Le Liban ne veut pas la guerre, mais ce n’est pas comme il veut. Ceux qui crient depuis hier « Mort à l’Amérique », « Guerre, guerre, guerre », « Mort à Israël », « Donne-nous le feu vert » et accessoirement « Chia, chia, chia » devant les ambassades de France et des États-Unis n’en veulent pas non plus, de la guerre. Mais ce n’est pas comme ils veulent. La guerre, ils sont les premiers à savoir ce que c’est. Qui d’entre nous est de nouveau prêt à vivre dans des villes et des routes labourées, de nouveau sans le peu d’eau, d’électricité, de nourriture et de médicaments disponibles, sans hôpitaux, sans écoles, sans travail, sans revenus, sans aucun élément vital de base, avec la terreur et l’insécurité en plus ? Avec nos crises innombrables, nous sommes déjà plusieurs sous-sols plus bas que notre niveau de développement à la veille de la guerre de 1975. Avec sa centaine de milliers de morts et plus, celle-ci n’était pourtant, à comparer avec le perfectionnement actuel de l’armement, qu’une guerre de pacotille.
Les Libanais ne veulent pas la guerre, mais si l’Iran décide que le Hezbollah doit ouvrir sérieusement le front libanais, ils ne seront pas consultés. Et ils savent ce que cela voudra dire. Et autant le dire, le climat ici est à l’inquiétude, pour ne pas dire la peur, même si tout cela est noyé sous des concerts de slogans, des ballets de drapeaux et des fumées lacrymogènes.
Gaza nous crève le cœur. L’inégalité que subissent ses habitants impose une lutte pour leurs droits, une prise de position claire à leurs côtés, mais pas un élargissement inutile du front au prix de nouvelles victimes libanaises et la destruction totale d’un pays déjà à bout de souffle. Nous savons, à notre échelle, ce que signifie Gaza depuis le 7 octobre. Nous savons ce que signifie un hôpital bombardé avec ses malades, son corps médical et les centaines de déplacés qui pensaient y trouver refuge. Nous savons ce que signifie le bombardement des écoles, les mises en garde qui tombent sur vous en pluie et les ordres d’évacuation quand vous ne savez plus où aller. Nous savons l’humiliation de quémander quand tout manque et que les enfants ont soif et faim, et meurent le ventre vide. Les parents qui donneraient tout pour les protéger mais ne trouvent que le ciel pour arrêter leurs souffrances. Nous savons ce que représente l’une des armées les plus puissantes du monde quand elle n’est plus dans l’autodéfense mais dans la vengeance pure. Le Hamas a joué sale. Il connaît son ennemi et la réplique israélienne n’était pas difficile à anticiper. Qu’espérait-il ? Tirer gloriole d’une attaque au parapente sur une fête et d’une incursion meurtrière dans les kibboutz pacifistes des environs ? Au risque de mettre deux millions et demi d’habitants en danger absolu ? A-t-il vraiment cru cueillir le fruit blet d’un régime israélien divisé et affaibli ? Ne savait-il pas que les guerres sauvent les dirigeants bancals en ajournant leur déchéance ? A-t-il trop vite présumé d’une aide de l’axe iranien, principalement le Hezbollah, plus massive que les escarmouches en cours, qui ont essentiellement coûté la vie au journaliste Issam Abdallah et qui déjà, si elle arrive, n’arrivera que trop tard pour ceux qui ont déjà tout perdu ? Et quand bien même ces « amis » interviendraient d’une façon ou d’une autre dans cette guerre, quel prix en récolteraient-ils ? Quel serait le tribut de leur éventuelle victoire pour les Palestiniens de l’enclave ? Pourra-t-on seulement prononcer le mot « Palestiniens » pour qualifier cette population sous ghetto depuis des décennies, quelques naïfs ayant peut-être vu dans le massacre perpétré par le Hamas la possibilité d’améliorer leurs conditions de vie ? Hamas dont les dirigeants, comme chacun sait, mènent grand train au Qatar pendant que le peuple gazaoui crève.
Plus c’est gros, mieux ça passe, dit-on. Avec la réaction militaire d’Israël, on est dans le gigantesque, et l’empathie du monde « blanc », puisque c’est ainsi que se polarise aujourd’hui le monde, manque à l’appel. Le Liban ne veut pas la guerre. Mais le Liban n’est pas gouverné. Il n’a ni sages, ni responsables (au plein sens du terme), ni statures capables d’imposer leurs vues dans les assemblées internationales. Plus inquiétant que la guerre est la déclaration à peine voilée du Premier ministre Nagib Mikati selon qui la décision d’entrer dans le conflit n’appartiendrait pas au gouvernement. Au ban du monde, nous ne voulons pas la guerre, mais cela n’intéresse personne.
Les combattants du Hamas n'ont pas fait qu'attaquer une fête et des kibboutz, ils ont attaqué 6 bases militaires israéliennes : https://www.youtube.com/watch?v=_u6C5LnuBmc&t=444s
12 h 10, le 19 octobre 2023