sort de la guerre. Parmi leurs exploits, la résistance héroïque lors de la bataille de Bir Hakeim en Libye qui a ralenti l’avancée allemande, contribuant ainsi à la victoire décisive des Alliés à El-Aalamein, un point stratégique pour tout le Levant. De plus, ces armées ont participé activement au Débarquement de Provence en France et à celui d’Italie qui ont, eux aussi, contribué à la défaite de l’Allemagne.

Le général de Gaulle connaissait l’importance de la résistance intérieure, alors fragmentée en divers groupes. De ce fait, en 1942, la France libre devient la « France combattante » afin de montrer son soutien à la résistance intérieure. Jean Moulin, chargé de cette mission par de Gaulle, crée en mai 1943 le Conseil national de la résistance (CNR) et en assume la direction. À cette période, la Résistance française affaiblit les Allemands par des sabotages, de l’espionnage et de la propagande et contribue à la libération de la France en soutenant le débarquement en Normandie et ouvre le champ à la libération de Paris en août 1944 par l’affrontement militaire avec les Allemands.

Les termes de l’armistice placent les colonies françaises sous l’autorité du régime de Vichy. Au lieu qu’elles ne soient d’une importance stratégique capitale pour la France, elles deviennent alors un théâtre de combats majeurs, notamment à Dakar, en Afrique de l’Ouest, en Syrie et au Liban et, plus est, une zone de conflits internes entre les Français. Ainsi, peu des Français de pays colonisés ont répondu à l’appel du général de Gaulle, notamment en Afrique centrale, tandis que d’autres sont carrément restés loyaux à Vichy. Après des batailles meurtrières, les colonies ont finalement été libérées. Cependant, après leur libération, la loyauté de l’armée française stationnée sur place a été variable, oscillant entre les Alliés et Vichy, considérée légitime par certains militaires. Par exemple lors de la campagne de Syrie et du Liban, où les deux pays étaient sous le contrôle de Vichy, seuls 5 000 soldats français sur un total de 35 000 militaires sur place ont rejoint les Alliés après la défaite, la majorité étant retournée en France. Le général de Gaulle a également mené une bataille politique acharnée contre les Britanniques afin de préserver les colonies à la France. En juillet 1940, les Britanniques ont bombardé la flotte française à Mers el-Kébir en Algérie pour éviter qu’elle ne tombe sous contrôle allemand, causant ainsi la mort de 1 295 marins français, Une perte de plus pour les Alliés.

Ainsi, un homme seul, charismatique, visionnaire, courageux, déterminé et inflexible, le général du 18 juin, a brillamment modifié le cours de l’histoire, malgré tous les obstacles qui se dressaient devant lui : sa condamnation à mort en tant que traître par le régime de Vichy, de ses désaccords avec le président américain Franklin D. Roosevelt qui avait cherché à promouvoir d’autres chefs français pour diriger l’Armée française de la Libération, tels François Darlan et Henri Giraud, à sa relation avec Winston Churchill qui connaissait des hauts et des bas. Mais sa détermination a finalement prévalu.

Quelle aurait été l’issue de la guerre si toute la France avait suivi la voie du général de Gaulle ? Cette question a suscité des débats historiques concernant le choix de poursuivre la guerre aux côtés des Alliés au lieu de signer l’armistice en 1940. La décision de signer l’armistice a été critiquée pour avoir affaibli le pays sous l’occupation allemande et pour avoir entraîné une politique de collaboration maintenant l’État français à l’écart du conflit. Avec les ressources de son empire colonial et le soutien de son armée, la France aurait potentiellement pu jouer un rôle significatif dans la lutte contre l’Allemagne nazie, contribuant ainsi à raccourcir la durée du conflit et à minimiser les pertes humaines. Par exemple, plusieurs pays occupés, tels que la Pologne, les Pays-Bas, la Norvège, la Grèce, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, ont vu leurs dirigeants choisir de quitter leur pays pour continuer la guerre aux côtés des Alliés.

Il est souvent aisé de porter des jugements rétrospectifs sur les événements, grâce au recul qui permet une analyse plus objective et plus approfondie du passé, ces événements pouvant être perçus de diverses manières en fonction de la perspective et des informations disponibles au moment où ils sont survenus. Cependant, le choix du général de Gaulle de poursuivre la guerre et son exploit patriotique montrent que la France disposait effectivement d’une option de résistance viable, sans compter que les seules clauses de l’armistice avantageuses pour la France relatives à la zone libre et aux colonies ont été, en définitive, dépassées par les événements.

Architecte D.P.L.G.

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En général, l’histoire populaire est écrite par les vainqueurs. Cependant, en ce qui concerne l’armistice entre la France et l’Allemagne nazie, cette règle ne s’applique pas, et cela malgré la défaite des partisans de la signature de l’armistice après que la France eut perdu militairement la guerre contre l’Allemagne. Il existe, en effet, une croyance répandue selon laquelle...

commentaires (1)

Très intéressant surtout sur le Liban je ne savais pas que le Liban était sous contrôle de Vichy car mon père a travaillé pour la France libre et il a même connu De Gaule alors c’était vers 1940 .

Eleni Caridopoulou

16 h 23, le 20 décembre 2023

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Commentaires (1)

  • Très intéressant surtout sur le Liban je ne savais pas que le Liban était sous contrôle de Vichy car mon père a travaillé pour la France libre et il a même connu De Gaule alors c’était vers 1940 .

    Eleni Caridopoulou

    16 h 23, le 20 décembre 2023

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