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Les « animaux » de Gaza et le conflit sans fin

Ce n’est pas une spirale, c’est un vortex. La guerre entre Israël et le Hamas a tout aspiré en quelques jours, l’actualité internationale comme les repères de la vie quotidienne. L’attaque venue de Gaza contre une rave- party, un jour de shabbat où les juifs, en respect du repos rituel, sont le plus vulnérables, a été un choc. D’abord par l’aspect inédit de l’opération : un scénario à la Mad Max qui fait intervenir des scooters, des bateaux, des paramoteurs, des camionnettes et autres véhicules incongrus dans le contexte d’un assaut militaire. Ensuite par sa violence, les assaillants n’ayant au départ pris pour cible que des civils désarmés en train de faire la fête. Vraisemblablement, dans l’enclave de Gaza, sous blocus depuis 2007 et où la moindre respiration est étroitement surveillée par Israël, l’entraînement à cette attaque aussi aveugle que spectaculaire aurait eu lieu sous couvert d’activités récréatives ou sportives.

Comment aborder objectivement cette nouvelle guerre entre les mêmes vieux protagonistes ? Qui a tort, qui a raison, de quel côté est la morale ? D’une part, un territoire désespéré dont les habitants sont privés de quasiment tous les droits humains : celui de circuler librement, celui d’avoir accès à l’eau, à l’énergie, voire à la nourriture. D’autre part, un État qui a décidé que les habitants de ce territoire sont tous des « terroristes » (un terme qui vient d’être mis à jour, le ministre israélien de l’Intérieur l’ayant remplacé par « animaux ») et qui expulse les Palestiniens de leurs maisons qu’il réquisitionne, autorisant des Israéliens à les occuper. Quel être humain normalement constitué trouverait normal de s’installer dans la maison d’un autre, dans son histoire et ses souvenirs, en tout confort et bonne conscience ? Il est vrai aussi qu’en terre de Hamas s’est installé un islamisme dur qui reporte sur les femmes l’apartheid imposé par Israël sur l’ensemble des Palestiniens. L’enclave de Gaza s’est transformée, avec le temps, en un lieu où ces dernières subissent une double peine, extérieure et intérieure. Ce qui ne favorise pas l’empathie du monde dit libre avec une culture qu’il perçoit comme menaçante pour la sienne. La destruction au bulldozer d’un tronçon du mur qui isole Gaza du reste du territoire a été un moment sidérant. Il y avait une joie légitime, du côté palestinien, à voir tomber ce rempart humiliant derrière lequel toute une population était parquée, oui, comme du bétail. Mais on peut aussi imaginer l’angoisse simultanée des Israéliens à l’idée que ceux qu’ils ont été endoctrinés à préjuger comme inhumains soient lâchés dans leur propre biosphère. Pour les Gazaouis, il n’existe pas de civils israéliens, dès le moment où chaque citoyen adulte est considéré comme réserviste avec plus de deux ans de service militaire à son actif. Pour les Israéliens, il n’existe absolument pas de Palestinien qui ne soit potentiellement terroriste. Entre les deux, une haine tenace alimentée par des idéologies contradictoires, des dirigeants souvent dangereusement populistes, des malentendus et des hoquets de l’histoire auxquels s’ajoutent, du côté israélien une mentalité expansionniste et abjectement discriminatoire, du côté palestinien un sentiment légitime de révolte, d’injustice et d’humiliation. Entre les deux, la violence sera définitivement la seule forme possible de communication.

L’assaut du Hamas, avec sa violence inédite, était clairement un suicide malgré les morts sales qu’il a engendrées. Les forces sont à l’évidence asymétriques, preuve en est la réplique d’Israël qui, en plus de lancer sur l’enclave toute sa puissance aérienne, renforce désormais son blocus vers un étouffement total. Les Gazaouis n’ont pas été consultés à la veille de cette attaque spectaculaire. De toute façon, leur avis n’aurait pas davantage compté que celui des Libanais lors de la prise d’otages israéliens par le Hezbollah en juillet 2006, qui avait planté les premiers clous dans le cercueil de ce pays aujourd’hui mort-vivant. Si l’enjeu non avoué du Hamas est d’en finir avec le Fatah et d’unifier la Cisjordanie et Gaza sous sa bannière, voilà beaucoup trop de morts et de destructions pour un objectif trivial. S’il s’agit d’une stratégie du parrain iranien pour faire capoter le projet ferroviaire saoudien et l’éventuel accord de paix avec Israël qui l’accompagne, pas mieux.

Comment tout cela va-t-il s’achever ? Le Hamas obtiendra-t-il l’ouverture de son enclave et la jonction des deux « Palestine » ? Le territoire assoiffé de Gaza aura-t-il enfin un libre accès à l’eau ? Les Israéliens verront-ils « Gaza sombrer dans la mer », selon la célèbre déclaration de Rabin qui, devant l’impossibilité d’une telle solution avait choisi la paix ? Qui serait prêt à déclencher une guerre mondiale pour l’une des deux options ?

