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Lifestyle - La Mode

Au printemps-été 2024 d’Hermès, le naturel au galop

Dans un décor champêtre planté à la garde républicaine, Hermès a déployé pour le printemps-été 2024 une collection puissante, à la fois sobre et d’un luxe éblouissant. La solidité des matières contrastait avec l’aisance des coupes pour « protéger sans dissimuler ».

Au printemps-été 2024 d’Hermès, le naturel au galop

Un décor champêtre et toute l'élégance d'Hermès. Photo JackDay

La musique est battue, presque tribale, violons, percussions, guimbardes. Le rythme est rapide, un galop, une échappée, un envol où la vitesse rejoint l’immobilité. Parmi les joncs et les hautes herbes qui n’ont pas encore reverdi, le jasmin apporte sa tendresse, émerge au-dessus de la flore moussue comme une incarnation d’étoiles. On entend déjà les oiseaux. Ils chantent à contre-temps, indifférents à la cavalcade. Tout cela les annonce, et tout à coup elles apparaissent, disparaissent, circulent dans la folie organisée de ce jardin sauvage, se laissent effacer pour mieux ressurgir, rapides mais jamais haletantes, jamais pressées  ; rapides mais sereines, comme appartenant à cette biosphère poétique, à ces sentiers de fin gravier blanc qui s’égarent, écloses parmi ces gerbes dont elles caméléonnent les nuances terriennes. Et puis vibrionnent, tourbillonnent, se croisent, se décroisent, en ligne, en formation, en essaim. Dans son lieu fétiche de la garde républicaine, Hermès a planté une prairie et lancé, dans un printemps de pique-nique, ses mannequins comme des cavales sorties de l’enclos, des papillons libérés des cocons, des abeilles allant au miel.

« Sacre de l’été » un motif comme un refrain

Qui a dit que le printemps n’aurait pas droit aux couleurs de l’automne ? La belle saison Hermès imaginée sous le thème de l’« Étonnement », son vocable de l’année 2024, ne fait rien comme tout le monde. La palette est d’une sobriété profonde, saturée, sans mièvrerie. Du noir brillant au canon-de-fusil, du blanc au plâtre crémeux, du chocolat aux nuances de terre-de-Sienne, aux somptueuses nuances de rouge – rubis ou opéra –, l’intensité souligne la beauté des matières. La signature de la saison est ce motif fractal intitulé Sacre de l’été qui revient comme un refrain, ouvre des ajours dans la maille ou le cuir, joue dans les perforations une musique qui module l’air et la lumière. La géométrie rappelle les parures des insectes et des papillons. Elle est partout présente, à travers les cols « T », les épaules asymétriques sur lesquels, parfois, la ligne droite d’un col de veste vient tracer entre peau et soie un vide en demi-cercle.

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Très britannique, très équestre, l’élégantissime « tattersall », un motif de lignes croisées en carrés qui fait partie de l’uniforme des cavaliers, remplace chez Hermès le champêtre carreau Vichy. On l’avait d’ailleurs repéré dans le choix de chemises du roi Charles III lors de sa visite officielle en France en septembre. Dans cette collection, il est traité sur coton craquant, en trench surdimensionné ou en caban, augmenté d’un bavolet et surligné de détails de cuir rouge autour du col, aux épaules, en coudières. Des brassières minuscules redessinent la silhouette, élancent la taille en déplaçant vers le haut sa ligne naturelle. Malgré un sérieux apparent, tout est jeu, tout se module, se compose. Les tailles sont coulissées, les ceintures font corset, les gilets font boléro, l’asymétrie casse les codes.

Le glaçage fondant du cuir dans une collection qui respire le printemps. Photo Filippo_Fior

Reliefs tactiles et détails métalliques

Ainsi des textures, gourmandes et sensuelles. Le regard repère les reliefs tactiles de la maille, son côtelé, ses motifs complexes, glisse sur le glaçage fondant du cuir, devine la fraîcheur du coton laqué et de l’organdi. Des détails métalliques détournent le vocabulaire équestre en un parler plus urbain à la croisée du rock et du punk. Le clou Médor et le clou de selle se transforment en boutons, les zips tracent des lignes parallèles à l’avant des pantalons, le mors, le motif Chaîne d’ancre, les ornements des torques, les boucles de sangles et de ceintures composent des bijoux dont le beau paradoxe est d’être à la fois épurés et barbares.

Tout comme le tattersall dame le pion au Vichy, le sac Panier d’été sublime le traditionnel cabas en paille provençal avec une création en panama naturel et cuir et sa pochette du même ADN. On verra aussi de nouvelles versions, dimensions et couleurs des sacs Kelly, Birkin, Plume et Arçon. La collection met en avant un seul et unique modèle de chaussures : des sandales en ruban tissé et cuir présentées dans les riches coloris choisis pour la saison. Une militante de Peta s’est infiltrée parmi les mannequins en brandissant une pancarte : « Hermès, stop aux peaux exotiques. » Cette collection en était pourtant dépourvue.

La palette est d’une sobriété profonde, saturée, sans mièvrerie. Photo Filippo_Fior

Et si le luxe n’était que… ?

« Assis dans une prairie au milieu des herbes hautes. Le printemps bat son plein. Un pique-nique improvisé, des bavardages sans hâte, le chant d’un oiseau, l’absence de contraintes. Une brise berce doucement les fleurs et les feuilles tout autour. Le paysage respire. Le soleil caresse votre peau tout en la réveillant. Vous vous reconnaissez dans ces moments d’amitié comme dans les vêtements que vous portez : légers, libres, ouverts, solides. Ils savent protéger sans dissimuler, gainer sans entraver. Ils savent épouser vos mouvements comme une seconde peau, que vous flâniez, que vous tourbillonniez, que vous rêviez. Ils savent dessiner la ligne d’épaule et souligner la taille. Ils savent vous découvrir sans vous exposer, invitant la lumière à embrasser une épaule nue, une omoplate entrevue, un décolleté désaxé. Ils savent suivre vos attitudes, vos humeurs, vos envies. »

Cette collection créée sous la direction artistique de Nadège Vanhée-Cybulski s’accompagne d’un manifeste aussi onirique que le défilé. Les vêtements et les mots s’épousent pour vous laisser, entre songe et désir, devant un constat en forme de question : et si le vrai, le seul luxe n’était que la liberté ?

La musique est battue, presque tribale, violons, percussions, guimbardes. Le rythme est rapide, un galop, une échappée, un envol où la vitesse rejoint l’immobilité. Parmi les joncs et les hautes herbes qui n’ont pas encore reverdi, le jasmin apporte sa tendresse, émerge au-dessus de la flore moussue comme une incarnation d’étoiles. On entend déjà les oiseaux. Ils chantent à...

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