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Nos Lecteurs ont la Parole

Qui pourra relever le Liban déjà à terre ?

Disserter sur notre misère serait une entreprise stérile. Le Liban est saigné à blanc, les Libanais aussi. Je ne ferai pas de discours irréaliste, celui où l’on brode sur les mots, où l’on ferme les yeux sur la triste vérité et celui que l’on clôture par « l’espoir, c’est vous, les jeunes ».

Notre cause est vouée à l’échec, surtout dans le contexte géopolitique actuel, les horreurs des guerres lointaines et plus proches de nous qui relayent le dossier « interne » libanais à l’arrière de la scène.

Face à l’effondrement généralisé du pays, aucune réforme, aucune feuille de route pour la reconstruction du pays n’a été proposée, rien n’a été mis sur la table. La classe politique, cruellement indifférente, est passée maître dans l’art de se délester de ses responsabilités, trop affairée par ses intérêts privés, trop occupée à jouer aux démagogues populistes face à des foules crédules, à courtiser les États-Unis ou la France, ou encore l’Arabie saoudite…

Dans la liste de ses préoccupations actuelles, on cite la répartition des rôles pour la tragi-

comédie de l’élection présidentielle, la transformation du dialogue national en dialogue de sourds, jouant aux diplomates faussement avertis avec le groupe des Cinq…

Décidément, le gouvernement démissionnaire de l’incompétence ne déçoit jamais. En matière d’inaction, nos responsables sont imbattables, si bien que la mission de désigner un président pour notre propre pays est confiée comme dans un réflexe inné à la France ou au Qatar.

Il me semble que la crise économique, au grand dam des déposants dans la misère, ne figure pas vraiment dans la liste des priorités. De même pour les réformes politiques… Ils ne sont pas pressés d’opérer des changements. Un aveu de lâcheté ou, disons, mieux, une déclaration de forfait.

Que font-ils alors ? Ils se contentent d’attendre sagement l’heure où les nouvelles générations prendront la relève. À ce moment-là, ils leur confieront les clefs d’un édifice en ruine, d’un pays détruit où sévit une crise multidimensionnelle, sur fond de corruption endémique, d’éradication de la culture citoyenne, d’absence d’institutions, d’anéantissement du concept de l’État de droit… avec la mission impossible de le rebâtir.

Ils pensent à tort que la nouvelle génération brandira le drapeau libanais et s’unira, toutes confessions confondues, telle la ligue de Délos, face aux démons qui étouffent le pays. Ils supposent que les jeunes Libanais œuvreront pour la paix, pour un pacte national, et qu’ils mettront définitivement leur appartenance communautaire de côté.

Sauf que la jeunesse n’est que le calque de ses aînés. Chaque foule s’inféode à un chef et à sa soi-disant idéologie, porte les couleurs d’un drapeau qui n’est pas celui du Liban et chante des slogans qui traduisent une définition différente de la même nation. Aux slogans antisyriens, répondent des slogans prosyriens, aux slogans récusant l’ingérence occidentale, font écho des slogans favorables aux Occidentaux, aux slogans louant les partis politiques traditionnels, font face des slogans qui les fustigent, glorifiant l’esprit de la « thaoura ».

Détrompez-vous, les jeunes ne sont pas tous patriotes et n’ont pas appris des erreurs de leurs parents. Hébétés applaudisseurs à des inepties de tout genre, ils défendent toujours avec ferveur, à feu et à sang, un chef de clan pour qui ils sont prêts à tout.

Le fossé qui se creuse alors entre le pays actuel et celui imaginé, rêvé, voulu par chaque citoyen est un abîme sans fin.

Ma critique est double : d’une part, je dénonce les dirigeants de cet État qui ont œuvré, au cours de plusieurs décennies noires, pour sa chute et qui, à défaut de tenter de sauver le pays en entreprenant des réformes concrètes, se tournent vers les jeunes pour prendre la relève. Or c’est le tonneau des Danaïdes.

D’autre part, la majorité des jeunes Libanais et Libanaises sont dépourvus de jugement raisonnable, sont dénués de clairvoyance et ne remettent pas en question les orientations politiques de leurs aînés avant de les suivre.

Le Liban est à réinventer à partir des décombres et de la faillite dramatique de l’État.

Aux honorables dirigeants : vous avez beau être incompétents, le monopole du pouvoir vous appartient. Théorie mise à part, parlons realpolitik. Le peuple ne peut pratiquement rien faire, et encore moins les jeunes, à qui vous avez ruiné le futur. La moindre des choses que vous puissiez faire est de prendre vos responsabilités en main et d’agir, dans l’infime temps qu’il vous reste au pouvoir, pour la reconstruction de la nation, tout en sachant que, quoi qu’il advienne, vous croupirez dans les geôles de l’histoire pour les crimes imprescriptibles que vous avez commis.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Disserter sur notre misère serait une entreprise stérile. Le Liban est saigné à blanc, les Libanais aussi. Je ne ferai pas de discours irréaliste, celui où l’on brode sur les mots, où l’on ferme les yeux sur la triste vérité et celui que l’on clôture par « l’espoir, c’est vous, les jeunes ».Notre cause est vouée à l’échec, surtout dans le contexte...

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