Alors que la guerre frappe aux portes du pays depuis l’offensive surprise Déluge d’al-Aqsa du Hamas en Israël le 7 octobre, les établissements scolaires du Liban se préparent à une éventuelle extension du conflit. À sept kilomètres de la frontière sud du Liban avec Israël, et alors que plus loin tonne régulièrement le canon, la directrice de l’École officielle élémentaire de Tebnine, Hyam Fawaz, « refuse de penser au pire » : « Nous fonctionnons normalement, pour l’instant. Mais si le conflit gagnait le Liban, nous n’aurons d’autre choix que de fermer et d’envisager l’enseignement à distance, même si l’expérience n’a pas été concluante lors du confinement (lors de la pandémie de Covid-19). Aurons-nous seulement l’électricité et une connexion internet ? »
Dans ce contexte extrêmement volatile, les écoles du Liban sont dans le flou et naviguent à vue, dans l’attente de la stratégie de crise promise par le gouvernement et le ministère de l’Éducation. « Nous n’avons reçu aucune directive du ministère de l’Éducation ou du secrétariat général des écoles catholiques », assure sœur Bassima Khoury, directrice du bureau pédagogique des sœurs antonines dont la congrégation scolarise 15 000 élèves à travers le pays. L’OLJ a tenté en vain de joindre le ministre et le directeur général de l’Éducation, respectivement Abbas Halabi et Imad el-Achkar, de même que le secrétaire général des écoles catholiques, le père Youssef Nasr, qui se trouve, lui, à l’étranger.
Vendredi, le gouvernement publiait le cadre général du plan national de réponse aux catastrophes et crises. Dans un pavé de 229 pages, il dresse les grandes lignes des questions épineuses en cas de guerre, sans pour autant donner de réponses concrètes aux inquiétudes qui taraudent la communauté éducative sur la sécurité des élèves en cas de bombardement, sur la poursuite de l’enseignement, sur le maintien de la connexion internet ou du courant électrique, sur le sort de l’année scolaire si les bâtiments scolaires devaient héberger les déplacés... « Si une guerre généralisée se déclare, tout cela n’aura plus aucun sens », murmure une source informée du secteur éducatif, préférant rester anonyme.
La sécurité prioritaire
Alors les écoles s’apprêtent, chacune selon ses moyens, dans un contexte aussi de crise économique inédite depuis 2019. Les institutions privées, qui perçoivent une partie (ou la totalité) de leurs écolages en dollars, déploient les grands moyens, sur les plans à la fois sécuritaire et pédagogique.
La sécurité des élèves en cas de bombardement est pour l’heure la priorité des chefs d’établissement et des parents. Si la question est largement débattue au sein d’institutions, faisant même l’objet de plans sécuritaires assortis de simulations avec la participation d’élèves, elle est envisagée de manière plus discrète parfois, afin de préserver la santé mentale des enfants. « Nous étudions un plan de sécurité à l’école des sœurs antonines Mar Doumit de Roumié, basé sur le confinement et l’évacuation des élèves en cas de bombardement, en coordination avec les enseignants et les parents. Nous devrions lancer une simulation très bientôt avant de le dévoiler et de le diffuser à tous nos établissements », révèle sœur Bassima Khoury.
Même initiative au sein des écoles de la fondation caritative des Makassed (6 000 élèves dans 16 établissements) qui réactivent et réactualisent leur plan d’urgence après avoir formé nombre d’enseignants aux premiers secours avec la Croix-Rouge et la Défense civile. Une école privée anglophone à Sin el-Fil vient, pour sa part, d’adresser aux parents d’élèves un courriel détaillant les mesures envisagées en cas d’urgence, parmi lesquelles le plan d’évacuation des étages supérieurs, le rôle des enseignants et des élèves les plus âgés pour éviter tout affolement, la mise à l’arrêt des transports scolaires, le rôle des parents... « Nous évitons de mobiliser les enfants, afin de préserver leur sérénité et celle des enseignants. Cela ne veut pas dire que nous ne nous préparons pas, par ailleurs, en cas de guerre », réagit le responsable de la Mission laïque française au Liban (9 500 élèves), Patrick Joseph. « Nous n’avons pas même un abri, tout juste un parking », se désole, de son côté, la directrice de l’école secondaire publique Chakib Arslane.
Depuis le 10 octobre déjà, une cinquantaine d’écoles de la bande frontalière sont fermées, en raison de la dégradation sécuritaire au Liban-Sud. Sur directives du ministère de l’Éducation et du secrétariat des écoles catholiques, élèves et enseignants déplacés sont invités à s’enrôler provisoirement à l’école de leur choix, dans la région où ils se trouvent : élèves du public à l’école publique et élèves de l’école catholique dans n’importe quelle école catholique, même d’une autre congrégation que leur établissement initial. Il est encore prématuré d’évaluer les résultats de telles consignes.
Enseignement en ligne ou retour aux documents papier
La question pédagogique reste au cœur de l’activité des institutions éducatives. Au fil des années, nombre d’entre elles ont amélioré les techniques de l’apprentissage à distance auquel elles ont recours lors de fermetures forcées. « Nous sommes prêts pour l’enseignement en ligne, dans la mesure où la connexion internet est disponible », affirme sœur Afaf Abou Samra, directrice générale des établissements des Saints-Cœurs qui scolarisent 22 000 élèves dans le pays. « À partir du moment où nos établissements scolaires sont fermés pour une raison ou une autre – manifestations, grève, pandémie, intempéries, problèmes sécuritaires –, nous réactivons immédiatement l’enseignement à distance, sauf coupure d’internet », renchérit Patrick Joseph de la MLF.
Et en cas de coupure totale de la connexion internet, les chefs d’établissements privés n’hésitent pas à étudier tous les scénarios possibles : « Nous pourrions revenir aux cahiers d’exercices, tels les devoirs de vacances », affirme sœur Bassima Khoury, directrice du collège des sœurs antonines – Mar Doumit (Roumié). « Si les écoles sont fermées et que la coupure d’internet est généralisée, nous aurons recours aux documents en papier. L’essentiel étant de lutter contre le vide éducatif », observe sœur Afaf Abou Samra. « Nous pourrions éventuellement prolonger l’année scolaire si la connexion internet était totalement interrompue pour cause de guerre », souligne de son côté Ghina Badaoui, directrice des affaires éducatives des écoles des Makassed.
Moins nanties par manque de financement, dans un contexte de déliquescence des institutions publiques et d’appauvrissement de la population, les écoles publiques devront, elles, se contenter d’envoyer à leurs élèves des consignes et des exercices par mail ou sur le réseau téléphonique WhatsApp, lorsque la connexion fonctionne. « Nous relevons les numéros de téléphone et les mails de nos élèves. Mais l’enseignement à distance promet d’être compliqué. Élèves et enseignants sont sévèrement handicapés par les pannes de courant et d’internet, sans oublier le manque d’équipements adéquats. Dans ce cadre, impossible d’envisager des cours en ligne », regrette Wassila Yamout, directrice du lycée publique secondaire Chakib Arslane de Beyrouth. C’est dire, à nouveau, le fossé qui n’en finit pas de se creuser entre l’école privée et publique.
Le Liban appartient aux Libanais alors que ceux qui veulent faire la guerre aillent la faire à Gaza et laisse le Liban et son peuple en paix. Avoir un passeport Libanais ne fait pas de vous des libanais. Allez Oust dehors. Le Liban a assez souffert. Basta
15 h 21, le 23 octobre 2023