Ce n’est pas une spirale, c’est un vortex. La guerre entre Israël et le Hamas a tout aspiré en quelques jours, l’actualité internationale comme les repères de la vie quotidienne. L’attaque venue de Gaza contre une rave- party, un jour de shabbat où les juifs, en respect du repos rituel, sont le plus vulnérables, a été un choc. D’abord par l’aspect inédit de...

commentaires (9)

Je conseille à tous les anglophones de visionner l'intervention du professeur américain d'origine juive Norman Finkelstein sur' The Jimmy Dore Show', disponible sur YouTube: The Palestinians had NO OTHER OPTIONS. Finkelstein, comme il le dit lui-même, a consacré quarante ans de sa vie au conflit israélo-palestinien. Il a finalement compris que la situation était sans espoir(hopeless), et il a abandonné...

Georges MELKI

10 h 30, le 13 octobre 2023

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Commentaires (9)

  • Je conseille à tous les anglophones de visionner l'intervention du professeur américain d'origine juive Norman Finkelstein sur' The Jimmy Dore Show', disponible sur YouTube: The Palestinians had NO OTHER OPTIONS. Finkelstein, comme il le dit lui-même, a consacré quarante ans de sa vie au conflit israélo-palestinien. Il a finalement compris que la situation était sans espoir(hopeless), et il a abandonné...

    Georges MELKI

    10 h 30, le 13 octobre 2023

  • J’apprécie l’analyse, moins ses conclusions. Que devraient donc faire les palestiniens ? Attendre simplement et tendrement leur étouffement définitif ou une résolution internationale dont la métaphore plus adaptée est celle représentée par l’attente de Godot ?

    Scala Michele

    23 h 27, le 12 octobre 2023

  • Après chaque guerre, on se retrouve seul, comme dans la vie. Les Palestiniens comme les Libanais se sont retrouvés seuls. Tous les protagonistes des guerres se sont retrouvés seuls après un face-à-face meurtrier. J’aime bien le mot d’une chanteuse : ""On se comprend, on se console. Mais au bout du compte, on se rend compte qu’on est toujours tout seul au monde"". Viendra le temps des négociations, et on se dit qu’on s’est mal compris...

    Nabil

    15 h 31, le 12 octobre 2023

  • """"…des « terroristes » (un terme qui vient d’être mis à jour, le ministre israélien de l’Intérieur l’ayant remplacé par « animaux »)"""" L’emploi des mots, même les mots du droit, est le symptôme d’une propagande sans nom. Longtemps l’OLP (la Centrale palestinienne, presque oubliée aujourd’hui) est traitée de terroriste, avant d’être interlocuteur, et puis finalement une fiction de pouvoir…

    Nabil

    15 h 18, le 12 octobre 2023

  • """"Quel être humain normalement constitué trouverait normal de s’installer dans la maison d’un autre, dans son histoire et ses souvenirs, en tout confort et bonne conscience ?"""" C’était courant pendant la guerre du Liban d’occuper les maisons sans être le propriétaire d’où la création du ministère des Déplacés. On occupait les maisons (celles qui n’étaient pas détruites ou rasées) de ses voisins qui ont pris la fuite. Il fallait, nécessité oblige, loger les gens sinistrés…

    Nabil

    15 h 15, le 12 octobre 2023

  • Que de conflits sans fin, de quoi provoquer un véritable casse-tête ! Impossible de les énumérer tous, rien que celui de l’Irlande, Chypre, et du mois dernier, le conflit qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan... La surprise, non seulement le côté spectaculaire de l’attaque du Hamas, mais que les chancelleries, les services de renseignements soient pris de court par cette guerre. N’étaient-ils pas vraiment au courant ? Chacun va de sa propre analyse, chaque journal de sa tendance et de son parti pris. Mais pourquoi ce conflit soulève le plus les passions. Que la cause palestinienne a été récupérée par différentes factions palestiniennes (quand elles ne s’entretuent pas comme à Aïn Héloué récemment) par les Syriens durant la guerre du Liban, par les islamo-palestino-progressistes libanais et autres gauchistes … que quelqu’un me dit la raison de cet engagement… la défense d’une cause juste ou la haine…

    Nabil

    15 h 00, le 12 octobre 2023

  • Deux poids deux mesures comme toujours. Merci M. Adjadj de votre commentaire éclairé!

    Politiquement incorrect(e)

    14 h 51, le 12 octobre 2023

  • MADAME, EN PARLANT DU HAMAS D,AUJOURD,HUI... FALLAIT PARLER ET COMPARER LA HAGANA D,HIER... POUR ETRE OBJECTIVE. TOUT A COMMENCE DANS L,HIER ET TOUT CONTINUE DANS L,AUJOURD,HUI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 05, le 12 octobre 2023

  • L'appareil de la propagande d'Israël a été rodé depuis des décennies. Aucun media occidental ne sait faire la différence entre un Palestinien et unTerroriste. Tout le monde oublie ou semble oublier qu'avant la naissance et après la naissance d'Israël, les groupe "amicaux et civilisés" qu'étaient les milices terrrosistes de Haganah, Irgoun et Stern, qui, en tout respect des droits de l'homme, ont terrorisé, massacré et chassé de leurs maisons et de leurs terres les populations palestiniennes qui n'avaient commis d'autre crime qu'habiter et vivre dans leurs maisons et leur pays. Oubliées ou délbérément ignorées aussi les aussi les atrocités injustifiées commises par l'Armée d'Israël envers les Palestiniens dans les terriroires occupés de Cis-Jordanie. A force de forcer le feu sous la cocotte-minute, elle finit par exploser. L'Histoire n'est qu'un perpétuel recommencement, sans que l'Homme ne finisse par apprendre de ses errements.

    Joseph ADJADJ

    00 h 53, le 12 octobre 2023

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