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Nos Lecteurs ont la Parole

Le stéréotype mortifère

La construction de l’État est un sujet central dans les verbalismes des parties locales en conflit sur la vacance présidentielle. Cependant, tant que le stéréotype ancré dans l’identité confessionnelle contrôle la façon dont ces parties adverses pensent, se comportent et construisent leurs discours, ce qui est dit à propos de la construction de l’État n’est qu’une prétention illusoire, voire cynique.

Ce stéréotype fait que chaque partie est fermée comme une huître, campée sur sa position stagnante, remarquablement déconnectée de la souffrance des gens et insoucieuse de l’effondrement des fondements de l’État. Il se manifeste particulièrement dans les stratégies de défense et/ou de persuasion utilisées par chaque partie en vue d’influencer sa foule confessionnelle autant qu’elle tente de contrer les propos de l’adversaire. Celui-ci est considéré comme un danger imminent et existentiel pour l’État ainsi que pour les intérêts et privilèges de la confession. Ces stratégies sont souvent étayées par des arguments basés sur des expériences négatives, des preuves historiques, des références religieuses choisies de manière arbitraire ou des discours populistes qui visent à éveiller et intensifier la passion de la foule confessionnelle tout en réduisant les complexités des crises et des conflits en attribuant leurs causes à l’adversaire.

Bien que les circonstances changent, ce stéréotype est une tendance répétitive et rigide qui demeure sans remise en question en raison de son chevauchement avec le noyau religieux auquel il est greffé. Ce noyau s’est dévié de son message originel dans le contexte libanais en raison de la tendance habituelle à exploiter la religion dans la politique, ce qui confère au stéréotype un caractère sacré facilement généralisable. En conséquence, le travail politique au Liban ne peut être que déformé, car il se déroule en dehors des limites de la Constitution ; il empêche également la propagation de la culture constitutionnelle, qui demeure la seule voie conduisant à l’établissement d’un État de droit et offrant la possibilité d’une fusion nationale basée sur la citoyenneté.

Contrairement au stéréotype qui abolit l’individu et la citoyenneté, cette culture constitutionnelle permet à la personne de vivre en homme politique dans le sens aristotélicien du terme, jouissant de ses droits civils et politiques et assumant ses responsabilités publiques. Le peuple devient la source des pouvoirs et se distingue de la foule qui est vulnérable aux émotions et à l’excitation irrationnelles et qui est loin de toute discussion objective et critique concernant ses intérêts ou son rôle national. De ce fait même, l’autorité se distingue de l’hégémonie en ce sens que le peuple obéit à l’autorité tant qu’elle émane de lui, tandis que la foule se soumet aux chefs confessionnels sans possibilité de choix rationnel et libre ; elle est dominée psychologiquement et politiquement par le biais de la force du stéréotype hérité.

Les principes politiques démocratiques modernes stipulent qu’aucune autorité n’est légitime si elle ne provient pas du peuple. Ainsi, le confessionnalisme demeure une réalité en raison du stéréotype qui est soutenu par le pacte national ou l’expression ambiguë du « vivre en commun », mais sans légitimité du peuple. Il ne fait aucun doute que la tragique réalité dans laquelle nous vivons est le résultat de cette situation, car le pays ne peut se développer sans une autorité qui représente légitimement le peuple et s’acquitte de son devoir de servir les intérêts de son peuple.

Dans le cadre confessionnel, cette conclusion soulève la question du peuple lui-même : comment ce peuple peut-il s’établir et remplir son rôle conformément à ce qui est stipulé dans la Constitution ? Le stéréotype confessionnel, qui est le contraire du peuple, représente la continuité historique de la société libanaise et est à l’origine d’une action politique déformée et d’un système politique peu efficace. Mais ce résultat place la société susmentionnée devant un choix fatidique : soit accepter cette continuité, et ainsi préserver une société et un système voués à la disparition, même progressivement ; soit choisir d’aller vers un avenir différent du passé, en s’inspirant des articles de la Constitution qui stipulent la pleine citoyenneté et le rôle du peuple dans la production du pouvoir, tout en négligeant les articles qui lient le présent au stéréotype confessionnel.

En d’autres termes, dans le contexte libanais, la continuité historique peut être considérée soit comme une reproduction du passé, stabilisant ainsi la tendance descendante, soit comme un ensemble d’expériences dont les critiques objectives permettent de tracer le chemin qui mène à l’établissement d’un peuple et d’un État de droit et d’institutions. Ce dernier objectif appartient à celles et ceux qui font preuve de bonne volonté et de courage, et heureusement, il y en a beaucoup dans la société. « La différence entre possible et impossible réside dans la détermination qui sommeille en toi » (Tommy Lasorda).

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

La construction de l’État est un sujet central dans les verbalismes des parties locales en conflit sur la vacance présidentielle. Cependant, tant que le stéréotype ancré dans l’identité confessionnelle contrôle la façon dont ces parties adverses pensent, se comportent et construisent leurs discours, ce qui est dit à propos de la construction de l’État n’est qu’une prétention...

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