
La réaction d'un homme portant un drapeau palestinien à la vue des tombes des combattants du Hezb morts depuis le début des affrontements. Photo Ahmad al-Rubaye/AFP
Suivi par « quatre milliards de personnes qui ont retenu leur haleine », comme l’a indiqué hier un peu hardiment le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, le discours du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, a rassuré les uns et déçu tous ceux qui souhaitaient une guerre plus totale pour en découdre avec Israël. Outre une large faction de la base populaire arabe, sunnite en majorité, qui a vu sa dignité rehaussée avec l’attaque sanglante du 7 octobre orchestrée par le Hamas, puis échaudée au plus haut point par les bombardements sur les civils effectués par l’armée israélienne à Gaza, certaines factions palestiniennes, voire même au sein du parti de Dieu, qui avaient espéré l’annonce d’une plus grande implication de ce dernier, ont dû revoir à la baisse leurs attentes.
Du côté officiel du Hezb comme du côté palestinien, c’est un peu la loi de l’omerta à ce sujet. Ici et là on se contente d’exprimer sa satisfaction de la teneur d’une intervention qualifiée de « sage, mesurée et stratégique », en ce sens que le chef du parti chiite a largement laissé la porte ouverte à d’autres éventualités. Autant de brèches qui laissent aux plus dépités quelques espoirs de voir la « résistance libanaise » décider de s’embarquer, tôt ou tard, sinon dans une guerre totale du moins élargir le front de sorte à soutenir de manière plus prononcée Gaza dans son épreuve.
Au sein du Hezbollah – dont les assises étaient pourtant divisées entre ceux qui sont en faveur d’un plus grand engagement auprès du Hamas, et les réalistes, qui préfèrent que le front reste confiné au Liban-Sud –, on s’abstient de tout commentaire sur un sujet qui divise profondément.
« Au sein du parti, il y a un accord général et une unanimité sur la stratégie actuellement suivie par le Hezb », se contente de dire Kassem Kassir, un proche de cette formation.
L’heure n’est pas aux clivages, encore moins à dévoiler une vulnérabilité quelconque face à l’adversaire, mais plutôt à parfaire l'image d'un front uni et cohérent autour du chef d’orchestre, Hassan Nasrallah. Un mot d’ordre qui semble avoir été également suivi à la lettre par les deux principales formations palestiniennes engagées dans la tranchée aux côtés du parti chiite, à savoir le Hamas et le Jihad Islamique.
Au sein du Hamas on préfère tourner la page des déclarations tonitruantes de la mi-octobre, du responsable du bureau politique du Hamas à l’étranger, Khaled Mechaal, qui a qualifié les opérations menées à partir du Sud par le Hezbollah de « timides et insuffisantes », mettant dans l’embarras le Hamas. Pourtant, dès le premier jour de l’opération du Déluge d’al-Aqsa, Mohammad Deif, le chef des Brigades al-Qassam – qualifié de « stratège de l’ombre » –, avait souhaité, dans un enregistrement audio, l'activation de tous les fronts arabes qu'il a invités à rejoindre la bataille. Mais tout cela est du passé.
« À l’exception de Mohammad Deif, personne n’a demandé au Hezbollah de déclarer la guerre », précise le responsable médias au sein du Jihad Islamique, Khaled Abou Hayl. À l’instar des autres composantes de la résistance, il reprend toute la logique développée par Hassan Nasrallah, à savoir que le parti chiite « joue un rôle primordial, même si ce rôle ne s’élève pas au rang de la guerre ». « Le Hezbollah a bel et bien semé la confusion dans les rangs de l’armée israélienne », assure-t-il, reprenant ainsi l’argumentaire de Hassan Nasrallah selon lequel les combats menés à la frontière du Liban-Sud ont occupé un tiers des effectifs israéliens les contraignant à s’écarteler entre deux fronts.
