Alors que le Liban est impliqué dans le conflit qui bat son plein à Gaza au risque d'être emporté dans une nouvelle guerre dévastatrice, le Courant patriotique libre et les Forces libanaises s'écharpent autour de l'avenir du commandant en chef de l'armée, Joseph Aoun, dont le mandat arrive à terme le 10 janvier 2024.
Quelques jours après avoir présenté une proposition de loi retardant d'un an le départ à la retraite du chef de la troupe,quel qu'il soit, le parti de Samir Geagea entend aller de l'avant dans la mobilisation à travers une tournée auprès de protagonistes locaux pour assurer le soutien le plus large à sa démarche. Le patriarche maronite, Béchara Raï, vient de se ranger parmi les soutiens à cette option. De quoi fragiliser un peu plus la position de Gebran Bassil, déterminé à tourner la page Joseph Aoun (une des plus sérieuses figures consensuelles à la présidence de la République) coûte que coûte. Sauf que le chef du CPL ne semble pas vouloir s'avouer vaincu. Ce délai de deux mois (restants du mandat de Joseph Aoun), il aurait déjà commencé à le mettre à profit. Au point de se montrer disposé à rompre avec le boycottage du Conseil des ministres pour que le gouvernement puisse nommer un successeur au patron de la troupe. Un poste pourtant rattaché à la présidence de la République dont il dit vouloir défendre les prérogatives en période de vacance présidentielle.
En attendant, c’est à Aïn el-Tiné que débutera la tournée des FL. Un choix loin d’être anodin, d'autant que Nabih Berry a été l'un des premiers à tenter de tuer dans l’œuf cette démarche. Le chef du législatif a en effet rejeté ce qu’il a appelé « la législation à la carte », Meerab ayant boycotté, jusqu’ici, toutes les séances de la Chambre tenues en période de vide présidentiel. « Nous avons choisi de commencer par M. Berry pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’un président de la Chambre n’a pas le droit de fermer les portes de l’hémicycle. Ensuite, parce que la question du commandement de l'armée est urgente, dans la mesure où elle a trait à la sécurité nationale », explique Ghayath Yazbeck, député FL, à L’Orient-Le Jour. Il indique que les parlementaires FL se réuniront avec « tous les protagonistes qui partagent (leur) point de vue ». Comprendre : pas de rendez-vous avec le Hezbollah ni avec le CPL.
« Il est honteux d’entendre des propos qui évoquent le fait de faire tomber le commandant en chef de l’armée durant la période la plus critique de l’histoire du Liban », avait lancé Béchara Raï dans son homélie dimanche dernier. « Bkerké ne se noie pas dans les détails de la politique politicienne », commente M. Yazbeck, précisant que le forcing de son parti dans ce dossier « n’est pas un cadeau aux maronites (le poste de chef de la troupe étant réservé à cette communauté, NDLR), mais à tous les Libanais, parce qu’on ne change pas d’officiers pendant la guerre ». Le député accuse dans ce cadre le chef du CPL de vouloir « imposer au futur président un nouveau patron de la troupe ». « M. Bassil tente de pousser pour la nomination d’une figure qui lui serait acquise, et veut sanctionner Joseph Aoun uniquement parce qu’il a fait preuve, aux yeux du chef du CPL, d’ingratitude à l’égard de ceux qui l’ont désigné à son poste », estime M. Yazbeck en référence à l'ancien président Michel Aoun.
Le CPL : de nouveaux noms ?
Ces propos interviennent à l’heure où des informations relayées mercredi dans la presse locale faisaient état d’efforts déployés par le CPL pour nommer le successeur de Joseph Aoun et le reste des membres du conseil militaire (organe décisionnel de l’armée) lors d’un Conseil auquel prendraient part les ministres gravitant dans l’orbite aouniste. L’OLJ a appris de source informée que le parti mène des contacts allant dans ce sens avec le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, qui veut clore ce dossier avant la date butoir du 10 janvier. Les contacts seraient articulés autour de plusieurs noms relevant de la fameuse promotion 1994, baptisée « la promotion Michel Aoun ». Celle-ci concerne des officiers, pour la plupart chrétiens, entrés à l'École militaire quelques années plus tôt, à l'époque où le fondateur du CPL était à la tête d'un gouvernement militaire de transition (1988-1990). Ils avaient subi des préjudices liés au fait qu'ils n'avaient pas été promus comme leurs camarades au sein de l'armée. Le choix de ces noms, si les informations se confirment, est loin donc de relever du simple hasard. Il s’agirait de Tony Kahwagi (actuel chef des SR de l’armée), Élie Akl et Maroun Kobeiyati, qui faisaient partie des commandos de l’armée. Il y aurait aussi Jean Nohra, directeur des opérations, et David Bechaalani, commandant du sixième régiment d’intervention déployé à Baalbeck.
Officiellement, le CPL s’en tient à sa position. « Le chef du CPL n’a évoqué la question (de la prorogation du mandat du chef de l’armée) avec personne. Quand on lui posait la question (lors de sa tournée auprès des protagonistes politiques), il rappelait notre position de principe selon laquelle nous nous opposons à toute prorogation. La solution réside dans l’élection d’un président et la formation d’un gouvernement qui plancherait sur les nominations. Les solutions d’ordre légal et administratif existent », a écrit la vice-présidente du parti pour les affaires politiques, Martine Najm Koteily, mercredi sur son compte X. Elle emboîte le pas au bloc parlementaire aouniste qui s’est exprimé sur le sujet dans un communiqué publié mardi. Le « Liban fort » a en effet « réitéré son refus de toute prorogation, ainsi que de toute législation qui irait à l’encontre du principe de généralité de la loi », dans une pique au projet des FL qui ne concerne que le poste de chef de l’armée. Et le bloc de réitérer son appel à ce que l’officier le plus haut gradé prenne la relève (en l’absence d’un chef d’état-major depuis décembre 2022) après la fin du mandat de Joseph Aoun.
Dans le titre de l’article c’est Joseph Aoun qui est la vedette mais paradoxalement c’est Bassil et le CPL qui en font le contenu .
20 h 30, le 09 novembre 2023