L’un des hauts représentants du Hamas à Beyrouth, Oussama Hamdane, a pour sa part salué « l’action de la résistance, au Liban, en Irak et au Yémen, dont nous tirons toute notre fierté » a-t-il dit. Des propos d’une retenue et d’une sobriété surprenante. Le responsable des relations extérieures au sein du Hamas, Ali Baraké, a misé pour sa part sur le « flou » sciemment entretenu par Hassan Nasrallah et surtout les promesses d’une bataille qui ira crescendo, avec des combats dont l’intensité sera progressivement augmentée. « Le parti n’a pas du tout reculé. Il poursuit le combat au Liban-sud sur le même rythme, voire plus », estime-t-il.
Il en veut pour preuve le fait que les moyens employés et l’ampleur des affrontements au Sud ont pris une « autre tournure », avec l’emploi de nouvelles armes, notamment l’utilisation, samedi pour la première fois, du missile baptisé Bourkan (Volcan), qui a dépassé la limite de la distance jusque-là respectée ( 5 à 7 km ), pour aller au-delà de 10 km en territoire israélien, assure-t-il.
Pour les Brigades d’al-Aqsa, l’aile militaire du Fateh, il n’ y a pas lieu de parler de déception tant que Hassan Nasrallah a fait entendre que la bataille, qui a commencé dès le second jour, n’est pas terminée et qu’elle recèle plusieurs surprises à venir. « C’est un discours qui porte principalement sur l’action stratégique. En tant que militaire, je dis que c’est exactement ce qui est demandé pour l’heure. Je m’attends à l’extension du conflit sur tous les fronts », a indiqué à L’OLJ le chef des Brigades d’al-Aqsa, Mounir Makdah. « Le déluge pourrait bien venir du Sud bientôt », dit-il, avant de souligner que les camps palestiniens sont « fin prêts ».
Préparés à l’avance
Mais si les principales factions palestiniennes – Hamas et le Jihad Islamique – n’ont pas paru surpris ou déçus par le Hezbollah, c’est que ce dernier a pris le soin de les informer à l’avance, pour les préparer en vue d’anticiper toute réaction fâcheuse.
« Nous avons été prévenus avant la date du discours », confie une source proche du Hamas qui a requis l’anonymat. Si les principales formations islamistes ont décidé de gérer leur déception – si déception il y a eu –, la base populaire à Gaza, au Liban et ailleurs dans le monde arabe a très peu réussi à le faire. Les commentaires parfois houleux et réprobateurs à l’égard du Hezbollah sur la Toile notamment en disent long sur les attentes déçues.
De l’avis de nombreux Palestiniens et même Libanais, l’ampleur de la déception s’expliquerait notamment par la bande-annonce diffusée à la veille du discours, qui a suscité de nombreux espoirs chez tous ceux qui s’attendaient à plus. La promotion orchestrée par le parti chiite avant le jour J du discours a « donné la fausse impression que le ton et l’action allaient monter bien au-delà du plafond fixé par le Hezb », commente la source anonyme du Hamas.
Très populaire sur la Toile, un journaliste palestinien basé à Londres, Abdel Bari Atwan, qui est suivi par des milliers d’internautes, a commenté par un reproche discret : « Nous nous attendions à plus. » « Les attentes de la population de Gaza étaient très élevées », s’est contenté de commenter pour sa part Adel Zahnoun, activiste et journaliste à Gaza.
Face aux Palestiniens qui se sont aventurés à exprimer leur mécontentement sur la Toile, l’armée électronique du Hezbollah a réagi avec une violence extrême, rapporte un internaute sous condition d’anonymat. « Leur riposte verbale a été pire que celle des Israéliens », a-t-il fait remarquer. Une réaction vraisemblablement destinée à faire taire toutes les critiques à l'adresse de Hassan Nasrallah.
L,OLJ NE M,AYANT PAS DICTE CE QUE JE DEVAIS ECRIRE, MON CONNENTAIRE FUT CENSURE.
19 h 04, le 06 novembre 2023